Cet ouvrage trouve évidemment son titre dans la phrase de Winston Churchill («Never in the field of human conflict was so much owed by so many to so few.») qui faisait dire dans la RAF : «Il fait surement allusion à nos notes de bar.»
Les photographies sont intéressantes : pour qui visite attentivement le sud-est de l'Angleterre les traces de la bataille sont encore visibles.
Une polémique récente a remis en cause l'importance de cette bataille aérienne.
L'argument est développé comme suit : même si la RAF avait été vaincue, ce qui fut très près d'arriver, il y avait encore la Royal Navy pour protéger
This royal throne of kings, this scepter'd isle,
This earth of majesty, this seat of Mars,
This other Eden, demi-paradise,
This fortress built by Nature for herself
Against infection and the hand of war,
This happy breed of men, this little world,
This precious stone set in the silver sea,
Which serves it in the office of a wall,
Or as a moat defensive to a house,
Against the envy of less happier lands,
This blessed plot, this earth, this realm,
this England.
Et puis la Manche n'est pas si facile à traverser pour un conquérant (César 2 fois, mais c'était César, Guillaume 1, Napoléon 0).
L'argument est militairement juste, mais la politique dans tout ça ?
Churchill était à l'époque isolé au sein du cabinet britannique, ses discours étaient d'autant plus enflammés qu'il était quasiment seul et devait masquer sa faiblesse par le verbe (ce qui rend ses discours encore plus intelligents en deuxième lecture).
Lord Halifax, ministre des affaires étrangères, n'attendait qu'une ouverture, qu'une défaillance, pour négocier une paix séparée avec l'Allemagne.
Les manoeuvres à l'aide d'intermédiaires suédois sont encore aujourd'hui si brulantes qu'il a suffi que les Suédois fassent allusion à une éventuelle ouverture des archives pour qu'une polémique naissante entre les deux pays se calme.
Une défaite de la RAF aurait pu fournir la justification de la paix de compromis avec l'Allemagne.
C'est dans ce contexte qu'il faut replacer les événements de Mers El Kebir. Là encore, ceux qui traitent cette canonnade comme une preuve d'imbécilité churchillienne montrent leurs propres limites : ils oublient la politique.
Il y avait nécessité pour Churchill de renforcer l'antagonisme avec la France pour améliorer la position intérieure des va-t-en guerre. D'ailleurs, l'intérêt du gouvernement de Vichy était symétrique, c'est pourquoi de part et d'autre on n'a pas fait le maximum pour éviter le drame.
Quand on se replace à l'échelle d'une guerre mondiale, le fait pour la Grande-Bretagne de rester dans la guerre, de ne pas s'avouer vaincue, ne valait il pas quelques bateaux et quelques morts français, y compris du point vue de l'intérêt supérieur de la France ?
On est d'autant plus surpris que cette interprétation soit généralement ignorée ou minorée qu'il suffit de lire attentivement les discours de Churchill et de De Gaulle pour qu'elle apparaisse (1).
Si l'été 1940 fut la «plus belle heure» de Churchill et De Gaulle, ce n'est pas seulement en raison de leurs discours historiques, mais aussi de leurs capacités à manoeuvrer au plus juste dans des circonstances dramatiques.
(1) : je suis toujours étonné que la thèse d'un hypothétique partage des rôles, de l'épée (De Gaulle) et du bouclier (Pétain), rencontre la faveur. Je sais bien que cette faveur repose sur des raisons psychologiques.
De Gaulle et Pétain étaient radicalement opposés, sans compromis possible, et cela était très clair dans leurs discours. Il fallait avoir envie de se tromper pour ne pas l'entendre.
j'espère juste que dans quelques années il n'y aura personnes pour dire à propos de la France "que la condition d'autant ne dépendait que de l'obstination bornée de si peu..."
RépondreSupprimerLa conquête de l'albion doit tout de même être relativisée par la montée en puissance de la force d'opposition (du moins ses moyens)
***Quand on se replace à l'échelle d'une guerre mondiale, le fait pour la Grande-Bretagne de rester dans la guerre, de ne pas s'avouer vaincue, ne valait il pas quelques bateaux et quelques morts français, y compris du point vue de l'intérêt supérieur de la France ?
RépondreSupprimerOn est d'autant plus surpris que cette interprétation soit généralement ignorée ou minorée qu'il suffit de lire attentivement les discours de Churchill et de De Gaulle pour qu'elle apparaisse. ***
Non seulement je suis d'accord, mais je suis en mesure d'indiquer que des descendants de victimes ont cessé d'être hostiles à cette vision des choses.
Je ne suis pas au courant que la hache de guerre ait été récemment déterrée entre Londres et Stockholm, pouvez-vous donner des références ?
j'ai été par erreur dirigé vers "anonyme", alors que je déteste toute forme d'anonymat ou de pseudonymat sur les blogs !!
RépondreSupprimer«pouvez-vous donner des références ?»
RépondreSupprimerJe vais chercher mais ce que j'ai en tête date d'il y a quelques années
Si on se replace dans l'époque, en ignorant la suite, on voit tout de suite une chose complètement occultée dans les analyses : Mers el-Kébir, comme un peu plus tard Pearl Harbor, est le premier acte d'une guerre.
RépondreSupprimerSi la suite diffère, c'est que Pétain ne réplique pas comme Roosevelt. Et pourquoi donc ? Parce que la France est sous domination allemande et que, pour déclarer la guerre à l'Angleterre, elle a un besoin absolu du feu vert hitlérien, c'est-à-dire d'une quasi-levée des limitations militaires imposées par l'armistice; autrement dit, d'une alliance franco-allemande. La balle est donc dans le camp de Hitler... qui le soir du 3 juillet n'accorde qu'un petit desserrement des clauses navales.
Mais cela, Churchill n'en pouvait rien savoir. Il prend donc le risque d'une guerre. Le risque ? Il s'agirait plutôt d'une chance : cela signifierait que l'Allemagne serait en Martinique et en Guyane, donc en Amérique, chose absolument inacceptable pour les Etats-Unis, qui seraient ipso facto en guerre... et le tour serait joué !