jeudi, avril 10, 2008

Manifestations lycéennes : c'est toujours la même chanson

On croit que l'endoctrinement et l'embrigadement de la jeunesse est un trait des dictatures. C'est une erreur : c'est aussi une spécialité française.

Le scénario est toujours le même.

Les gauchistes dirigent les syndicats étudiants et enseignants. Ils bénéficient de sympathies dans les milieux médiatiques.

De fait, ils dirigent, en totale illégitimité, le système éducatif français. Les ministres passent, les syndicalistes restent. Qui n'a entendu au long des années l'inénarrable et inamovible Gérard Aschieri tandis qu'on n'arrivait pas à se rappeler du nom du ministre, à peine arrivé et déjà sur le départ ?

Nous avons donc un pouvoir illégitime qui vit de l'argent des impôts et refuse de rendre compte, d'être tenu responsable, d'être jugé aux résultats.

La situation vous semble claire : le gouvernement va imposer une organisation et un budget tels qu'il ne sera rien dépensé de plus que nécessaire et pour la meilleure efficacité possible.

Après tout, si le système éducatif est dit «national», c'est bien la moindre des choses que le gouvernement légitime y règne en maitre.

Comme vous êtes naïf !

Dés qu'un ministre, généralement de droite, essaie de remettre en cause ce pouvoir illégitime des apparatchiks ou, simplement, de se montrer soucieux de ne pas le nourrir sans retenue de l'argent pris aux contribuables, nos hommes d'appareil agissent, vite et sans scrupules.

Ils caricaturent une situation complexe pour la réduire à un ou deux slogans, généralement tournant autour de la question «des moyens» (c'est par ce mot pudique qu'on exige que toujours plus d'argent soit pris aux citoyens, pour être dépensé sans contrôle, car toute tentative de vérifier l'utilité et l'efficacité des fameux «moyens» est désignée comme une intolérable intrusion du politique dans la pédagogie, quasiment le début de la dictature).

Mais le slogan, le simplisme, la caricature seraient inutiles s'ils n'avaient un public.

Pour ce genre de nourriture de l'esprit fade et sans originalité, il faut des cerveaux immatures, sans recul, peu aptes à la complexité, en rien disposés à réfléchir sur les problèmes de légitimité, d'efficacité de la dépense publique et d'organisation optimale, mais prompts à l'enthousiasme.

Justement, ces cerveaux existent et, voyez comme la nature fait bien les choses, il se trouve qu'ils sont justement sous la main de nos apparatchiks. On appelle cela des étudiants, des lycéens, voire des collégiens. Ils ont généralement un âge que l'on juge insuffisamment avancé pour leur donner le droit de vote, mais cela n'entre pas en ligne de compte.

Le terrain est préparé de longtemps.

On a pris la précaution d'éviter tout ce qui pourrait ressembler à l'éducation libérale classique, qui, par une étude assidue et rigoureuse, évoluant du simple vers le complexe, permet de former des esprits aptes à concevoir des jugements personnels.

Sous prétexte que mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine, on a veillé à former des têtes bien vides, disposées à être remplies de toutes les fadaises, les premières venues, souvent celles inculquées par les profs, emplissant l'espace.

La méthode, géniale, utilisée à cet effet est la suivante : on a plongé les jeunes élèves dans la complexité du monde (voir par exemple une "méthode" de grammaire moderne) en leur laissant croire qu'ils avaient la capacité à la décrypter.

En faisant mine de transformer des élèves d'école élémentaire en mathématiciens à la Bourbaki, en grammairiens à la Vaugelas et en historiens à la Febvre, on leur a rendu le monde indéchiffrable et mystérieux, voire effrayant.

Et voilà nos pauvres agneaux prêts à gober aussi sec toutes les propagandes (sur «le manque de moyens» par exemple, alors que l'éducation est le premier budget de l'Etat). Plus c'est gros, plus ça passe.

J'ai posé à des lycéens que je connais les problèmes suivants :

> classer Louis XIV, Napoléon et Henri IV dans l'ordre chronologique.

> additionner de tête 1384 et 248

> citer une oeuvre de Stendhal

> dire à quel kilomètre se croisent deux trains convergents distants de 80 km, l'un allant à 20 km/h l'autre à 60 km/h.

Je dois être atteint de malchance statistique car aucun des quatre interrogés n'a répondu correctement à toutes les questions, et même pas à trois sur quatre.

J'en étais navré, car il est bien de la responsabilités des adultes, donc la nôtre, de donner aux jeunes une instruction correcte.

Bien sûr, de meilleures réponses n'auraient pas préjugé d'une capacité de jugement politique, mais tout raisonnement se construit sur des bases et non dans le vide. Si les bases n'y sont pas, on peut être d'autant plus inquiet.

Mais, pour en revenir à nos préoccupations du jour, quelle importance peut-on attacher aux manifestations de ces lycéens ?

Ils font masse, ils font leur effet médiatique, mais que vaut leur analyse, leur opinion ?

Et un peu de vérité ne ferait pas de mal : des manifestations de lycéens, tous les gouvernements en ont vécu. Ce n'est pas la fin du monde.

