"147 ados japonais se suicident en gobant une poche de silicone pour protester contre la sortie tardive d'un jeu vidéo". Libé et France 2 tombent dans le panneau !
Tout commence par une brève potache sur le site de Xbox Mag en mars 2004.Le chroniqueur blague sur le report d'un jeu vidéo de Tecmo "Dead or Alive" et fait référence à ses héroïnes virtuelles fortement poumonées :"DoA Online repoussé au Japon par Ed_Warne.rLa nouvelle a provoqué un drame au pays du soleil levant : 147 otakus se sont suicidés en gobant des poches de silicone pour protester contre ce report de la part de Tecmo. Le jeu de baston online de Tecmo est ainsi repoussé à l'été. Il semble que Tecmo veuille peaufiner le code réseau du jeu pour qu'on n'ait pas à souffrir d'infâmes lags qui pourraient affecter le mouvement mammaire des combattantes. Il va sans dire que le pack Xbox Kasumi Chan est lui aussi repoussé, et on me signale à l'instant que les fanas d'import qui avaient précommandé la bête viennent d'être retrouvés pendus avec un soutif géant..."La fin de l'article ne laisse pourtant planer aucun doute quant au côté humoristique de son contenu.
"L'info" est alors reprise par Libération lors d'un sujet sur les suicides collectifs au Japon. Le journal a depuis fait son mea culpa :"A nos lecteurs: le texte ci-dessous est la version corrigée d'un article publié le 1er novembre 2004 qui comportait une erreur. Après l'énoncé de nombreuses statistiques, nous écrivions que «147 collégiens et lycéens s'étaient suicidés en gobant des poches de silicone» après le report de la commercialisation d'un jeu vidéo. Xbox-mag.net nous signale qu'il s'agit d'une «blague» lancée sur son site en mars. Toutes nos excuses à nos lecteurs."Bien qu'ils nous aient habitués à plus de sérieux et de recoupements sur leurs sources, il faut bien reconnaître qu'une fois l'affaire démentie, la mise à jour sur leur site fût rapide et l'autocritique complète et immédiate.
Entre-temps (le 21 novembre), au JT de 20h sur France 2, un reportage consacré aux dramatiques suicides des jeunes nippons est introduit par des images de jeunes otaku (fans de jeux vidéo) dans leur milieu naturel - une immense salle de jeux - et il est fait mention de cette "anecdote croustillante". Le journaliste a très certainement récupéré l'information sur Libération et n'a effectué aucune vérification ultérieure.Comme il est précisé sur l'article qu'Xbox Mag a publié depuis : "c'est tristement grave pour l'état du journalisme". D'autant plus que le préjudice causé à l'industrie du jeu vidéo n'est pas négligeable. France 5 (par le biais de l'émission Arrêt sur images) corrigera en affirmant que le taux de suicide chez les jeunes japonais n'est pas plus important dans la communauté des otaku. Mais alors pourquoi le reportage a-t-il démarré dans une salle de jeux ?Encore une fois, nous voila en présence d'un amalgame sur des sujets dérangeants : les suicides et les jeux vidéo ! Un raccourci d'autant plus facile que cela se passe au pays du soleil levant, pays fantasmagorique aux yeux des occidentaux.
Concernant le JT, c'est d'autant plus grave qu'il ne s'agit pas d'une émission de divertissement mais bien de la grand messe du 20h, censée diffuser une information sérieuse, vérifiée et fiable.
Du moins le croyait-on jusqu'à il y a quelques temps...Fait aggravant pour France 2 qui persiste dans la mauvaise foi lors de son édition du 29 novembre 2004. En effet, David Pujadas, mis devant le fait accompli, n'a eu guère d'autre choix que de rectifier le tir. Pour justifier l'erreur, il a réussi le tour de force de garder son sérieux en annonçant aux téléspectateurs que l'erreur originale n'était pas du fait de la rédaction, mais provenait d'un magazine asiatique anglophone !
A contrario de Libération (qui, répétons-le, a joué la transparence), la rédaction du JT, plutôt que d'admettre son manque de rigueur professionnelle, a préféré rejeter la faute sur un autre (asiatique, c'est plus loin, plus crédible et moins facilement vérifiable). On a pensé que ça valait bien un petit article, afin que les internautes soient clairement informés des pratiques en cours chez certains "journalistes".
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