mardi, novembre 18, 2008

La mort de la culture

Il y a maintenant trois ou quatre décennies, des éminences ont décrété que la culture classique, requalifiée, par un terme prétendument insultant, de «bourgeoise», était un instrument de domination et qu'il convenait de la tuer et de la remplacer par une autre culture, dite populaire, qui avait la particularité d'être la culture des incultes (1), c'est-à-dire en réalité de ne pas être une culture.

C'est au nom de ce sain principe qu'un Jack Lang a pu expliquer sans rencontrer d'oppositions majeures que le rap était de la culture au même titre que Mozart et Bach.

L'école, jamais en retard d'un zèle gauchiste, a parfaitement réussi à éradiquer toute prétention à apprendre cette culture classique, qu'elle refuse de toute façon d'enseigner (2), la curiosité sur ces sujets est vue comme une grave déviance.

Imaginez un instant qu'un élève d'un lycée public se lève et déclare tout à trac «J'en ai marre de Pierre Perret, je préférerais qu'on étudie Ronsard». Il serait immédiatement classé dans les rétrogrades, les lepénistes, les infâmes, pire les élitistes, les asociaux.

Corneille est définitivement un chanteur de variétés et tout le monde trouve ça très bien.

Comme la science, comme l'enseignement, comme la musique, la culture est par nature élitiste, ce qui est déjà en soi motif de condamnation, mais il se trouve, pour ajouter à ce malheur, que l'élite culturelle recoupe très souvent l'élite sociale.

Il y a un village gaulois qui résiste à l'invasion de la barbarie, à l'ignorance crasse généralisée et satisfaite. Ce village gaulois, souffre, se réduit peu à peu, mais il persiste à exister, bien que virtuel.

Il rassemble tous ceux qui, par hasard (ceux qui fréquentent les écoles «modernes» et dont les parents s'en foutent) ou par obligation (ceux qui fréquentent les écoles «rétrogrades» ou dont les parents ne s'en foutent pas), ont été en contact avec la culture classique et y ont pris goût.

Tant qu'il y aura une bibliothèque debout, le village gaulois des tenants de la culture classique aura quelques habitants.

Mais ces habitants sont ostracisés : il ne fait pas bon, sauf en certains milieux, passer pour cultivé, c'est suspect.

C'est bien là qu'est le fond du drame, la culture est sommée de rester une affaire privée, presque honteuse, on est cultivé comme on est collectionneur de petites culottes.

Or, la culture, qui est distinction (3), meurt de rester cachée : pour vivre, elle doit sans cesse attirer de nouveaux fidèles. Elle doit être un phare.

Addendum : alors que je finis ce message, je trouve, après quelque recherche, ce texte de Renaud Camus, La grande déculturation, qui dit bien mieux que moi la même chose.

(1) : pour la plupart, des immigrés, population chérie de notre gauche confusioniste.

(2) : je serais né cinquante ans plus tôt et j'aurais fait un parcours scolaire identique, ma culture classique serait bien plus solide qu'elle n'est. Et pourtant, je n'ai pas à me plaindre : j'ai fait du latin, on m'a fait étudier La guerre des Gaules, Lucrèce, Chrétien de Troyes, Goethe, Marot, du Bellay ...

(3) : être cultivé, c'est avoir du goût, c'est préférer ceci à cela, pas par caprice, mais par un goût longuement muri.

