Je vous ai copié un extrait du blog de Guy Sorman, qui corrobore ce que je vous disais il y a deux semaines sur Airbus.
A cela, j'ajoute quelques remarques :
> Boeing est certes subventionné, mais l'Etat américain s'abstient absolument d'intervenir dans sa gestion.
> les organisations naissent, grandissent et meurent, mais il est rarissime qu'elles se réforment, il y a donc tout lieu d'être pessimiste pour Airbus. La démission de C. Streiff vient renforcer ce pessimisme.
> La chance d'Airbus, probablement la seule raison véritable d'espérer, est que les compagnies aériennes ne pourront tolérer un monopole de Boeing et que l'émergence d'un véritable concurrent du duopole actuel, qu'il soit brésilien, russe ou chinois prendra du temps. Mais la nature a horreur du vide et si la langueur d'Airbus se prolongeait (à l'échelle du temps aéronautique, dix ans), nul doute que cela lui serait fatal.
> Enfin, il n'y a de richesses que d'hommes et ça peut aussi être une chance pour Airbus, même si elle est plus difficile à évaluer.
> La statistique sur le travailleur américain plus heureux de son sort que le travailleur français renvoie à notre société à deux vitesses : les protégés, fonctionnaires et employés de grosses boites, n'ont guère de raison de se plaindre, mais les exposés ? Un employé de PME a autant de risque qu'un américain de perdre son travail sauf qu'il n'a pratiquement aucune chance d'en retrouver un rapidement, contrairement à ce dernier. L'ultra-protection des uns génère l'ultra-exposition des autres, et ça n'a que bien peu de à voir avec l'ultra-libéralisme !
Airbus entre deux capitalismes
À suivre Edmund Phelps, Professeur à Columbia, New York , qui vient de recevoir le Prix Nobel d’économie, l’Europe continentale et les Etats-Unis ne vivent pas dans le même système économique ; le terme trop général, selon lui, d’économie de marché, recouvre des marchandises différentes. Le capitalisme américain et la social-démocratie franco-germano-italienne obéissent, le premier à une logique financière, le second à une logique sociale.
Aux Etats-Unis, le profit détermine la survie ou la disparition d’une entreprise ; en Europe, l’entreprise doit survivre parce qu’elle procure des emplois, qu’elle soit profitable ou pas. Nul ne conteste l’efficacité globalement supérieure du capitalisme américain sur la croissance et l’innovation. Mais quel système est le plus moral ? Phelps, se fondant sur des études d’opinions transatlantiques homogènes , conclut à la supériorité morale du capitalisme financier américain : les salariés américains seraient globalement plus satisfaits de leur travail que les Européens . Tout en reconnaissant le caractère précaire de leur situation. À quoi tient ce paradoxe ? Au sentiment, aux Etats-Unis, de participer à une grande aventure individuelle et collective : on perd son job mais on en retrouve un .
Bon, les freudo-marxistes en déduiront que les travailleurs américains sont aliénés.
À la lumière de Phelps, on peut comparer Boeing et Airbus, capitalisme financier contre capitalisme social.
Jusqu’ici, Airbus, création publique à l’origine, a produit des avions, des emplois mais pas des profits. Mais Airbus pourra-t-il affronter le défi de la mondialisation et de l’innovation [les profits sont absolument indispensables pour financer l'innovation]? À suivre Phelps, la réponse est non : Airbus est plombé par la politique et la diplomatie .
Diagnostic que partagent apparemment ses actionnaires et ses dirigeants. Pour survivre, Airbus doit donc passer du capitalisme social au capitalisme financier : changer de logique économique sans changer de continent ? Si Airbus y parvient, il conviendra que Phelps renonce à son prix Nobel.
Guy Sorman
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