Plusieurs spécialistes accréditent la thèse que le sous-marin russe Koursk a été coulé par les Américains
La thèse est folle, mais ce monde n'est-il pas devenu un peu fou ? Selon Jean-Michel Carré, auteur du long documentaire dans la case «Contre-Courant», le Koursk, le plus sophistiqué des sous-marins nucléaires russes, a été envoyé par le fond par... une torpille américaine ! Difficile à concevoir certes, mais le film, qui n'instruit qu'à charge (explosive), est on ne peut plus troublant...
Rappel des faits. Peu de temps après son «sacre» (les images de son intronisation valent à elles seules le détour), Vladimir Poutine décide de gigantesques manoeuvres navales en mer de Barents, dans le but à la fois de réinstaurer le prestige militaire de la Fédération de Russie et d'impressionner les quelques hauts militaires chinois discrètement invités à assister à cette démonstration de force. Point d'orgue de ces manoeuvres : le lancement, par le Koursk, d'une torpille ultramoderne appelée «Schkval», capable de filer sous l'eau à la vitesse prodigieuse de... 500 km/h. Contre 60 en moyenne pour ses concurrentes occidentales. Une vitesse et une puissance, grâce à sa tête en uranium appauvri, qui confèrent au Koursk le surnom de «tueur de porte-avions». De quoi, selon Jean-Michel Carré, sérieusement inquiéter les Américains, peu pressés de voir les Chinois acquérir une telle arme. Les manoeuvres sont donc sous haute surveillance : deux submersibles US, un autre anglais, deux navires espion, l'un de l'Otan, l'autre norvégien. Ce 12 août au matin, le Koursk annonce par radio qu'il remonte à 18 mètres sous la surface de l'eau, à profondeur périscopique, et entame la procédure de lancement de la fameuse «Schkval». Puis le silence. Seulement brisé par le bruit de deux explosions. Pour un spécialiste anglais, l'affaire est entendue : le sous-marin vient d'être victime de la vétusté de son matériel embarqué et de l'explosion d'une vieille torpille au peroxyde d'hydrogène. «C'était une explication acceptable, explique Jean-Michel Carré. Durant cette période, des torpilles fonctionnaient aussi avec ce produit et l'accident du Sidon (sous-marin britannique en 1955) convainc la quasi-totalité des flottes du monde de l'abandonner. Mais il était tentant de faire croire que les finances réellement défectueuses de la Russie pour ses armées les avaient poussées à continuer à utiliser ce produit performant et bon marché.» Les militaires russes dénoncent violemment cette explication, puis, bizarrement, en font la version officielle. Ou sont démis de leurs fonctions et généreusement reclassés loin des investigations...
Après plusieurs mois d'enquête, Jean-Michel Carré avance une tout autre relecture des événements. L'un des deux sous-marins US présents sur la zone, le Toledo, aurait manoeuvré très près du Koursk pour manifester la désapprobation des Etats-Unis, jusqu'à le percuter de front par accident. Dans l'affolement qui suivit, l'autre submersible américain, le Memphis, aurait tiré une torpille MK48 sur le Koursk afin de protéger la fuite du Toledo. Et c'est cette dernière qui aurait envoyé le sous-marin russe par le fond. Les questions posées par le documentaire sont pour le moins logiques : «Pourquoi a-t-on officiellement mis 30 heures pour retrouver le Koursk alors qu'on pouvait le voir à la surface ?» «Pour imaginer la profondeur de la mer à cet endroit, qui était de 108 mètres, il suffit de se dire que, mis à la verticale sur son «museau», le Koursk aurait dépassé de l'eau de 50 mètres...» «Pourquoi les marins, forcément détenteurs de la vérité, n'ont pas été sauvés alors que tout porte à croire qu'une opération de sauvetage juste après les faits aurait été couronnée de succès ?» «Pourquoi une alerte nucléaire, avec décollage de la chasse russe, est-elle décidée au plus haut niveau si une implication agressive américaine n'est pas avérée ?» «Pourquoi le directeur de la CIA, George Tenet, s'est-il personnellement et secrètement rendu à Moscou trois jours après les faits ?» «Pendant la semaine qui suivit le drame, de nombreuses conversations téléphoniques se poursuivront entre les deux présidents (Poutine et Clinton), souligne Jean-Michel Carré. Une dette russe envers les Américains est annulée, un nouveau prêt est accordé, Bill Clinton décide d'arrêter le programme de bouclier antimissiles...»
Connaîtra-t-on jamais la vérité ? Le silence des familles des victimes a été grassement acheté et les journaux russes qui se permettent la moindre enquête sur le sujet sont immédiatement perquisitionnés par le FSB. «Paradoxalement, conclu Jean-Michel carré, l'hypothèse développée dans ce film montre que les présidents russe et américain ont réussi à éviter une crise majeure et démontre leur stature de chefs d'Etat des deux nations les plus militarisées du monde.»
Qu'en penser ? D'abord, bien que les adeptes des théories doivent y trouver leur compte, ça n'a rien à voir avec le fantasme du Boeing qui ne serait pas écrasé sur la Pentagone le 11 septembre.
Cette thèse est solide, je ne vois qu'une objection : pourquoi le Memphis aurait-il tiré sur le Koursk ?
Les sous-mariniers ne sont pas connus pour perdre facilement leur sang-froid.
C'est probablement aussi près de la vérité que nous pourrons approcher avant plusieurs décennies et l'ouverture des archives.
La conclusion, une crise majeure évitée, est plutôt réconfortante.
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