23 commentaires:

  1. Quand on voit des textes aussi élitistes, c'est difficile même pour moi qui suis pourtant cultivé, de ne pas détester ce mode de pensée... Pourtant j'ai fait du latin, de l'italien, du japonais, de l'allemand, une licence d'anglais, j'étudie en ce moment l'économie, niveau culture personnelle j'ai lu la Divine Comédie, du Jules Verne... Mais votre attitude de dégout envers la nouvelle forme de culture qui se crée depuis quelques années ressemble à du ségrégationnisme culturel : seuls les classiques seraient bons à prendre ? Non ! Ce n'est pas parce que c'est neuf que c'est mauvais, bien sur il ne faut pas oublier les anciens mais ce n'est pas une raison pour stigmatiser les nouveaux ! Alors ouvrez les yeux et lisez le dernier Romain Sardou "Delivrez-nous du mal" ou "Le vol du Régent" de Michel de Grèce, très agréables, ou regardez Metropolis de Katsuhiro Otomo ou même Be kind, rewind, de Michel Gondry, c'est de la culture, c'est enrichissant au même titre que Montaigne (qui par contre n'était pas si enrichissant culturellement qu'on veut nous le faire croire, très surestimé et égocentrique surtout...).

    Et surtout, NON !! Être cultivé ce n'est pas avoir du goût ! Cela n'a rien à voir ! La culture est une somme de connaissances ! Nous ne sommes pas en mesure de porter des jugements de valeur définitifs sur la culture des temps passés, personne ne l'est, surtout pas un type qui prend le libéralisme comme une religion, un idéologue borné, réactionnaire et qui méprise tout ce qui n'est pas comme lui !

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  2. Matthieu,

    Vous tombez assez bien dans la catégorie des «amis du désastre» comme dit Renaud Camus.

    «Être cultivé ce n'est pas avoir du goût ! Cela n'a rien à voir ! La culture est une somme de connaissances !»

    Je suis en complet désaccord avec vous sur tout ce que vous écrivez, mais particulièrement sur cette phrase.

    Je connais des ânes savants qui ont beaucoup de connaissances mais aucun goût, aucun jugement, aucune finesse. La culture, c'est avoir du goût.

    Rassurez vous cependant : les gens qui pensent comme moi sont une espèce en voie de disparition, les gens de votre conviction ont gagné, la médiocrité aussi.

    Enfin, ça me fait plaisir que vous trouviez Montaigne surévalué : ce n'est pas un auteur qui se laisse apprécier sans efforts et j'aurais été chagrin qu'un penseur si moderne, si à la mode, que vous soit arrivé à le juger à sa juste valeur.

    La réputation de Montaigne ne devrait point trop en souffrir. Il lui restera toujours quelques admirateurs, Voltaire, Stendhal, Flaubert,Thibaudet, Jean Prévost, Nathalie Sarraute avec lesquels je ne me sentirais pas en trop mauvaise compagnie.

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  3. Ils n'ont aucun jugement pourquoi ? parce qu'ils n'ont pas le même jugement que vous ? Vous me feriez pitié si vous ne me faisiez pas tant rire !

    Et je ne suis pas "à la mode", j'm'en fout de la mode, tu peux pas imaginer... mais il faut accepter le monde d'aujourd'hui, il est tout aussi réel, et même bien plus, que celui du temps de Montaigne ou Voltaire ! On vit le présent, on se souvient du passé. Faut arrêter de vivre dans le passé, c'est mauvais et ça donne des mecs désagréables, qui pètent plus haut que leur cul, qui se prennent pour l'ami de Voltaire et qui méprisent ceux qui n'ont pas les mêmes gouts qu'eux...

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  4. Toujours ce principe relativiste qui veut faire croire que tout se vaut. N'en déplaise à Jack Lang, le rap ne vaut pas Mozart pour une raison toute simple : le rap n'est pas de la musique.

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  5. Rappelons pour être complet que la vision que j'exprime est celle de plusieurs siècles de civilisation, alors que la vision qu'exprime Matthieu est celles des trente dernières années, qui, à mon avis ce n'est pas un hasard, ont été celles d'un désastre éducatif sans précédent (comme le signale Renaud Camus, il n'est pas sûr qu'un bachelier actuel aurait été accepté en 6ème il y a cinquante ans).

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  6. Je ne me rapelle plus qui disait que les civilisations ne sont pas détruites, elles se suicident.

