Le pacte de Nicolas Hulot est dangereux, par Claude Allègre
Claude Allègre est professeur émérite à l'université Denis-Diderot et à l'Institut de physique du globe (IPG) de Paris et ancien ministre de l'Éducation nationale.
Le Figaro, 29 janvier 2007
Nous sommes entrés dans la frénésie de l’écologiquement correct. Plus les écologistes baissent dans les consultations électorales, victimes de l’image de politique politicienne qu’ils affichent à toute occasion, plus les citoyens se veulent écologistes. Et comme il s’agit d’un mouvement qui enfourche les peurs millénaristes, on ne réfléchit même pas, on avale tout !
Ainsi de nombreux de candidats à l’élection présidentielle ont-ils signé le programme de M. Hulot, sans même en analyser le contenu. « L’écologie ? Sauver la Planète ? On est pour ! »
Or, lorsqu’on lit le programme et qu’on réfléchit un peu, on est obligé de conclure que ce programme est dangereux. Il est fondé sur l’idée de la décroissance économique, il dénature le mot développement durable en prônant le l’anti-développement, il tourne le dos au progrès scientifique et social. Il s’appuie sur la peur, sur l’idée de culpabilité de l’homme et en contrepartie sur la punition.
Je ferai l’analyse détaillée de ce programme ailleurs dans un livre qui va paraître ; je vais seulement ici en souligner quelques traits majeurs.
Le pacte de M. Hulot est fondé sur trois piliers : la lutte contre le réchauffement climatique, le refus des OGM, et le refus du nucléaire comme source d’énergie électrique.
Pour ce qui est du réchauffement climatique, sujet à la mode, et dont les scénarios catastrophistes, comme le film d’Al Gore ou quelques articles de journaux, masquent l’ampleur et les incertitudes réelles, il faut cesser de paniquer.
Le changement climatique est une réalité. Sa cause est peut-être humaine ou naturelle, mais ce n’est pas ici le sujet du débat, puisque suivant les « experts » eux-mêmes les mesures prises aujourd’hui n’auront d’effet que dans cinquante ans ou plus et qu’il s’agit en un siècle « que » d’un réchauffement possible de 2 à 3° degrés et d’une élévation du niveau de la mer de 30 à 40 centimètres !
Or, en face de cela, on propose dans l’urgence de réduire des 3/4 les émissions de gaz à effet de serre. L’application d’une telle mesure conduirait mécaniquement à créer en France 200 mille chômeurs par an.
Au moment où l’on sort péniblement du chômage, on y replongerait.
Il faudrait alors mettre en place une politique de rationnement comme certains l’évoquent. Chaque français aurait droit à un voyage en avion et 2000 km en voiture à 40 km à l’heure par an ! La suppression de tous les chauffages au gaz et au mazout, etc….
Lorsque, quelques années plus tard, il faudrait sortir du nucléaire, la restriction énergétique s’amplifierait. Les TGV fonctionneraient au vent !
Pendant ce temps que feraient la Chine et l’Inde ? Il faudrait les convaincre de modérer leur développement dit-on ! On croit rêver.
Si les Etats-Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto, ce n’est pas parce que Georges Bush est un cynique, c’est parce que ce protocole est une pénalisation pour l’économie américaine estimée à 370 milliards de dollars et un million de chômeurs, comme l’a montré la réunion qui s’est tenue à l’Université de Stanford en 1999 et ce pour gagner au plus 0,5 degrés de moins par siècle. C’est pourquoi Bill Clinton ne l’a pas signé : à cette époque, c’était lui le Président et Al Gore le vice-Président !
Quant aux OGM. Je renvoie à l’excellent livre de Sophie Lepault . Tout y est expliqué. Comme le dit très bien le philosophe Dominique Lecourt, c’est le symbole d’un sentiment qui se répand. « Le catastrophisme technophobe et son sous-produit le journalisme d’épouvante ».
Non seulement aucun accident ou incident n’a été observé sur les OGM, mais ils constituent un espoir immense pour l’agriculture, mais aussi pour la médecine, pour nos pays comme pour les pays sous-développés.
Songez que l’on va pouvoir dans quelques années se passer de pesticides, d’insecticides, d’une partie des engrais, on va pouvoir utiliser moins d’eau et fabriquer des aliments pour combattre les épidémies (et la faim) dans les pays du tiers-monde.
