Il existe en France bien des bureaucraties. Celle de la DGAC, particulièrement gratinée vis-à-vis de l'aviation générale, est exemplaire de certains abus administratifs.
Diverses raisons conduisent à cette situation :
> les pilotes privés n'ont que peu de poids
> le sujet est technique, les bureaucrates peuvent donc noyer les décideurs qui leur résisteraient dans un brouillard d'arguments ou de pseudo-arguments incompréhensibles.
> ils ont l'argument sacro-saint de la sécurité. Bien sûr, cet argument est fallacieux : ceux qui assurent la sécurité aérienne sont aux commandes des avions, dans les tours de contrôle, dans les ateliers et dans les bureaux d'études, mais jamais au grand jamais dans les administrations. Dans le meilleur des cas, relativement rare, l'administration ne fait qu'entériner des améliorations de la sécurité pensées par d'autres. Dans le pire des cas, fréquent, elle règlemente à tort et à travers pour justifier son existence.
Cependant, abritée par ce prétexte, notre administration tue à coups de règlements de plus en plus contraignants l'aviation générale.
Et comment en vouloir vraiment à ces bureaucrates ? Ils sont payés par les impots et non par les pilotes privés. Leur intérêt bien compris est donc qu'il y ait de moins en moins d'avions et de pilotes puisque cela diminuera leur travail et leurs risques d'emmerdes sans diminuer leur salaire.
Nous sommes entrés dans un cercle vicieux où, bien qu'il y ait de plus en plus de réglements censés favoriser la sécurité, les statistiques d'accident stagnent, voire augmentent.
C'est humainement facile à comprendre (mais un fonctionnaire n'a pas à réfléchir humainement mais réglementairement) : l'excès de réglements déresponsabilise les pilotes et les décourage de piloter, alors que le plus efficace moyen d'avoir des pilotes sûrs est qu'ils volent souvent, et dans des conditions variées. Il n'est donc pas étonnant que la sécurité ne s'améliore pas.
Il convient de rappeler cette évidence qui semble avoir depuis longtemps échappé à nos ronds-de-cuir : aucun pilote n'a envie d'avoir un accident et le type aux commandes est généralement le mieux placé pour prendre une décision. Mais considérer les administrés comme des adultes est à éviter à tout prix pour une bureaucratie comme la DGAC : ça lui enlève sa raison d'être.
Le résultat de tout cela ? De plus en plus de pilotes fuient vers les ULMs, qui sont à peu près libres de réglementation.
Ainsi, nous arrivons à cette absurdité que l'administration tue l'activité qu'elle est censée encadrer tout en encourageant une activité qui lui échappe.
Nous sommes là dans la problématique bien connue des organisations : pour obtenir un bon résultat, il faut que les contraintes et les incitations soient correctement choisies.
Ce problème est plus aigu pour les administrations pour la simple raison que les payeurs (les contribuables) sont différents des décideurs (les politiciens, les fonctionnaires), ce qui fait que les administrations peuvent errer plus longtemps et plus profondément que les autres organisations (au pire, une organisation privée qui déconne trop longtemps fait faillite et ça met un terme à la déconnade).
On atteint des sommets d'absurdités avec les organisations, comme la DGAC vis-à-vis de l'aviation générale, où il n'y a aucun contre-pouvoir. A contrario, la DGAC prouve tous les jours dans le transport public que, confrontée à un vrai contre-pouvoir, celui des compagnies aériennes, elle sait se montrer souple, voire servile.
Je dois ajouter que ces considérations organisationnelles n'exonèrent pas de leurs responsabilités les ouvreurs de parapluie (pour lesquels j'ai un solide mépris) qui nous rapporteraient des médailles d'or à foison si l'ouverture de parapluie était sport olympique.
Car quelle que soit la médiocrité de l'organisation pour laquelle on travaille, jamais personne n'est obligé de se comporter médiocrement. Mais, là, un autre phénomène bien connu est à l'œuvre : qui se ressemble s'assemble. Les emmerdeurs irresponsables attirent les emmerdeurs irresponsables.
*********************
J'ajoute un mot d'explication pour le public non averti :
historiquement, la réglementation aérienne a contribué à l'amélioration de la sécurité en rendant obligatoires les meilleures pratiques d'une époque donnée.
Or, depuis trente ans, l'aviation générale n'a pas évolué sauf sur les points suivants :
> GPS et «glass cockpits»
> matériaux composites
> simulateurs de vol
D'ailleurs beaucoup de pilotes privés volent sur des avions conçus dans cette période.