    N'est pas le cas de celle que vous defendez ?

    Y a t'il un reel avantage a ecouter Mozart ou n'est ce qu'un moyen de proclamer qu'on fait partie d'une "élite".

    Ca me rapelle cette histoire d'un joueur de cythare Indien invité a un rassemblement interculturel hautement intelectuel;
    Il se met sur la scéne et commence par accorder son instrument.
    Au moment ou il s'arréte,il assiste interloqué a un tonerre d'aplaudissments venant du publique transporté par la "vérité" de son oeuvre.

    Franchement,combien de ceux qui écoutent Mozart sont dans ce cas la ?

    Je viens de cette école désatreuse que vous dénoncez, j'écris mal, je pense mal et j'en suis trés heureux.

    Ma culture j'ai été la chercher, je n'ai jamais lu d'ouvrages de philosophie pour avoir une bonne note mais pour y trouver des réponses.

    La différence entre une éducation et un endoctrinement est vraiment trés fine, peux étre méme qu'elle n'existe pas.

    Comment définir LA culture.La quasi totalité de vos références parlent des Francais.

    Pourquoi n'y incluez vous pas les philosophes de l'antiquité ou Adams ou Confucius ?

    Quel différence entre vous et un Musulman parlant du Coran ?

    je me fous bien de l'avis de Lang mais en l'état actuel de mes conaissances, je ne vois pas pourquoi le rap ne serait pas aussi intéréssant que le classique.

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  7. «je ne vois pas pourquoi le rap ne serait pas aussi intéressant que le classique.»

    Ca prouve juste que vous n'avez aucun goût !

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  8. Franck, je crois qu'il va falloir vous préparer à une ère où les hommes cultivés seront une infime minorité à travers le monde, méprisée, ignorée, invisible voire cachée, travaillant seuls à apprendre de leurs aînés et à transmettre leur savoir à des générations qu'ils ne connaîtront pas, uniquement reliés à une poignée de leurs semblables disséminés sur la surface du globe.

    Est-ce si grave? Après tout, nous l'avons déjà fait, nous les Occidentaux. Pendant des siècles, des moines chrétiens isolés, pauvres, sales et malades ont consacré leur vie à cela, sans attendre autre chose en retour que leur salut éternel.

    Leur force spirituelle a donné naissance à une chaîne de communautés disséminées à travers l'Europe et le monde entier.

    Nous avons la chance de marcher dans leurs pas tout en ayant le chauffage, des salles de bain, la Sécurité sociale et Internet.

    De quoi nous plaignons-nous?

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  9. Je ne dit pas que tout se vaut, mais il y a aussi du bon à notre époque, c'est ce que je dit, et je soutiens Barlettgreen lorsqu'il dénonce votre chauvinisme culturel. Vous qui semblez aimer les auteurs classiques, un peu de Shakespeare ? Il ne faut pas délaisser la culture de notre passé mais ignorer celle de notre présent est une forme d'auto-aveuglement absolument effarante ! Le rap pour moi n'est pas de la musique non plus, c'est une forme de poésie urbaine qui n'est pas faite pour être mélodieuse mais pour porter un message, il faut connaitre, ensuite on aime ou pas, mais ça fait partie du monde dans lequel nous vivons, au même titre que les séries américaine, les films de Cocteau, le hard rock, l'art abstrait ou l'humour anglais !

    Il faut connaitre pour juger, je crois que vous ne connaissez pas.

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  10. Excellent ton papier, en lui même et par les commentaires qu'il attirent, qui sont une excellente illustration.

    Matthieu a fait du ... Matthieu a lu ...
    que lui en reste-t-il?
    comment a-t-il digéré?

    Le sempiternel problème de la forme et du fond, de la quantité et de la qualité, de l'empilement d'informations que l'on prend pour de la connaissance ...

