[Je n'ai rien à ajouter à part les phrases de Pascal : quand tous vont vers le débordement, nul n'y semble aller. Celui qui s'arrête fait remarquer l'emportement des autres, comme un point fixe.]
Stop ou encore ? A la veille de l'énième journée de mobilisation contre le CPE, le destin semble hésiter. Les manifestations de demain seront-elles un adieu aux armes ou une bataille de plus ? Même si certains signes, côté syndicats, laissent espérer une sortie de crise, rien ne permet de dire encore avec certitude que l'intervention de Jacques Chirac aura permis de calmer le jeu.
Il serait temps cependant que les passions retombent. Car enfin, que dénoncent les adversaires du CPE depuis deux mois ? La «période d'essai» de deux ans, qui ferait peser sur la jeunesse une insupportable «précarité». Et les conditions de rupture du contrat, qui permettraient au patron de licencier un titulaire de CPE «sans même lui dire pourquoi». Or, Jacques Chirac vient de l'annoncer, ces deux points vont être revus. Dominique de Villepin, qui s'y refusait jusqu'ici, a dû accepter qu'une nouvelle loi vienne corriger le coeur même de son texte. Les syndicats sont invités à en discuter, non pas avec le premier ministre mais, de facto, avec Nicolas Sarkozy. Voilà qui devrait satisfaire les interlocuteurs de bonne foi.
Mais non ! Pour les partis de gauche et nombre de responsables syndicaux, il paraît que ce n'est pas assez. Le gouvernement a reculé ; il a mis sur la table tout ce qui pouvait l'être, mais que veulent-ils de plus ? Qu'il retire le mot ! Tant que les trois lettres maudites C, P, et E n'auront pas été effacées du Journal officiel, les jusqu'au-boutistes ne daigneront pas se dire satisfaits.
A l'évidence, on est loin du CPE. Il ne s'agit plus, pour certains, de trouver la meilleure solution en faveur de l'emploi des jeunes mais d'humilier l'adversaire, voire de le pousser à la démission, pour des motifs où le réflexe passionnel le dispute aux arrière-pensées politiques.
Les syndicats, on peut le comprendre, en veulent au premier ministre qui les a ignorés. Mais, alors même qu'ils ont obtenu satisfaction sur le fond, faut-il, pour laver une blessure d'amour-propre, entretenir un conflit désastreux pour les résultats économiques de la France, son image dans le monde, et qui peut à tout moment basculer dans le drame ?
Quant aux socialistes qui, sans vergogne aucune, jouent les pousse-au-crime, on voit bien l'idée qui les anime : profiter de l'affaiblissement du pouvoir pour «finir le travail». Après Villepin et Chirac, disqualifier Sarkozy. Calcul irresponsable autant qu'à courte vue : en faisant la courte échelle à l'ultra-gauche, le PS se prépare des lendemains qui déchantent. On souhaite bon courage au candidat socialiste qui, demain, devra bâtir un programme avec des «amis» comme ceux-là.
«Il faut savoir terminer une grève», disait Maurice Thorez en juin 1936. Nous y sommes. Comme tous les compromis, la décision de Jacques Chirac, inspirée par Nicolas Sarkozy, qui semble être appelé à prendre une part décisive dans sa mise en oeuvre, déçoit dans les deux camps : les anti-CPE qui rêvaient d'un retrait total comme les pro-CPE qui espéraient que la loi serait maintenue. Mais, à ce point d'incandescence, comment, si chacun n'y met pas un peu du sien, éteindra-t-on l'incendie ?
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