Le machisme ne passera pas
Parmi les signes de notre décadence, je suis particulièrement sensible à ceux qui ont trait à la culture.
Le metteur en scène ne veut pas monter «Dom Juan parce que cette pièce ne montre que des femmes qui souffrent». Je ne sais si c'est à rire ou à pleurer.
Il faut interdire le christianisme, qui passe son temps à mettre en scène un Juif odieusement torturé. Cette exhibition anti-sémite est véritablement scandaleuse.
RépondreSupprimerCharlotte Liébert-Hellman a fait beaucoup de bruit pour pas grand chose. Une dame n'avait pas envie de mettre en scène "Dom Juan", elle a fait "Don Quichotte". C'est son droit. Elle a donné un interview pour faire un peu de pub à sa pièce. Celà se fait, c'est la moindre des choses. Maintenant, si elle dit des conneries, c'est aussi son droit - si j'ai bien compris elle n'a nulle part demandé d'interdire "Dom Juan". Alors voilà voilà. Un grand classique, il y a des chances que quelqu'un le mette en scène, tôt ou tard. Pourquoi pas Charlotte Liébert-Hallaman ? Quant à moi, j'aurais préféré aller voir une pièce mise en scéne par un artiste qui se sent inspiré par le sujet plutôt que par quelqu'un à qui ledit sujet ne dit pas grand'chose ;-)
RépondreSupprimerBonjour, (en réponse à R.Marchenoir)
RépondreSupprimerJe suppose que "l'interdiction du christiasme" est à prendre au second degré dans votre réponse.
J'ignore cette histoire de Dom Juan mais elle est intéressante parce qu'elle reflèterait alors une contradiction importante.
Le Judéo-christianisme et la crucifixion, son prolongement, sa clef de voûte, c'est ce qui a permis la défense des Victimes issues des sacrifices archaïques et l'évolution vers la pensée moderne et les progrès uniques de la civilisation occidentale dans tous les domaines. (Voir le résumé de la Théorie de René Girard sur mon blog.)Cette culpabilité (ce progrès inestimable) qui a changé la face du monde est aussi, dans ses dérives actuelles, le socle de la repentance et de la compassion hystérique, au point de considérer certains "bourreaux" comme des victimes, force manipulations idéologiques, puisqu'aujourd'hui, pour massacrer en paix, il faut se faire passer pour une victime ; et ce qui est le plus drôle c'est que les plus anti-chrétiens sont ceux qui souvent poussent la Pensée chrétienne jusqu'à l'absurbe et l'hystérie sans même s'en rendre compte. Donc, le Culte des Victimes, orienté suivant tel ou tel positionnement politique bien sûr (c'est à dire les victimes qui nous arangent) est une donnée fondamentale du monde contemporain et le cheval de bataille de toutes les organisations qui au nom de la liberté et de la compassion en arrivent à un véritable totalitarisme de leur "Bien-pensance" (multiculturalisme, antiracisme...) Bref.
Si aujourd'hui on ne veut plus montrer des femmes qui souffrent parce que ce serait insupportable, c'est que l'émotivité, la sensiblerie, la peur viscérale de la violence du monde aurait tellement atteint nos petits bobos devenus ultra-sensibles, qu'ils en deviendraient incapables de remplir la fonction pour laquelle ils se sont eux-mêmes programmés : à savoir donc la défense de "leurs victimes" ! Ça pose de sérieuses questions sur la capacité de survie de notre société...