    Je suis d'accord, avec Bob, salut à toi Bob.
    Ce serait tellement mieux de ne pas être autant minoritaires.

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  11. Bartlett, Matthieu,

    Vos arguments sont spécieux car ils butent sur la réalité : l'homme est mortel, son temps est limité. Il ne peut pas tout connaitre, tout étudier. Il est obligé de choisir.

    Si il consacre son temps au rap, il n'aura pas le temps pour Mozart.



    Robert,

    Vous avez hélas raison.

    On peut espérer, les moyens modernes étant ce qu'ils sont, que peu d'informations seront perdues.

    Cependant, cela ne peut aller sans drames : une société où les individus sont moins cultivés, c'est une société où l'ensauvagement gagne.

    Regardez tous ces gens prêts à n'admettre aucune critique sur quoi que ce soit, à cause de leur ego surdimensionné et de leur relativisme («mon opinion, mon comportement valent bien le tien, et puis, de toute façon, je fais ce que je veux et je t'emmerde»).

    Je constate qu'en France, il faut de plus en plus cacher ce que l'on pense, pour peu que ça ne soit pas «politiquement correct», manière douce de désigner la police de la pensée.

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  12. Salut Larry. Retourner dans les catacombes serait un drame, bien entendu. La culture a besoin d'hommes pour survivre. Les civilisations sont mortelles, et même leur souvenir peut disparaître.

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  13. «Les civilisations sont mortelles, et même leur souvenir peut disparaître.»

    Nous n'en sommes pas là, mais tout de même, le déclin est foudroyant ...

    Un espoir cependant : l'Etat oeuvre beaucoup pour l'infantilisation des populations. Si la crise actuelle pouvait rendre les individus à leurs responsabilités, elle n'aurait pas eu que des effets négatifs.

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  14. "Y a t'il un reel avantage a ecouter Mozart"

    J'en vois déjà un de taille : ne pas avoir de la merde dans les oreilles. Ceci dit, je n'aime pas Mozart, j'ai le mauvais goût de lui préférer des compositeurs comme Grieg, Saint-Saëns ou Sibelius ou encore le heavy metal.

    Bien sûr, on a le droit d'aimer l'éphémère, le prêt à jeter, le droit d'avoir des goûts de chiottes, mais qu'on ne vienne pas nous traiter de fachos parce qu'on aime la culture gréco-romaine (bah oui, la grande frise de l'autel de pergame, c'est quand même autre chose que les colonnes de Burenne) comme ça m'est déjà arrivé, en plus par des types qui se revendiquent étudiants et défenseurs de l'université alors que ce sont des incultes crasseux notoires qui se prennent pour des gens intelligents.

    Dans cinq cent ans, le Boléro de Ravel sera toujours l'oeuvre la plus jouée au monde et tout le monde aura oublié toutes ces bouses qui ont eu leur quart d'heure de célébrité à la TV.

    Tiens, je vais oser une provocation : le goût, c'est comme la classe, on l'a ou on ne l'a pas.

    @Robert Marchenoir : tant mieux s'il y a moins de gens cultivés : les médiocres ne les méritent pas.

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  15. «le goût, c'est comme la classe, on l'a ou on ne l'a pas.»

    Au contraire, le goût, ça s'éduque. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde a l'envie et la capacité d'être éduqué.

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  16. Ouais bon, je vous laisse délirer dans votre coin, je reviendrais sur des sujets plus rigolos. Vous faites perdre tout le charme de chaque débat avec vos affirmations sans arguments.

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  17. "Regardez tous ces gens prêts à n'admettre aucune critique sur quoi que ce soit, à cause de leur ego surdimensionné et de leur relativisme («mon opinion, mon comportement valent bien le tien, et puis, de toute façon, je fais ce que je veux et je t'emmerde»)."

    C'est l'hopital qui se fout de la charité !