Le Monde entier l’a bien compris et développe ses cultures OGM. Pendant ce temps, la France les détruit ou les interdit, mais… en importe, comme le soja transgénique venant d’Argentine.
Je précise que l’agroalimentaire est le second poste d’exportation pour la France. Veut-on le détruire ? Et soit dit en passant, en ce qui concerne l’écologie, M. Hulot ne parle pas dans ses priorités ni de l’eau ni des déchets urbains, ni de l’océan qui sont les plus grandes urgences actuelle. 50.000 personnes meurent chaque semaine par manque d’eau potable ! 7 milliards d’hommes vivront dans les villes en 2030, produisant chacun 1,5 kg de déchets par jour !
La philosophie de M. Hulot est la même qu’elle qu’exprimait en 1970 le Club de Rome avec ce slogan « Halte à la croissance ». On sait ce que sont devenues les prédictions. Mais plus encore cette stratégie est un danger pour la démocratie. Une société du rationnement et de régression économique serait refusée par les citoyens, il faudrait donc l’imposer et on sait où ont mené les sociétés qui voulaient faire le bien des gens malgré eux !
Toute cette stratégie est l’inverse de ce qu’il faut faire. Bien sûr qu’il y a des problèmes écologiques à résoudre. Il faut les prendre à bras le corps et en faire au contraire les éléments d’une nouvelle croissance. Car c’est en faisant entrer l’écologie dans l’économie qu’on sauvera la planète et les hommes qui y vivent.
Limiter les émissions de CO2 ? Développons les techniques de séquestration (qui sont presque au point) du CO2, imposons la voiture hybride ou électrique dans les villes, accélérons l’utilisation des piles à hydrogène.
Le nucléaire n’est pas assez sûr en ce qui concerne les déchets ?Développons les réacteurs de 4ème génération. Développons les OGM qui permettront aux plantes de résister à l’eau et d’éviter les engrais. Apprenons à stocker l’eau l’hiver pour l’utiliser l’été, à gérer les rivières en minimisant les dégâts des inondations. Reconquérons la biodiversité dans nos rivières et nos forêts.
Au lieu de brûler ou d’enterrer les déchets urbains, développons vigoureusement l’industrie du recyclage. Encourageons une architecture économique en énergie en combinant solaire, pompe à chaleur et domotique etc….
Les énergies renouvelables doivent bien sûr se développer mais dans des conditions économiques, sociétales et environnementales acceptable.
Dans le passé, nous avons déjà résolu bien des problèmes écologiques.
Nous avons su remplacer le Plomb de l’essence par un substitut non toxique, nous avons banni les CFC pour protéger la couche d’ozone en les remplaçant par un autre produit, nous avons diminué les pluies acides de 70% ! Dans chaque cas, nous avons créé des emplois et stimulé l’économie. Ce sont là les exemples à suivre !
Vive l’écologie moteur de la croissance ! A bas l’écologie du déclin !
La République est fondée sur la confiance dans le progrès scientifique, moteur du progrès économique et de la justice sociale. Personne ne peut se réclamer de la gauche s’il n’a pas cette Philosophie !
© Le Figaro, 2007
Si je souscris au fait que notre activité a des conséquences sur le climat, je m'étonne que personne ne soulève jamais le fait que la population croisse dans des proportions exponentielles. Au risque d'être désagréable c'est quand même le premier et fondamental problème. Car quelles que soient les solutions ecolo-politiques si ce facteur s'accroît si vite tout est vain.
RépondreSupprimerVotre remarque achoppe sur deux points parce qu'elle fait l'économie de la faculté d'adaptation de l'homme :
RépondreSupprimer>à quel niveau peut-on dire qu'il y a trop d'hommes ?
> quelle vitesse de croissance de la population est insupportable ?
Or, l'expérience prouve que les malthusiens de tous poils se sont toujours trompés, il en sera encore ainsi cette fois-ci, car les malthusiens font toujours la même erreur : prolonger les courbes "toutes choses égales par ailleurs". Or, justement, cette hypothèse "toutes choses égales par ailleurs" est fausse : l'homme invente, s'adapte, crée des ruptures (pas seulement électorales !!!)
Je garde la conviction que tout ce catatrophisme écologique n'est qu'un paquet cadeau pour nous vendre la bonne soupe étatiste, le retour des "bigs governments", qui doivent nous sauver malgré nous à coups de lois, de règlements, de taxes, de nos méchantes pulsions individualistes.