dimanche, avril 05, 2009

La journée de la jupe

Dans un collège de bannlieue, un pistolet tombe du sac d'un élève, la prof de Français s'en empare et prend la classe en otage.

Cela lui permet de se faire justice de toutes les frustrations, en commençant ô miracle, par faire un vrai cours de français.

Le titre du film vient de ce qu'elle revendique une journée de la jupe «où les femmes pourraient venir en jupe dans les collèges de France sans se faire traiter de putes.»

Je ne vous étonnerais pas en disant que Le Monde n'a pas du tout aimé : il trouve ce film simplificateur. Un film qui présente la banlieue et ses habitants sous un jour positif est toujours un chef d'œuvre ou une graine de chef d'œuvre. Un film dans le sens contraire est systématiquement simplificateur et caricatural, ainsi va (droit dans le mur) la bien-pensance. Evidemment, les gauchistes n'aiment pas les vérités qui démasquent leurs mensonges.

N'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir : tant que ces gens-là vivent entre eux et n'envahissent pas les beaux quartiers où les bobos habitent, c'est si bon de s'acheter une belle âme à pas cher en prônant, pour les autres, le multi-culturalisme et la mixité sociale.

Le Figaro a adoré.

Sur le plan cinématographique, c'est un excellent film (le critique du Monde est en service de dénigrement commandé) : Adjani est toujours très bonne en excité, le huis-clos est propice à une forte tension dramatique et le réalisateur ménage des moments de relaxation pour mieux faire remonter la pression.

Quant au message, c'est l'anti-Entre les murs, l'anti-confusionnisme, l'anti«les gosses sont géniaux», forcément géniaux, du démagogue.

Quand je lis des témoignages de profs, il m'est très difficile de croire que ce film est caricatural. La phrase du provisieur justifiant son inaction face aux violences «Si je chasse un taré, on me le remplacera par un autre taré, je préfère garder les tarés que je connais», je l'ai entendue de mes propres oreilles d'un prof.

J'ai une opinion très ambivalente de ces profs de banlieue : d'un coté, je les plains ; de l'autre, ils sont les premiers responsables de cette situation puisqu'ils soutiennent le pouvoir des syndicats qui promeuvent l'idéologie et la pédagogie qui aboutissent à ce résultat (puisqu'on parle d'école au cinéma, une chose, trop peu remarquée par les critiques, m'avait frappé dans Etre et avoir : jamais on ne voit les élèves travailler et on serait bien en peine de dire si seulement ils ont acquis un savoir un peu ferme au cours de cette année scolaire. Dan Etre et avoir, l'école primaire ressemble à une garde d'enfants améliorée).

Nota : La journée de la jupe n'est pas diffusée en banlieue, officiellement parce que ça n'y intéresserait pas le public. Je pense à d'autres raisons que je vous laisse imaginer.

10 commentaires:

  1. Je viens de trouver ce texte de Brighelli :


    On achève bien des enseignants
    Par Jean-Paul Brighelli. Qui revient sur le film la journée de la jupe, déjà honoré dans ces colonnes, au moment où Isabelle Adjani fait la une du Parisien.


    On achève bien des enseignants
    «Crétin !»

    Elle l’a dit. Elle l’a dit ? Elle l’a dit.

    Qui ? Sonia Bergerac. Bergerac comme Cyrano. Sonia comme toutes les beurettes pour qui leurs parents jouent la carte de l’assimilation, de l’intégration dans la communauté culturelle française. Bergerac, vous êtes sûr ? Une beurette ? Elle l’est — on ne le saura qu’à la fin, entre un père muet de l’avoir trop aimée, et une mère en larmes. Quand il sera trop tard. Quand elle aura été abattue par une police qui tire toujours trop vite. On achève bien les profs.

    Crétin. Adjani l’a dit.

    Adjani ? Allons donc ! Cette star si rare, invisible, qui, d’interviews en interviews, explique qu’elle a inscrit son fils dans le privé, pour lui éviter la catastrophe qu’est devenu l’enseignement public en France… Sortie de sa thébaïde pour jouer dans un film à petit budget, un objet télévisuel — qui a permis samedi dernier à Arte de battre des records d'audience…

    Elle n’a pas lu Meirieu, Adjani. Elle ne sait pas que si ça va mal, c’est qu’on n’a pas assez détruit. Pas assez pédagogisé. Pas assez donné de pouvoir aux IUFM, aux syndicats crypto-cathos, aux profs qui se réfugient dans les sciences de l’Education faute de connaître leur propre discipline, aux « professeurs des écoles » qui font le Connac dans l’Hérault et ailleurs, parce qu’ils ne savent pas comment enseigner le b-a-ba (1), et qu’ils n’ont rien à dire aux élèves de GS…

    Crétins !