    Ma foi mes amis, si vous pensez qu'il faut étre bien blanc, chrétien, Francais et mort depuis belle lurette pour meriter votre intérét, c'est votre opinion.Je la respecte mais ne la partage pas.

    Enfin sachez quand méme que chez les sous développés que des circonstances adverses vous obligent a cotoyer on écoute la musique aussi par plaisir et intérét de l'autre, et pas par devoir christique de sauvegarde de la culture.

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  18. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  19. Franck, si je vous rejoins complètement sur le fond, en revanche je vous trouve assez lapidaire dans la forme (et ce depuis quelques temps, me trompe-je ?).

    Je crois que Matthieu s’emmêle les pinceaux (dire qu’une somme de connaissances n’a rien à voir avec le goût (ça ne fait pas tout mais il y a un rapport quand même, dans l’initiation bien souvent nécessaire) avant de dire qu’il faut connaître pour juger !?). Alors du coup vous balayez tout ça d’un revers de main. En fait vous entérinez votre position par rapport à celle des autres et vous ne la défendez plus.

    Pour ce qui est de la culture j’aime assez l’image de Bernard de Chartres qui parlait d’un nain jugé sur des épaules de géant. Simplement monter sur les épaules d’un géant demande des efforts et beaucoup de temps. R. Camus d’ailleurs explique très bien le rapport à l’effort et au temps qui empêche de facto (s’il elle n’était insensée par essence même) la démocratisation par le haut de la culture.

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  20. «vos affirmations sans arguments»

    J'ai des arguments, simplement, ils ne vous conviennent pas, c'est différent.

    Pensez vous que la culture s'est répandue ces dernières années, que le public cultivé s'est élargi ?

    Si oui, j'aimerais bien que vous m'expliquiez car je pense exactement l'inverse.

    «si vous pensez qu'il faut étre bien blanc, chrétien, Francais et mort depuis belle lurette pour mériter votre intérét»

    Pas nécessairement. Mais «blanc, chrétien, Francais et mort» et européen et grec et latin, ça fait tout de même le fond de ma culture.

    On en revient toujours au même problème, il faut choisir.

    «je vous trouve assez lapidaire»

    La découverte du texte de Renaud Camus m'a coupé dans mon élan : il dit mieux que moi et plus longuement.

    Il y a une autre raison : j'ai l'impression de mener un combat perdu d'avance.

    J'imagine mal les amis du désastre changer d'avis.

    «et ce depuis quelques temps»

    Les discussions avec le soi-nommé Canut m'ont beaucoup lassé, c'est pourquoi j'ai fini par le censurer.

    Vous ne pouvez pas savoir comme il est fatiguant de répondre à un imbécile dont vous savez qu'il ne vous écoutera pas et dont vous devinez d'avance les réponses.

    Approbateurs ou désapprobateurs, peu importe, mais il est encourageant de se dire en lisant les commentaires «Tiens, je n'y avais pas pensé».

    Par contre, quand vous tombez sur un type dont vous vous dites systématiquement «J'aurais parié qu'il allait répondre ça», et qui en plus s'accroche, et qui vous vous prend de haut, cela vous fait passer pour quelques temps l'envie de débattre.

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  21. Les grecs avaient un joli mot pour désigner la vulgarité : apeirokalia.
    Outre les 3 premières syllabes qui évoquent à mon palais la minéralité d'un sauvignon racé, on pourrait le traduire par 'le manque d'expérience des belles choses'.

