jeudi, mai 11, 2006
L'année du coq, Chinois et rebelles (Guy Sorman)
FFF
Livre agréable à lire sur un sujet tabou : la Chine, la vraie, celle des Chinois et non pas celle dont la dictature au pouvoir donne l'image, si complaisamment acceptée, intégrée par les Occidentaux.
Quelques points saillants :
> le PC est composé d'urbains, les paysans sont quasiment traités comme des noirs du temps de l'apartheid (passeport intérieur, droits réduits, certains urbains réclament des bus séparés car "les paysans puent" !)
> Le PC organise les campagnes de manière à ce que les paysans crèvent la faim (par exemple en leur interdisant de se regrouper en coopératives) et soient obligés d'émigrer vers les villes où ils fournissent une main-d'oeuvre quasi-esclave (le "CPE" local : 2 ans de période d'essai pendant laquelle on n'est pas payé !) Il est donc tout à fait faux de dire que la Chine est un "Far East" libéral et capitaliste : pour des libéraux comme pour des capitalistes, la liberté d'association est fondamentale. Les pratiques vis-à-vis des paysans sont terribles (avortements à huit mois, foetus ébouillantés -fait reconnu par le planning familial chinois sous la pression médiatique comme une "interprétation excessive des consignes" !!! Pour l'anecdote, on se rappellera les cris d'orfraie de la presse bien-pensante quand Berlusconi a dit que les communistes ébouillantaient les enfants - stérilisations forcées, contamination par le SIDA en connaissance de cause, etc.).
> Les banques chinoises accumulent les créances douteuses car le régime distribue les crédits à ses affidés et ne demande le remboursement que si le débiteur a le malheur de déplaire au pouvoir. Ce système subtil, où l'Etat contrôle entièrement l'économie avec une main moins visble, explique que, malgré les apparences (banques, entreprises privées, milliardaires), on puisse toujours à bon droit considérer la Chine comme une dictature communiste.
Pourquoi ces mécanismes ? Parce que le PC a le pouvoir grâce aux villes, il convient donc que l'industrie et les zones urbaines se développent avant tout. Si le développement du peuple chinois lui importait, le PC commencerait par les campagnes, mais ce n'est pas son souci.
Guy Sorman rejoint Simon Leys dans son analyse fondamentale : le gouvernement dictatorial communiste a détruit en grande partie la culture chinoise, bride dramatiquement la créativité et opprime à qui mieux mieux pour garder la pouvoir, le pouvoir communiste est souvent très idiot, mais il utilise bien la complaisance et l'aveuglement volontaire des Occidentaux. Rien de nouveau sous le soleil : on retrouve là les caractéristiques de tous les régimes communistes, passé ou actuels, seules les couleurs locales apportent de la variété (on dit "Lao Gaï" au lieu de "Goulag").
Pour l'instant, il n'y a pas une seule firme occidentale en mesure de prouver qu'elle fait des profits en Chine, on compte sur le futur ("Aujourd'hui, certes ... Mais demain ..."). La Chine, loin d'être un Eldorado capitaliste, semble bien être un marché de dupes, là encore vieille habitude concernant le communisme (Combien ont décrit, ravis, la prospérité, si ce n'est présente, du moins future, de l'URSS ?) Ce faisant, ces investisseurs soutiennent la dictature et non la Chine.
Sorman retombe sur une de mes préoccupations : la comparaison avec l'Inde. La développement indien est plus lent mais plus sûr, car c'est une démocratie. Le député qui oublierait en route le bien-être de ses concitoyens serait vite rappeler à l'ordre par ses électeurs. Rien de tel en Chine. Or, les Européens manifestent des tendances faussement sinophiles, car ils ne s'intéressent pas vraiment à la Chine, mais au discours sur la Chine de la dictature chinoise.
Nous ferions bien mieux de nous préoccuper de l'Inde.
même si cela doit surprendre,je suis assez d'accord.
RépondreSupprimerSauf sur le "développement" de l'Inde. Tout ça c'est le Tiers-Monde, et ça ne bouge pas vite à l'heure du libéralisme triomphant. Ou plutôt beaucoup de choses bougent mais j'ai peur que ce ne soit globalement vers l'arrière.
Evidemment aussi je relèverai la nouvelle occasion de se taire qu'a perdue le communicateur monopoliste d'outre-Alpes, qui s'empresse de dire "les communistes" alors qu'une politique antinataliste contraire aux droits de l'homme n'a vu le jour qu'en Chine et, dans une moindre mesure et plus brièvement,... en Inde.