    Elle l’a dit, Sonia Bergerac. Comme moi. Avec violence et passion. Avec beaucoup d’amour pour ces élèves impossibles, suppôts d’imams, serial violeurs, barbares ! Comme tous ces élèves parqués dans des ghettos scolaires installés grâce à la Gauche (si !) dans des ghettos sociaux construits par la Droite. Elle l’a dit avec beaucoup de tendresse et de colère, avec — encore à ce moment du film — un geste caressant du bout du Beretta tendu de sa main malhabile vers le groupe d’élèves pris en otage afin de leur faire, enfin, un cours de Français qui ressemble à quelque chose. Des élèves enfin terrorisés pour de bon, parce qu’ils ne sont plus dans un mauvais jeu électronique, mais dans la vraie vie — la leur, celle où l’on n’apprend rien dans les collèges à tarif intellectuel unique, où seuls ont le droit de hurler les caïds et leurs sous-fifres. Rien. Pas même le vrai nom de Molière.

    Cette fois, ils vont le savoir. Jean-Baptiste Poquelin ! Répétez après moi ! Ou je flingue !




    « Mais à quoi bon ces savoirs morts ? » demande le Crétin — le vrai, pas l’élève, mais le Crétin qui a inspiré la réforme Jospin, le Crétin qui a inventé les IUFM, le Crétin de la réforme Viala, de la loi Lang, de l’amendement Ségolène, le Crétin des Sciences de l’Education, le Crétin qui a refusé de siéger dans la commission qui a finalement accouché — il était temps ! — de la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école… « À quoi bon Molière (ou la Princesse de Clèves, dirait… qui, déjà ?), à quoi bon Racine — m’dam, Racine ! Vous vous rendez compte ? — à quoi bon Corneille (« comme le chanteur ? »), à quoi bon La Bruyère — « m’dam’, comme la plante dont on fait les pipes ? « M’dam, Rachid, il a dit « pipe » ! » « Toi, sale pute… »


    - Comment tu m’as appelée ? demande alors Adjani en lui mettant un coup de boule.

    Si ! Un coup de boule ! Elle a bien fait ! Sartre expliquait dans « Réflexions sur la question juive » que les racistes, il n’y a pas moyen de leur expliquer, ils sont inaccessibles à la raison, autant commencer et finir par le coup de boule…

    « La Journée de la jupe » est un grand film anti-raciste. Le véritable anti-racisme. Celui qu’il faut enseigner. Celui que les organisations bien pensantes vomissent. L’anti-racisme d’Emmanuel Brenner (2), de Iannis Roder (3), ou le mien (4).

    Une ministre plus dépassée que nature — un mixte improbable d’Intérieur et d’Enseignement Supérieur, beau cul bon genre — ne comprend rien à la revendication de cette prof déjantée. Comment ça, une journée de la jupe ? Mais nos mères se sont battues pour avoir le droit de porter un pantalon !

    Oui, mais voilà, dans certaines banlieues, si vous portez une jupe, vous êtes une pute. Une salope. Une taspé.


    « M’dam’ ! Le mec, sur le blog, il m’a traitée ! »

    Pitié pour les filles ! C’est ainsi qu’il y a trois ans (putain, trois ans, et il faut encore se battre !), j’avais intitulé une Note sur ce blog (5), qui prenait la défense de ces gamines qui se voilent pour échapper à l’opprobre des cités. Pour échapper aux fantasmes des tarés-frustrés-péteux incapables de séduire, parce qu’on ne leur a pas appris les mots — et à quoi voulez-vous que servent les mots, que serve l’Ecole, si ce n’est à séduire Chloé ou Myriam, Anthony ou Peter ? Incapables — impuissants, qui relookent en douce, sur leurs portables, une scène hard bricolée en interne… Eh non, chers parents de la FCPE, un portable ne sert pas à vous appeler entre deux cours, d’ailleurs , on ne vous appelle pas, ça sert à filmer Fadela ou Camille obligées à faire une pipe dans les chiottes du bahut, et à se l’envoyer entre copains — la fille et le film. Heureusement que de plus en plus de lycées interdisent les portables !

    Alors, la Sonia Bergerac, elle est vachement vénère ! Elle porte en elle l’exaspération de ses collègues — enfin, de certains de ses collègues : parce qu’il y a les collabos, les pactiseurs de barbarie, ceux qui viennent au lycée culotte baissée, ceux qui se trimballent avec le Coran dans le cartable, qui le connaissent mieux que leurs élèves même – et qui s’en vantent !

    Doit être au SGEN, celui-là…

    Elle est très peu soutenue, Sonia Bergerac. Pas par l’administration, on le sait, qui donne toujours raison aux élèves, et qui ne veut pas de vagues, pas de vagues… Calme plat sous les casquettes. Le Principal — superbement interprété, entre hystérie et dépression, par Jackie Berroyer, un ancien prof qui connaît la musique — finit par fuir. Déni un jour, déni toujours. Le flic — un flic intelligent, un Denis Podalydès sur le fil, passionné, problématique, est en butte au flic unidimensionnel généré par la pensée orwellienne — Yann Colette, toujours inquiétant, toujours impeccable — dans laquelle un prof, quand il n’est pas un article de boucherie hallal, est une cible. Pan ! Tuée par la caméra ! Piégée, la caméra ! Le quart d’heure de gloire, et puis le champ d’horreur. Bergerac tuée l’arme au poing, comme Cyrano la rapière à la main. C’est bien plus beau lorsque c’est inutile.

