Je reproduis cet article car je suis moi aussi frappé et inquiet dans la violence des rapports humains en France : ça crie, ça gueule, ça revendique, ça tape, pour un rien.
Il y a quelques temps, à un kiosque à crêpes (celui du coin de la rue Montmartre, près du Max Linder), une espèce de gorille accompagnée de sa femelle s'est soudain excitée en poussant son cri "J'vais t'niquer ! J'vais niquer ta mère !" et en tambourinant la vitrine.
D'après ce que nous avons pu reconstituer une fois le King-Kong miniature éloigné et calmé par sa dame, le primate a considéré que la distribution de tickets pour la queue (comme à la Sécu) était entachée d'erreur et qu'une cliente lui était injustement passée de devant. Il a manifesté son courroux et le crêpier a eu le malheur de répondre que ce n'était pas bien grave.
Je ne sais pas si son orgueil viril a été atteint par le fait de se faire doubler, quelle horreur, par une femme. En tout cas, il s'est mis, on se demande bien pourquoi, à hurler au racisme, puis s'est énervé de plus en plus fort, tout seul, sous l'oeil vaguement inquiet des spectateurs médusés.
Je crois que le silence gêné (il passait vraiment pour un abruti) l'a encore plus excité. Encore un qui prend la rue pour un ring de boxe.
Régression barbare
L'éditorial d'Yves Thréard
[14 février 2006]
Le premier rapport de l'Observatoire national de la délinquance (OND) confirme une hausse inquiétante des violences contre les personnes. Comme une illustration de ce climat d'agressivité, les menaces qu'un rappeur vient de proférer contre le ministre de l'Intérieur méritent d'être relevées. «Tu vas te faire buter», lance, entre autres «amabilités», le présumé chanteur. Rarement un homme politique a ainsi été pris à partie.
L'affaire dénote une inquiétante dégradation des rapports humains dans notre société. Si l'on n'y prend garde, le respect et le dialogue, valeurs fondatrices d'une nation civilisée, seront bientôt piétinés par la vulgarité et l'intolérance. La démocratie ne se reconnaît pas dans l'insulte et le coup de poing.
Selon les statistiques de l'OND publiées hier, les violences physiques dites «non crapuleuses» ont augmenté de près de 10% l'année dernière. L'agresseur attaque pour un oui ou pour un non : un regard de travers, une tête qui ne lui revient pas, un besoin de défoulement...
L'acte est le plus souvent gratuit, sans mobile apparent, pas même celui du vol. Chaque jour de 2005, quelque cinq cents personnes ont été victimes en France de cette régression barbare. Et encore, toutes ne portent pas plainte, par crainte de représailles.
Plusieurs faits divers récents devraient nous faire réfléchir sur l'évolution de notre société. Celui de cet homme battu à mort à Epinay-sur-Seine en quelques secondes, sous les yeux de son épouse et de sa fille. Celui de cette enseignante d'Etampes, plusieurs fois poignardée en plein cours par l'un de ses élèves. Celui enfin de ces passagers du train Nice-Lyon, attaqués par une horde de voyous, après une nuit d'ivresse et de désoeuvrement. A chaque fois, des crimes ou délits commis pour rien, ou presque.
A défaut de trouver une explication dans notre culture de l'«excuse sociologique», cette sauvagerie serait-elle la manifestation d'une tare moderne à mettre sur le compte d'un dérèglement mental collectif ? Quelque chose comme un syndrome Orange mécanique ?
L'Observatoire national de la délinquance note qu'elle a toujours existé dans les relations intrafamiliales, mais que, sur ce terrain, des tabous ont sauté : les victimes parlent plus volontiers. Autre constat, les biens étant mieux protégés, on s'en prend davantage aux personnes. Pour le reste, la violence serait devenue, selon une expression bien anodine de l'OND, un nouveau «mode de régulation sociale».
Si tel est le cas, la banaliser est un péril dont il convient vite de se protéger. Sans précautions sémantiques. C'est affaire de courage et de volonté. De la part des parents, des enseignants. Et, bien sûr, des responsables politiques. C'est pour avoir trop longtemps négligé les victimes qu'ils ont presque fini par passer, malgré eux, pour les premiers responsables de la montée de la délinquance en France.
Ah encore un niakoué mal élevé... A quand le compte-rendu de tes inquiétudes concernant la barbarie des conditions de travail des travailleurs immigrés en règle ou non, à quand une analyse des conditions de vie des 2 millions et demi de smicards français et de leurs amis rmistes, chômeurs, intérimaires et autres contrats précaires ?
RépondreSupprimerLa barbarie n'est pas toujours là où elle est le plus voyante, et je serai peut-être moins choquée qu'on mette des policiers dans les écoles de pauvres quand j'en verrai aussi chez certains patrons du CAC 40.
Tu fais des efforts d'analyse et d'explication, mais je trouve que tu manques encore un peu d'honnêteté intellectuelle.
Je ne vois pas très bien en quoi je suis mal honnête : je n'ai pas de tendresse particulière pour les patrons qui appellent à la flexibilité tout en se gavant de subventions.
RépondreSupprimerQuant aux conditions de vie les plus démunis, il suffit de lire mon blog pour voir que je considère le blocage de la société française (les "in" d'un coté, les "out" de l'autre) comme une catastrophe. Mais la solution n'est pas : plus d'assistanat, mais : plus de liberté et moins d'Etat.