On en est là
Et qu'on comprenne bien : faire "étudier" les mémoires d'Hervé Vilard n'est pas une malheureuse exception agitée par les réactionnaires fascisants que sont les tenants de la transmission du savoir, c'est l'esprit même des programmes actuels.
L'étude de Montaigne, elle, est une exception, contraire aux programmes car susceptible :
> de provoquer l'ennui des élèves (le principal ennemi de l'école "pédagogiste" n'est pas l'ignorance mais l'ennui, l'école doit donc s'épuiser en imbécilités pour distraire un public, les enfants, qui a aussi besoin d'ennui pour grandir. Ce combat farouche, déspéré et désespérant contre l'ennui, est tout à fait cohérent avec l'idéologie dominante qui voit la maturité comme le Mal et l'enfance éternelle comme le souverain Bien.)
> de rencontrer l'incompréhension car trop "éloigné du "quotidien", comme si l'objet du savoir (il est vrai que nous avons à faire à des gens haïssant la connaissance) n'était pas "d'éloigner du quotidien".
> et de, crime suprême, attentat anti-Bien, lèse-Solidarité, créer chez certains un véritable esprit critique ; esprit critique, par essence individualiste, en tous points opposé au vide spirituel du mutin de Panurge bêlant "F comme fasciste ; N comme nazi".
Nous sommes dans cette malheureuse époque où Maupassant (1), Stendhal, Aymé et Montaigne sont considérés comme subversifs au point que nous devons en éviter l'abord aux jeunes gens.
Ceci me confirme dans l'idée que tout savoir est subversif et que le but de notre système éducatif est de fabriquer des moutons en privant les élèves de tout contact, même léger, avec cette perversion pestilentielle qu'on nomme culture, ce en quoi il faut bien admettre qu'il réussit au-delà de toute mesure. Mais j'hésite encore à applaudir ce splendide exploit.
(1) : JP Brighelli cite une anecdote à rire ou à pleurer suivant le tempérament de chacun : un de ces jeunes pofesseurs de Français comme les IUFM en produisent d'abondance, gravement incompétent, mais délicieusement généreux, "solidaire" et bien-pensant, lui explique qu'il ne fait pas lire Stendhal et Maupassant à ses élèves car ces auteurs sont de droite.
Un être peu au fait de ce qui se passe dans notre merveilleux système éducatif s'étonnerait de cette irruption déplacée de la politique dans l'enseignement de la littérature, mais, en affranchis que nous sommes, nous nous contentons de hausser les sourcils (c'est moins fatigant que de hausser les épaules : quand on est submergé par tant de connerie, il faut s'économiser, par prudence : on ne sait jamais quelle prochaine invention diaboliquement conne pourrait mobiliser toute l'énergie prudemment épargnée).
J'imagine les quelques lignes acides dont Stendhal commenterait son enrôlement post-mortem chez l'Antechrist droitiste.
Brighelli, peut-être mû par un pressentiment, soulève la question de Maupassant. Le jeune crétin à roulettes (car je me plais à l'imaginer en adepte du roller) lui répond que Maupassant n'ayant pas pris position (sous entendu dreyfusarde) dans l'affaire Dreyfus, il préfère en éviter l'étude à ses élèves.
Nous apprenons ainsi que la science du XIXème siècle est passée à coté d'un progrès extraordinaire : la résurrection. En effet, au moment de "l'Affaire", Maupassant était mort depuis trois ans.
Salut,
RépondreSupprimerSur Vilard je m'en fous un peu, mais sur Montaigne je ne suis pas d'accord :
1) Montaigne ne devrait pas être étudié en cours de français mais en philosophie puisque c'est là qu'il excelle ... Bienqu'ayant un style riche et puissant, je ne le trouve plus d'actualité ou intéressant au niveau de la forme (contrairement à Rabelais et Ronsard peut être ... tout aussi dâtés, mais encore pertinents sur la forme ...)
2) Sur le style donc, puisque chez Montaigne le fond importe plus que la forme, je pense que son oeuvre devrait être présentée aux étudiants "traduits" en français moderne dans les limites du possible (des passages entiers ont une grammaire et tournure obsolète difficile à adapter ...) ... Mais cela peut paraître aberrant pour qui n'a pas compris ce qu'est la vraie philosophie ... Ou pour qui prend plus Montaigne pour un écrivain qu'un philosophe ...
ps: - il me semble que la transposition en français contemporain a déjà été faite par un éditeur ... à voir ...
L'édition Arléa par C. Pinganaud n'est pas en Français contemporain, ça serait dommage, mais en Français facilement compréhensible par un contemporain.
RépondreSupprimerQuant à votre jugement sur le style de Montaigne, je ne le partage pas, mais les goûts et les couleurs ...
Merci pour l'info sur cette édition "moderne" ... je vais l'acheter et si ce n'est pas satisfaisant je m'attelerai moi même à une "transcription" à ma sauce, ha, ha (on se retrouve dans 20 ans) ! :)
RépondreSupprimerSur le style je dis peut être n'importe quoi, en fait je connais même mal ces illustres Ronsard (et rose elle a vécu !) et Rabelais (Gargantua !), mais je sais surtout qu'ils étaient peu ou sinon pas philosophes au contraire de Montaigne (quoique Rabelais, disons critique analyste au même titre que La Fontaine peut être ...) ... et que ayant toujours privilégié le fond sur la forme, j'ai toujours un peu de mal lorsque la forme prend le pas sur le fond lorsque celui ci est important ... c'est pourquoi je critique l'attachement au style chez Montaigne mais ... bon c'est subjectif ...
Sinon un petit coup de gueule après avoir fait qq recherches ... ici : http://sebtom.blogspot.com/2006/06/montaigne-aujourdhui.html
mais quand est-ce que Franck et certains de ses suiveurs vont arrêter de mordre dans tous les hameçons ?
RépondreSupprimerVous l'avez lu, le lien que donne Assouline lui-même avec une interview du prof en question ? Il explique les limites de l'exploitation en classe du livre de Vilard d'une façon qui devrait vous satisfaire... si vous cherchiez à l'être.
Je répète le lien pour ceux qui auraient la flemme de le chercher :
RépondreSupprimerhttp://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/ca_vous_parle/l_invite/&key=itm_20060601_093252_patrick_loubatiere__herve_vilard.txt
Mais, comme décidément, je suis un vicieux, je vous mets aussi le lien vers le message de Brighelli sur le sujet :
http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2006/05/25/l-ecole-est-finie.html
J'ai d'autre part un argument simple mais me semble-t-il pertinent : le temps de cours de Français étant très limité (après avoir été réduit année après année), le choix des ouvrages est d'autant plus important.
Etudier Hervé Vilard pour toutes les "bonnes " raisons du monde, c'est se priver d'une autre étude plus intéressante.