En particulier, l'ergonomie et l'accidentologie n'ont pas fait de grands progrès.
Si, comme arguent les gens de la DGAC, leur préoccupation principale était la sécurité, la réglementation aurait du subir une évolution minime, sauf sur les points cités, par rapport aux années 70. Il n'y a pas de raison que ce qui était jugé alors suffisant ne le soit plus aujourd'hui.
Bien entendu, ce n'est pas le cas, ce qui prouve bien que le moteur de la DGAC n'est pas la sécurité, mais étendre son pouvoir et le justifier, règlementer pour justifier son existence. Il ne faut pas oublier qu'un nouveau règlement, c'est :
> des gens pour l'écrire et le valider
> des gens pour le faire appliquer
> des gens pour sanctionner
Bref, un réglement, même (surtout ?) quand il ne sert à rien, ça en justifie des planques de fonctionnaires. C'est une dérive habituelle des administrations sans contrôle (cf l'EN) que de s'attribuer comme mission prioritaire la justification et la perpétuation de leur propre existence.
En tant que pilote (professionnel et privé), je ne peux que souscrire à ce texte. De plus, cet administration offre un ratio em.../productivité digne de feu l'URSS. Comme c'est souvent le cas dans notre pays, beaucoup de contrôle là où ils sont inutiles, peu là où ils sont réellement indispensables (voir la lutte contre la délinquance routière). Au bilan, il n'y a jamais assez de moyens alors que les vrais pbs sont ailleurs. C'est une spirale sans fin qui ne mène nulle part. Si on y ajoute le poids excessifs des syndicats (Ah, la lecture d'un panneau syndical dans un local de la DGAC est toujours une joie), la coupe déborde allègrement. Il faut lier, je pense, cet état de fait à l'histoire de l'aéronautique en France, en particulier avant (Front populaire), pendant et après la guerre (C. Tillon). Nous pourrions avoir en France une industrie de l'aviation légère performante... siOUS
RépondreSupprimerDans le domaine de l’agitation du chiffon rouge Sécurité pour obtenir toujours plus, ceux qui ont le pompon sont les contrôleurs aériens civils, d’Athis-Mons et d’ailleurs. Grâce à cet épouvantail (qui va s’opposer à une mesure de sécurité ? ), ces professionnels (ils le sont quand même, heureusement), ont obtenu, année après année, des avantages substantiels en matière de salaire, conditions de travail et récupération qui feraient rougir d’envie les contrôleurs aériens militaires s’ils les connaissaient. Bon vol.
RépondreSupprimer«ont obtenu, année après année, des avantages substantiels en matière de salaire, conditions de travail et récupération qui feraient rougir d’envie les contrôleurs aériens militaires s’ils les connaissaient.»
RépondreSupprimerMais justement, ils les connaissent ! D'où une certaine tension par exemple dans la tour de Toussus où a lieu la conversion de controleurs militaires en civil, sous la direction des civils.
Nota : une fois de plus, un «étranger» m'a dit qu'il trouvait les controleurs de Toussus peu aimables. Un autochtone ne peut que confirmer, avec un bémol : il y en a des sympas.
Je confirme allègrement les propos de papyves. Suite à une collision en vol près de Nantes au début des années 70 pendant un plan dit "Clément Marot" qui prévoit le transfert du contrôle aérien aux militaires en cas de besoin (grèves ou autres), les contrôleurs aériens civils ont exigé et obtenu des avantages hors de proportion avec leur rôle. La lâcheté des gouvernements respectifs a fait le reste. Ça explique, entre autres, pourquoi il y a autant ce centre de contrôle en France alors qu'un seul suffirait. L'Europe, à travers Eurocontrol, vient jouer les trouble-fêtes dans ce beau monde au grand dam des syndicats maison.
RépondreSupprimerDeux remarques pour terminer: 1) beaucoup de contrôleurs restent très sympa en dépit d'une mentalité générale assez nauséabonde (demandez à des contrôleurs militaires comment ils jugent la mentalité de beaucoup de leurs confrères civils. Un simple exemple: dans un centre de contrôle commun, les civils ont exigé qu'un mur les sépare des militaires). 2) si vous avez des enfants qui travaillent bien à l'école, faites en des contrôleurs aériens civils, c'est TRES bien payé et pas trop secouant comme travail (bien en-dessous de 35 heures hebdomadaires).