Il ne faut pas rester sourd à leurs inquiétudes, mais la réponse n'est pas la reculade démagogique, mais la pédagogie, l'explication.

13 commentaires:

  1. Si les trains en question appartiennent à la SNCF, ils ont tout autant de chances de se croiser au kilomètre 20, de ne pas partir à l'heure, voire pas du tout, d'être arrêtés en pleine voie sans explication, d'être en proie à la grève, ou toute combinaison quantique de ces facteurs.

    On a ainsi la chance d'avoir en France un moyen de transport garantissant, à défaut du transport lui-même, une certaine dose d'imprévu et de surprise, qui entretiennent en quelque sorte le suspense qui a depuis longtemps déserté notre quotidien.

    Ce dont l'esprit aventureux pourrait se réjouir... jusqu'à ce qu'il se rappelle comment tout ceci est financé.

    Pauvre France...

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  2. On croit que l'endoctrinement et l'embrigadement de la jeunesse est un trait des dictatures.

    La France le démontre encore !

    la réponse n'est pas ... la pédagogie, l'explication... car il s'agit là d'une approche épiméthéenne... et c'est encore toujours trop tard

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  3. C'est interessant de voir que l'attitude de ces lycéens est un pur suicide, ce sont eux qui sont et seront les principales victimes de l'état actuel de la France.
    Et pourtant ,ils foncent tétes baissées pour augmenter leur problémes.
    A part ca , le gouvernement est bien atteint lui aussi pour faire ces réformes quand le beau temps revient,un facteur indispensable a toutes révolutions.

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  4. (Re) lire ce que Bernard Spitz dit de la jeunesse dynamique dans "Le Papy Krach"

    Erick

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  5. Quand, dans un lycée que je connais bien, la suppression brutale de 5 postes d'enseignants conduit au passage des effectifs de seconde de 33 à 36, je ne vois pas quelle pédagogie pourrait faire comprendre aux élèves que c'est pour leur bien, mais je consens à ce que les convaincus s'y essayent.

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  6. Est-ce vraiment un problème pour ceux qui sont motivés ?

    Je vous donne un exemple : lors de ma première année de médecine nous étions 1000 dans un amphi prévu pour 800, par la suite, les promos tournaient à grosso-modo 100 étudiants par amphi.

    Je n'ai pas le souvenir que nos professeurs ou nous mêmes jugions ce ratio intolérable...

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  7. Enfants de mai 68 ? Voir ce lien sur un point de vue publié ce jour par Ouest-France, point de vue dont je fais état dans mon dernier post.

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  8. Que signifie «brutale» dans «suppression brutale» ? Cela a-t-il un sens précis ou est-ce seulement pour en rajouter dans le pathos ?

    Si la suppression intervient à la rentrée prochaine, elle n'a rien de brutale.

    Passer une classe de 33 élèves à 36 n'a rien de terrible, sauf évidemment si il s'agit d'une classe d'énergumèmes sauvages et indisciplinés.

    Mais à ce moment là, on n'est plus dans la pédagogie, mais dans le contrôle des foules. Ce n'est plus l'école normale que les profs doivent fréquenter mais l'école des CRS, et le problème ne relève plus des moyens, mais de la pratique et de l'organisation, autrement dit de l'exclusion des fauteurs de troubles.

    Quant à expliquer cela aux élèves, c'est tout à fait possible.

    On peut même ajouter que leur intérêt compte, mais qu'il n'est pas la seule variable à considérer. C'est aussi cela être adulte, n'est-ce pas ? Ne pas se croire le centre du monde, appréhender une situation complexe, etc ...

    Je me souviens de mon prof d'histoire de seconde (gauchiste à fond, je précise pour FD qui le trouvera ainsi plus sympathique) qui commençait son premier cours de l'année par une question : «Qu'est-ce que le respect ?»

    Evidemment, petits cons que nous étions, nous répondions des trucs du style «la soumission». La réponse qu'il souhaitait entendre était : «La distance par rapport à l'autre. L'appréhension qu'il n'a pas forcément les mêmes idées, les mêmes sentiments et les mêmes intérêts que vous.»

    Au souvenir de mon immaturité de l'époque, je me permets de douter de la capacité à mettre en perspective une situation complexe chez les lycéens manifestants (bien sûr, il se peut qu'ils soient devenus plus intelligents que nous ne l'étions, sait-on jamais).

    Combien de ceux-ci connaissent, ne serait-ce que par ouï-dire, le gaspillage humain au sein de l'EN, absentéisme, détachements divers et variés, mises en disponibilité, dénoncé à longueur de rapports ? Si ils en avaient conscience, ils sauraient que l'EN a tous les moyens qu'il lui faut mais qu'elle les emploie mal. Tout d'un coup, le coupable ne serait plus seulement l'affreux ministre de droite mais aussi les syndiccalistes qui dirigent l'EN depuis des décennies.

    Enfin, pour l'anecdote, j'avais retrouvé ce prof d'histoire dont je viens de vous parler dans les manifestations contre le loi Devaquet.

    Cela avait fait mon éducation politique mais pas dans le sens qu'il pouvait espérer : quelques années plus tard, à l'âge de la terminale, j'avais réalisé à quel point nous nous étions laissés manipuler.