Quand au libellé dans lequel Frank Boizard a répertorié son post : "Le monde actuel ne sera pas châtié il est le châtiment", je ne sais pas s'il le sera plus que ce qu'à été toute l'Histoire de l'Humanité. Car rien n'existerait sans le Sacrifice humain qui, seul, en déïfiant les victimes émissaires lynchées par des foules, permettait le contrôle de leur "violence mimétique" aveugle lorque celle-ci se déclenchait. Cette double action contradictoire du sacrifice et de la déïfication, en expurgeant la violence de Tous contre un Seul, "repacifiait" les groupes pour un moment grâce à cette "transcendance divine" d'origine pourtant strictement humaine , ce qui a permis l'avènement de toutes les Cultures à travers les premiers rites (les premiers éléments de culture), rites n'étant en fait que la reproduction du premier sacrifice, celui qui, instinctivement la première fois, avait sauvé la société du déchaînement de sa violence et qu'on sefforce donc d'imiter pour ne pas s'auto détruire en cas de récidive. (voir encore René Girard). Pour le monde, j'aurais tendance à dire qu'il sera les deux : "châtié Et le châtiment". L'Apocalypse avait parfaitement prévu ce cas de figure, à savoir que l'homme, une fois qu'il connaîtrait les mécanismes de sa propre violence, n'arriverait pas pour autant à pouvoir se contrôler et resterait l'animal préhistorique qu'il est, soumis à la loi impitoyable du "mécanisme mimétique" de son désir et donc de sa violence aussi. Mécanisme mimétique sans lequel, contradiction encore une fois fondamentale, il n'aurait pu passer du stade animal à l'hominisation. L'Histoire du monde repose donc dès le départ sur un paradoxe majeur, une impasse originelle dont effectivement on ne se sortira peut-être pas puisque le monde actuel, notamment en rejetant les fondements du Christianisme, est en train de revenir insidieusement au Religieux archaïque sous des formes dégradées ou réelles. Mais cette fois en étant privé de boucs émissaires et de sacrifices : le Sacrifice était une violence ponctuelle incontournable, le pic de violence permettant déradiquer "La violence générale" comme un contre-feu, un mécanisme inconscient qui autrefois produisait du Sacré, donc de la stabilité, de l'ordre et de la hiérarchie sociale. Mais le mécanisme ne marche plus, parce qu'il a été mis à jour par la Révélation évangélique au sens anthropologique du terme... L'homme sait aujourd'hui qu'il est un bourreau et ne peut plus se persuader que la victime sacrifiée est coupable, (c'est pour cela que ça marchait) même si à l'origine elle était "Toujours innocente" de ce dont elle était accusée. Nous sommes donc vraiment dans un monde "apocalyptique" en ce sens. "La violence qui autrefois produisait du sacré ne produit plus rien qu'elle même" (René Girard, Achevez Clausewitz)
Bob,
RépondreSupprimerVous plaisantez, mais je n'ai guère de doutes que c'est effectivement la pente que nous suivons : la démocratisation tous azimuths génère des valeurs absurdes.
C'est bien le problème et il fait aussi partie du "Châtiment" en effet : la Démocratie sans contraintes extrêmements strictes et une obligation sans conditions de respecter ses fondements et ses valeurs nous mènera d'autant plus sûrement vers le totalitarisme, quel qu'il soit. C'est exactement comme pour l'éducation des gosses : Si on ne les "contraint" pas en permanence et sans états d'âmes à respecter les limites et si on ne les punit pas lorsqu'ils les enfreignent, alors on est obligé d'abdiquer son autorité...
RépondreSupprimerChacun a des valeurs qu'il souhaite défendre ou avec lesquelles il ne veut pas avoir affaire, cette femme ne veut pas mettre en scène d'autres femmes qui souffrent, c'est son choix, elle en est libre, en tant que libéral je m'étonne que vous critiquiez ce genre de chose. Comme il a été dit, elle n'empêche personne de le faire, c'est juste qu'elle ne veut pas avoir à le faire elle.
RépondreSupprimerElle devrait mettre en scène une pièce où des millions de spermatozoïdes souffrent dans l'indifférence la plus totale de ne pas arriver les premiers pour copuler frénétiquement avec l'ovule.
RépondreSupprimer"la démocratisation tous azimuths génère des valeurs absurdes."
RépondreSupprimerje suis en train de lire La tyrannie de la repentance de Pascal Bruckner (petit essai bigrement intéressant) et il cite à propos de l'antisémitisme ce propos prémonitoire de Jankelevitch :
"L'antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission - et même le droit, et même le devoir - d'être antisémite au nom de la démocratie ! L'antisionisme est l'antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d'être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. »
Théo :
RépondreSupprimer"Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis ?"
Mais certains le disent déjà. Un membre de la délégation officielle de l'Iran à la conférence "Durban II", apercevant Elie Wiesel venu, je suppose, protester contre l'événement, l'a publiquement traité de "sionisto-nazi".
Elie Wiesel, rescapé d'Auschwitz. Rien ne leur fait peur, à ces gens-là.
« Chacun a des valeurs qu'il souhaite défendre ou avec lesquelles il ne veut pas avoir affaire, [...] en tant que libéral je m'étonne que vous critiquiez ce genre de chose. Comme il a été dit, elle n'empêche personne de le faire, c'est juste qu'elle ne veut pas avoir à le faire elle. »
RépondreSupprimerÊtre libéral ne consiste pas à s'abstenir d'émettre des jugements sur ce qui se dit, se fait, ne se dit pas ou ne se fait pas. C'est une erreur fréquente que de croire que parce qu'un libéral critique tel ou tel, il serait contradictoire avec ses propres valeurs. Franck Boizard n'a pas demandé que l'on force Irina Brook à monter Dom Juan; c'est seulement s'il avait préconisé un tel recours à la coercition, dans un tel contexte, qu'il aurait cessé d'être libéral. Pour le reste, il a parfaitement le droit de considérer et d'écrire que les idées d'Irina Brook sont saugrenues et reflètent la décadence d’une époque.