    La presse s’émeut. Le Monde, faux cul entre deux chaises, comme toujours, bave — et Libé en fait tout autant. Mais Télérama, que l'on a connu mieux pensant, ne boude pas trop son plaisir. Et Marianne, le Midi Libre ou le Canard Enchaîné ont bien compris que l’on se trouvait en présence d’un météorite cinématographique susceptible de faire du dégât – d’autant plus qu’il est parfaitement joué.

    Enfoncé, Bégaudeau ! À poil, le Bégaudeau !

    Politiquement incorrect, disent les journalistes ! Et le plus fort, c’est qu’ils s’en étonnent — tant la pensée cinématographique est devenue conforme — et encore, c’est un mot trop long ! Forcément ! On leur donne à baver devant « Entre les murs », film bien pensant comme on en faisait sous Vichy. Alors face à un objet filmique qui a du nerf, du sang, de la chair, de la rage — bref, du talent —, que dire, sinon « politiquement incorrect » ? Anticonformiste, peut-être ? Anti-con, sûrement.



    (1) Rachel Boutonnet, Pourquoi et comment j’enseigne le b-a-ba.

    (2) Emmanuel Brenner, les Territoires perdus de la République.

    (3) Iannis Roder, Tableau noir – la Défaite de l’école.

    (4) Jean-Paul Brighelli, Une école sous influence.

    (5) http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2006/07/13/pitie-pour-les-filles.html

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  2. Sur le blog de Brighelli, des profs s'expriment, ils sont souvent un peu abrutis (je me suis écharpé il y a quelques mois avec certains), mais ils ne semblent pas considérer que ce film est caricatural.

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  3. Oui se n'est pas caricatural il est seulement improbable que tout arrive en même temps mais c'est le propre de la tragédie de tout cristalliser en un instant et en un lieu. Très bon film a tout point de vue.

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  4. Superbe film.
    On comprend bien pourquoi les élèves de banlieue n'ont pas le droit de le voir: imaginez ce qu'il se passerait s'ils avaient une chance de comprendre que le prof qui les tanne pour leur inculquer les règles minimales de vie en commun, dans le but simple de leur faire passer un savoir et de leur donner une chance de s'en sortir, n'est pas l'ennemi?

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  5. JPB s'est défoulé, dites-moi... en tout cas, que ce film provoque quelques émotions est au moins le signe que malgré l'omerta qui règne sur l'EN, beaucoup de personnes ne sont pas dupes de la situation réelle et de ce qui se passe dans les établissements - malgré les tentatives d'une partie de l'administration d'étouffer au maximum les "incidents" "pour ne pas faire de vagues"...

    La question qui me vient à l'esprit : jusqu'où ira cette déliquescence, ce processus de délitement?

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  6. «La question qui me vient à l'esprit : jusqu'où ira cette déliquescence, ce processus de délitement?»

    Très loin, puisque les élites ont les moyens que ça ne touche pas leurs enfants (les donneurs de leçons républicaines de gauche mettent leurs enfants à l'Ecole Alsacienne).

    Elles pensent que quelques cars de CRS aux portes de Paris suffisent à contenir le problème et que là est l'essentiel.

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  7. Bonjour,

    Là encore, il y a sans doute un hiatus énorme entre le terrain, parfois, et la bureaucratie de l'EN.
    Cette dernière reste encore largement aux mains des constructivistes.
    Sur le terrain, pour le primaire, je n'ai pas d'information sur le secondaire, de plus en plus d'instituteurs en reviennent à des choses plus classiques, avant mérieux et c°, car ils ont envie que ça marche et les parents le demandent .

    Cordialement,

    PS: pas de diffusion en banlieue ? Pour ne pas donner d'idée de transporter des armes à feux dans les collèges peut être.

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  8. Si vous avez des gamins au Lycée, faites le test : demandez au proviseur sur la situation de la drogue dans son établissement.
    S'il répond les yeux au ciel "RAS tout va bien, pas de ça chez moi" vous avez à faire à un démissionnaire.

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  9. Tiens, JPB a remis ça avec sa charge contre le libéralisme responsable de tous les maux... amusant qu'une personne aussi cultivée puisse être aussi bornée et aveugle, et soit incapable de voir que ce sont ses copains de gauche qui sont les vrais responsables - tous des antilibéraux par définition!

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  10. N'est-ce pas la définition même de l'idéologie que d'être aveugle aux faits les plus élémentaires ?

    C'est une maladie de l'intelligence dont nombre d'intellectuels sont atteints, Brighelli en est un exemple frappant : 90 % de ce qu'il dit est juste mais il aboutit systématiquement a une conclusion fausse.

    Et comme il a bien des qualités, mais qu'il est complètement borné, voire sectaire, ça m'étonnerait que ça s'arrange un jour.

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