Mes commentaires entre crochets.
Sogerma : l'Etat schizophrène
L'éditorial de Gaëtan de Capèle (Le Figaro)
24 mai 2006, (Rubrique Opinions)
Le déploiement de force gouvernemental pour voler au secours de la Sogerma, cette filiale de maintenance aéronautique du groupe EADS dont le site de Mérignac est promis à la fermeture, doit sans nul doute faire chaud au coeur du millier de salariés concernés [qui ont tous déjà reçu une proposition de reclassement]. Pris en main par le premier ministre lui-même, qui a mobilisé à cette occasion pas moins de six ministres, ce dossier est en passe de devenir une affaire nationale, comme le furent, à l'époque, la fermeture de l'usine de Vilvorde par Renault ou encore les «licenciements boursiers» de Michelin. Sur le fond des choses, même si l'on ne peut s'empêcher de penser, surtout par les temps qui courent, qu'il y avait hier trop de caméras de télévision en Gironde pour que ce branle-bas de combat soit totalement dénué d'arrière-pensées, on peut comprendre que les pouvoirs publics s'emparent du sujet. Pour l'économie locale, un plan social de cette ampleur, même accompagné de propositions de reconversion au sein du groupe EADS, est catastrophique. Tout ce qui peut concourir à limiter les dégâts, par exemple avec des mesures de reconversion industrielle du site, doit donc être entrepris. [EADS propose de "faire un geste" si l'Etat lui passe des commandes. Pourquoi le contribuable, par exemple le smicard de Trifouillis les Ouailles, payerait-il pour que les employés de Sogerma gardent leurs emplois ?]
Pour autant, si l'on veut bien considérer que, dans cette affaire, chacun doit prendre ses responsabilités, il faut admettre que celle de la direction d'EADS était d'interrompre une dangereuse hémorragie. Quelle société privée, confrontée quotidiennement aux réalités d'une compétition mondiale sans concession, peut se permettre de voir l'une de ses filiales perdre un tiers de son chiffre d'affaires sans réagir ? Surtout si, comme dans le cas de la Sogerma, il ne s'agit pas d'un simple trou d'air conjoncturel, mais d'un fonds de commerce qui se volatilise inexorablement : toutes les grandes compagnies aériennes assurent désormais elles-mêmes la maintenance de leurs appareils et les low-costs la confient à des pays tout aussi low-costs. On notera au passage que, lorsqu'il s'agit de ses propres deniers, le gouvernement ne raisonne pas autrement. Le ministère de la Défense n'a-t-il pas lui-même participé aux déboires de la Sogerma en attribuant, au terme d'appels d'offres, des contrats d'entretien d'avions militaires à un concurrent portugais ?
Enfin, on ne peut s'empêcher de renvoyer les pouvoirs publics à leurs propres contradictions. Premier actionnaire d'EADS avec 15% du capital, l'Etat français est représenté à son conseil d'administration. A ce titre, il valide la stratégie du groupe et exige de lui, comme il se doit, une gestion rigoureuse, ainsi qu'une rentabilité de bon aloi, seul gage de survie face à un concurrent de la dimension de Boeing. A ce titre encore, il a eu à connaître de la situation de la Sogerma et du projet d'EADS la concernant, apparemment sans s'en émouvoir, jusqu'à ce qu'il soit porté sur la place publique. Une schizophrénie de plus en plus difficile à assumer [mais l'hypocrisie, elle, est assumée sans complexes].
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