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Un jour, un collègue communiste m'a déclaré : "Louis XVI a été guillotiné par le capitalisme." Devant mon air bête et surpris, il a précisé : "... ou plutôt, par le libéralisme bourgeois."
Je suis resté quelques instants désarçonné, comme deux ronds de flan. Je venais de me faire prendre sans vert par une technique que je connaissais pourtant bien, vieille comme l'idéologie : la réinterprétation de l'histoire en fonction de catégories anachroniques adaptées aux combats du moment.
Mais qu'on en soit encore là en 2004, je n'aurais pas cru.
Bien sûr, quiconque connaît la complexité de la société pré-révolutionnaire et l'évolution de la révolution ne peut que se taper le cul par terre de rire de telles interpétations (à noter que Marx lui-même n'a jamais été si simpliste).
C'est un des grands mérites de Furet de ne pas prendre pour argent comptant le discours de la révolution sur elle-même (le peuple contre l'aristocratie).
Après avoir executé pour le plaisir quelques historiens pseudo-marxistes, il restitue la Révolution dans toutes ses contradictions, ses énigmes et, partant, sa richesse :
_ la rupture et la continuité. L'idée tocquevilienne que le pouvoir a changé de mains, du roi à l'Etat, mais que les structures du pouvoir, absolutiste, n'ont pas évolué se lie avec la suite précipitée des évènements
_ la ville et la campagne, qui font la même révolution avec pourtant des aspirations opposées
_ les tensions au sein de la noblesse, finalement plus importantes pour la dynamique initiale de la révolution que les rapports avec le reste de la société
_ et de fort intéressantes questions : par exemple, quel rôle ont joué les déracinés urbains, fruits de l'exode rural, dans la radicalisation ?
Furet est décidément mort trop tôt. Un historien aussi rigoureux et droit, ça manque.
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