    Je comprends Matthieu, et suis comme lui sous le charme de Métropolis ou de Be kind, rewind. (Je comprends moins l'intérêt pour R Sardou qui n'a ni le souffle, ni la hauteur de Sinoué ou de Maalouf.)
    Pire, j'aime le boulot d'artistes -au sens contemporain- comme DJ Cam ou Wax Taylor (vade retro, c'est du hip hop - et je ne m'attarderai pas à expliquer ici les différences pourtant notoires entre rap et hip hop). Ils sont dans l'air du temps et leur musique me fait, sans volonté propre de ma part, bouger la tête.
    Mais il serait ridicule, malgré tout leur talent, de les mettre sur le même plan que Bach.
    il y a ainsi quelque once de mauvaise foi à ne pas voir la différence entre une grande oeuvre littéraire et un bon bouquin ; Isabelle Allende n'est pas Garcia Marquez, R Sardou n'est pas Stendhal. D’ailleurs, le plaisir d'écouter les suites de violoncelle seul, ou Maria-Joao Pires jouer les sonates de Mozart (puisqu'on y revient toujours) n'a rien à voir avec celui d'envoyer 15minutes de Fela Kuti à fond les ballons.
    Qui comparerait les mérites respectifs d'un grand Sauternes de 25ans avec un bon petit Trousseau d’Arbois ? d'une 2cv et d'une Maserati ?
    La 2cv est vachement sympa, que de bons souvenirs avec les copains,etc... Mais une vieille Maserati, c'est la félinité (fellinité ?) même de l'automobile, la noblesse mécanique, la pureté des lignes... Le plaisir y est toujours, mais ce n’est pas le même. Et trouver différentes profondeurs au plaisir ressenti(intellectuel ou des sens) demande de l’éducation. Rappelez-vous vos émois de puceau !

    Bref, c’est de la conversation de fin de repas, plaisante mais stérile.
    Celui qui s’élèverait sérieusement pour tenter un rapprochement de ces sphères passerait immanquablement pour une andouille.
    Pour rejoindre Franck, je ne me sens pas à ma place dans cette époque où tout vaut tout, et où la culture populo-médiatique serait la norme. Où il est plus courant de devoir s’abaisser que de tenter de se hisser. La part belle à la facilité intellectuelle.

    A quoi sert-il d’être cultivé ?
    Peut-être à mieux goûter sa condition humaine, cette garce.

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  22. Pour m'en tenir à des contemporains vivants, et assez peu chrétiens (certes, ils ont le malheur d'être blancs), j'ai lu et apprécié Jean Rouaud et Daniel Pennac.

    Pourtant, il ne me viendrait pas à l'idée de les mettre sur le même plan, ce n'est pas seulement une question d'opinion, c'est une question de goût : il y a chez Rouaud une finesse de sentiment et d'expression absente chez Pennac.

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  23. "Vous ne pouvez pas savoir comme il est fatiguant de répondre à un imbécile dont vous savez qu'il ne vous écoutera pas et dont vous devinez d'avance les réponses."


    Vous aussi avez remarqué qu'il était éreintant d'essayer de discuter avec des cons et des abrutis pour les désigner par ce qui leur sied le mieux.

    J'ai été très agréablement supris par la section de master où je prépare mon diplôme. je m'attendais à cotoyer des étudiants abrutis (malheureusement il y en a un sacré paquet à l'université) et j'en rencontré des étudiants qui étaient vraiment curieux des matières qu'ils étudient, avec lesquels il est agréable de discuter d'un sujet ou d'un libre qu'on a lu. Et surtout j'ai découvert qu'ils avaient du goût et appréciaient les grandes oeuvres que les Anciens nous ont léguées. Ayant tous ou presque fait nos humanités d'une manière ou d'une autre, l'humanisme au sens étymologique du terme mènerait-il au bon goût ?

    Ceci dit, je n'aurai aucune honte à écouter une conférence de l'historien Paul Veyne (ça vous aurait probablement plu Frank, il est venu à Toulouse nous entretenir du christianisme au IVème siècle) par exemple et aller regarder ensuite un film gore d'un goût douteux. Il faut aussi vivre avec son temps, il y a toujours des choses formidables à toutes les époques, mais admettre que tout ne se vaut pas : si Flaubert ou Shakespeare sont considérés comme des classiques, c'est qu'ils ont été reconnus par le plus grand nombre comme des génies de la littérature.

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