EADS a-t-il un avenir ?
Bien sûr, il serait provocateur de répondre aujourd'hui par la négative, mais la question mérite d'être posée.
EADS est dans l'actualité :
> l'A380 prend à nouveau du retard
> l'externalisation des usines est arrêtée, autant pour des raisons politiques qu'économiques
Il arrive à tous les avionneurs de souffrir un jour ou l'autre.
Mais ce qui est inquiétant dans le cas d'EADS, c'est qu'on a l'impression d'être confronté à une aboulie. Personne ne semble assez fort pour soulever la lourde pâte et faire bouger les hommes, les habitudes et les structures.
Le problème de fond d'EADS est parfaitement connu : en sus des difficultés habituelles d'une société complexe, la politique vient donner le coup de grâce et entraver toute remise en ordre (1).
A une société connaissant les problèmes d'EADS, qui sont aussi psychologiques et relationnels que financiers, il faudrait un électrochoc. Or, c'est précisément ce qu'empêche la politique.
Et l'on retombe sur le problème de l'actionnariat : il faut un actionnaire motivé pour dire «merde» (de manière plus diplomatique, peut-être) aux politiciens, et EADS n'en a pas.
EADS risque de mourir non pas de tel ou problème mais d'une maladie de langueur qui fait que les problèmes sont traités tardivement et partiellement, ce qui finit par avoir un impact sur les résultats financiers (2).
Et tout le monde sait qu'une société insuffisamment rentable est une proie susceptible de perdre son indépendance.
Au moment des premiers ennuis de l'A380 en 2006, j'avais écrit que la bonne solution pour EADS était un rachat par LBO, je plaisantais, mais à moitié.
Je le dis à nouveau aujourd'hui, mais je ne plaisante plus que pour un quart, je suis aux trois quarts sérieux.
En effet, EADS se trouve dans la situation typique qui rend un LBO alléchant : un gros potentiel, mais très insuffisamment exploité pour des raisons qui tiennent à son actionnariat, à son organisation et à son management actuels.
Un LBO dynamiterait l'actionnariat, bousculerait le management et dépoussiérerait l'organisation.
(1) : cette influence de la politique passe également par l'intermédiaire des syndicats. Les syndicalistes, tant français qu'allemands, ayant la conviction que, quoiqu'il arrive, les gouvernements finiront toujours par venir au secours d'EADS, se sentent en position de force pour refuser toute évolution.
(2) : je rappelle que le métier d'un avionneur n'est pas de faire de beaux avions, mais de gagner de l'argent en faisant de beaux avions, sans quoi il en vient assez vite à ne plus faire d'avions du tout (l'histoire de l'aéronautique est pleine d'avionneurs géniaux qui ne sont pas allés loin).
Les gens d'EADS ont le mépris facile pour Dassault, qu'ils traitent de PME. Pourtant, mieux vaut être une PME rentable qu'une grosse boite dans le rouge, endettée jusqu'au cou.
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RépondreSupprimer«Tom Enders lance un nouvel appel sur l'aide des États à Airbus
BERLIN (Reuters) - Le président de l'avionneur européen Airbus, Tom Enders, réitère son appel en faveur d'aides publiques plus en rapport avec celles reçues par son concurrent américain Boeing, avant une réunion ministérielle de pays européens partenaires dans Airbus.
"Notre préoccupation n'est pas l'aide publique en tant que telle mais d'établir un certain équilibre avec l'aide publique reçue par la concurrence", a déclaré lundi Enders à Reuters lors d'un entretien au salon aéronautique ILA de Berlin.
"Depuis des lustres, nous ne demandons rien d'autre que ce qui va en fait de soit: avoir le même niveau (d'aides) que nos concurrents américains", a ajouté le patron d'Airbus, filiale du groupe européen de défense et d'aérospatiale EADS.
Ce dossier sera un de ceux abordés à la conférence des ministres des pays européens partenaires dans Airbus (Allemagne, France, Espagne et Grande-Bretagne) lors d'une réunion au salon aéronautique mardi, a déclaré Enders.
Il a notamment souligné les subventions américaines accordées à Boeing pour le développement de son avion 787 Dreamliner, ainsi que le soutien important à ce programme au Japon.
"Le sujet va devenir plus difficile car il ne sera plus purement bilatéral", un nombre croissant de pays participant à des programmes d'avions, a ajouté Enders.
Le président exécutif d'EADS, Louis Gallois, a émis le même souhait d'aide publique dans une interview publiée samedi par le Berliner Zeitung.
Gernot Heller, version française Stanislas Dembinski»
Airbus et Boeing ont des carnets de commande remplis, assurant de futures entrées de capitaux.
RépondreSupprimerAirbus et Boeing (autant que je sache) ne vendent pas d'avion à perte, donc sont certains de rentrer dans leurs frais à un moment donné.
Airbus et Boeing continuent d'investir dans de nouveaux programmes pluriannuels, ce qui confirme qu'ils ont confiance en l'avenir.
Airbus et Boeing ont des retards dans les livraisons de leurs clients.
Airbus et Boeing courent après les subventions publiques.
Airbus et Boeing n'auraient-ils pas un grave problème de trésorerie à court terme ?
Votre parallèle est élégant mais hélas erroné. Reprenons point par point :
RépondreSupprimer> les carnets de commande remplis : OK. Aujourd'hui, c'est presque déjà le passé. Ce qui compte pour l'avenir, c'est le portefeuille de produits. Boeing pourrait bien avoir fait des choix plus judicieux (future will tell).
> rentabilité : c'est là qu'est tout le problème d'EADS. Pour l'instant l'A380 est vendu à perte jusqu'à ce que ses frais de développement soient remboursés, ce qui n'arrivera peut-être jamais (hypothèse pessimiste).
Les comptes de Boeing et d'EADS ne sont pas du tout parallèles dans cette catégorie rentabilité.
> l'investissement : encore faut-il faire les bons choix. EADS est sur la défensive face au Dreamliner.
> les retards : ça arrive aux deux concurrents. Mais Boeing étant moins dépendant du civil qu'EADS, ça n'a pas le même impact.
> les subventions : l'avantage de Boeing est triple : il est plus aidé par son gouvernement, d'une manière plus efficace et sans que son gouvernement s'arroge pour autant le droit de se mêler de sa gestion.
>EADS a des problèmes d'endettement excessif, pas Boeing.
Je ne verse pas dans le dénigrement d'EADS, je pense qu'EADS a un gros potentiel, hélas sous-exploité pour les raisons que j'ai mentionnées.
J'ai rencontré un employé d'EADS encore plus pessimiste que moi, il m'a dit :
RépondreSupprimer«Nous voilà revenus au temps d'Aérospatiale (1), d'ailleurs le mec qui a coulé Aérospatiale (2) est de retour aux manettes.»
Et pour enfoncer le clou :
«Heureusement, les Etats nous soutiendrons, comme ça nous coulerons avec eux. Nous nous sentirons moins seuls pendant le naufrage.»
Je ne sais pas si c'est représentatif du moral au sein d'EADS, mais aucun des échos que je reçois n'est positif : il semble que ce que je dis dans le message ci-dessus est encore plus fondé que je ne croyais.
Ce ne sont pas tant les difficultés qui posent problème, que le fait qu'elles s'accumulent, s'éternisent et que rien, ou trop peu, semble fait pour les résoudre.
Mon impression est que les salariés ont (à juste titre à mon avis) perdu confiance dans leur direction au sens large (management + actionnaires + politiques).
(1) : le ton ne laissait aucun doute sur le fait qu'il n'avait aucun regret de ce passé.
(2) : c'est-à-dire Louis Gallois