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  9. C'est sûr qu'on peut toujours trouver plus brutal !

    Encore quelques degrés, dans l'intox des caisses vides exigeant des mesures d'urgence et dans la résignation des foules devant ce discours, et on n'hésitera plus à supprimer des profs et des classes en cours d'année pour entasser les élèves dans les structures restantes. L'étape suivante serait de faire boire la ciguë à ces corrupteurs de la jeunesse !

    Pourquoi toujours un langage extrême, une haine de la nuance ?
    Qu'une augmentation de trois élèves des effectifs de seconde soit très grave, comme de défaire une première maille d'un précieux lainage et de commencer à tirer, ne signifie pas qu'on ait affaire à une horde justiciable des CRS.

    Il s'agit simplement d'un système tendu à craquer, où on arrive encore à travailler mais péniblement, en regrettant à toute heure de ne pouvoir mieux se concentrer sur une dizaine de cas qui mériteraient pendant quelque temps une tutelle personnalisée.

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  10. «C'est sûr qu'on peut toujours trouver plus brutal !»

    Merci de confirmer ce que je pensais.

    «Il s'agit simplement d'un système tendu à craquer»

    Permettez moi de penser que vous n'avez aucune idée de ce qu'est un système tendu à craquer : je l'ai vécu dans une PME, je peux vous assurer que ça n'a rien à voir avec ce que vit l'EN.

    C'est d'ailleurs une difficulté de discuter avec des profs, pour la plupart, ils vivent dans une bulle et sont très nombrilistes,(je sais qu'une telle assertion va vous énerver, mais je peux vous assurer que c'est le sentiment de tous les non profs que je connais qui discutent de temps en temps avec des profs - vous allez me dire que j'ai de mauvaises fréquentations !).

    C'est vrai que l'EN, comme l'Etat, est tendue à craquer si l'on commence par poser comme préalable qu'il ne faut rien changer à son organisation et à son fonctionnement.

    Mais, si l'on abandonne ce préalable qui n'a de raison d'être que dans le conservatisme et la frilosité, les marges de manoeuvre sont immenses (copié-collé du site de l'INSEE : «Multipliée par 1,8 depuis 1980, la dépense intérieure d'éducation atteint 117,9 Mds d’euros en 2005 (6,9 % du PIB) soit 1 880 € par habitant ou 6 970 € par élève ou étudiant. De 1980 à 2005, sa croissance a été plus rapide que celle du PIB (2,4 % par an contre 2,1 %). Elle s’explique plus par la progression du coût de chaque élève que par celle du nombre d’élèves. L’État reste le premier financeur de cette dépense (62,7 %), devant les collectivités territoriales (21,3 %). Les ménages y participent à hauteur de 7,6 %.» Or, les résultats scolaires ont diminué. C'est donc bien que l'EN a un problème d'efficacité et non de moyens).

    Il est vrai que les profs ont une excuse à leur frilosité : Bastiat disait qu'il vaut mieux couper la queue du chien en un coup que par petits bouts. Or, au lieu d'une seule vraie et grande réforme, les gouvernements successifs ont joué la micro-réforme permanente qui a un effet fortement anxiogène. Mais cette lâche politique est due à leur trouille des syndicats enseignants. L'EN fabrique son propre malheur puis se plaint de l'ingratitude de la Nation.

    Je suis parfaitement conscient qu'il y a des problèmes. Je dis juste que centrer les revendications sur les «moyens», c'est se tromper dans son analyse et aggraver les problèmes en question.

    Je persiste par ailleurs : passer une classe de 33 à 36, ce n'est pas le bout du monde si l'on a pour objectif d'enseigner.

    J'avais été estomaqué par une video de portable qu'un de mes «indics» lycéens m'avait montré. Il filmait le cours de maths du fond de la classe (déjà, rien que ça ...). Ca rappelait la blague canadienne «J'étais dans une bagarre, soudain un match de hockey a éclaté». C'était un chahut au fond duquel un adulte se démenait mollement pour faire entendre quelques phrases.

    Je comprends bien que, dans ces conditions, rajouter trois énergumènes peut être la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

    Mais le sage désigne la lune et l'imbécile regarde le doigt. Ce n'est pas le sureffectif le problème, c'est le fait que le chahut soit toléré à 25, à 33 ou à 36.

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  11. @François Delpla Encore quelques degrés, dans l'intox des caisses vides exigeant...

    C'est vrai que c'est du délire. "Il n'y a qu'a faire tourner la planche à billet!"
    Il n'y a pas de dure et intangible réalité économique pour nos sectateurs de l'EN.
    Demandons aux prêteurs ce qu'ils en pensent !

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  12. @François Delpla faire boire la ciguë à ces corrupteurs de la jeunesse !

    Se prendre pour Socrate, pourquoi pas ! Malheureusement l'EN (la haine ?) n'accouche même pas de souris, n'accouche de rien depuis belle lurette, ne génère que des larves, foetus étatiques.

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  13. A la réflexion, la pire des choses en France, c'est le personnel de recherche étatique.

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