A chacun, ensuite, d'apprécier.
Je ne vois pas en quoi le fait de ne pas vouloir mettre en scène des gens qui souffrent inutilement (car les femmes qui souffrent dans Dom Juan ne sont que des victimes du machisme) est décadent. Au contraire, c'est plutot une preuve qu'elle a plus réfléchit sur la pièce en question que certains défenseurs de la "culture classique" qui ne critiquent cette femme que parce qu'elle ne veut pas se plier à leurs valeurs (vieux = bien) par respect pour ses convictions personnelles.
RépondreSupprimerKreyket, vous avez parfaitement le droit de penser ainsi, et de l'écrire bien sûr. Mais rien d'illibéral dans le fait d'estimer que la décision d'I. Brook est idiote. On peut aussi penser qu'elle est quelque peu anachronique, et donc un peu veine. On peut, enfin, estimer qu'elle traduit une évolution des mentalité aux effets potentiellement dommageables.
RépondreSupprimerSinon, je ne suis pas sûr que les femmes de Dom Juan souffrent inutilement. Cela fait très longtemps que j'ai lu cette pièce, mais je crois bien que le Commandeur finit par châtier Dom Juan...
Ce n'est même pas décadent, c'est d'une connerie abyssale. Il y a aussi des hommes qui souffrent à cause des femmes.
RépondreSupprimerCe n'est pas parce que des hommes souffrent à cause de femmes que c'est une connerie qu'une femme n'ait pas envie de mettre en scène d'autres femmes qui souffrent à cause d'un homme. Ce n'est pas anachronique non plus, s'obstiner à jouer Dom Juan pourquoi pas, bien que je n'en sois pas convaincu, mais au moins il y aurait une certaine logique à dire que jouer une pièce vieille de 350 ans soit anachronique, alors que la solidarité envers une communauté dont on fait partie, ici les femmes, est intemporelle. (Non, ce n'est pas du féminisme, je dit juste que parfois on tend à privilégier les groupes dont on fait partie d'une façon ou d'une autre, cette femme a choisi cette façon et voilà)
RépondreSupprimer« Ce n'est pas anachronique non plus, s'obstiner à jouer Dom Juan pourquoi pas, bien que je n'en sois pas convaincu, mais au moins il y aurait une certaine logique à dire que jouer une pièce vieille de 350 ans soit anachronique »
RépondreSupprimerJe dois dire que je suis réellement interloqué par ce passage... « S’obstiner », qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Que passer un certain délai, il ne serait plus valable d’apprécier certaines œuvres ? Je serais curieux de connaître votre estimation de ce délai… Les chefs-d’œuvre ne sont-ils donc plus atemporels ? Le génie n’est-il plus le génie ? Seuls comptent le présent et un passé tout juste immédiat ? La culture, n’est-elle plus l’héritage accumulé des grandes œuvres qui ont été reconnues et conservées ?
Jetons aux orties Mozart, c’est « vieux » et anachronique… Ne visitons plus la Sainte-Chapelle, c’est « vieux » et anachronique… Ne lisons plus La Princesse de Clèves, c’est « vieux » et anachronique… Dans votre précédent message, vous écriviez que Brook ne partageait pas les valeurs de F. Boizard, à savoir « vieux=bien ». C’est n’avoir rien compris ! Ce n’est pas l’ancienneté qui fait la qualité, ni même la jeunesse d’ailleurs, même s’il est vrai que le temps agit comme un tamis (certes imparfait), confirmant ou non le génie d’une œuvre, pour en faire un classique ; seulement, toutes les époques produisent des classiques.
Oui, on peut juger parfaitement anachronique de rejeter une œuvre pour des préoccupations contemporaines (peut-être mal placées de plus : Dom Juan est-il châtié oui ou non ?). Même si ces raisons appartiennent à Irina Brook, elles peuvent parfaitement être jugées réductrices, témoigner d’une certaine forme de puritanisme intellectuel.
Enfin, quant à votre vision communautarisée de l’esprit humain, je ne prendrai pas la peine d’en dire mot. (D’ailleurs, vous seriez-vous épargné toute critique d’un metteur en scène masculin ayant déclaré vouloir monter Dom Juan par solidarité avec les séducteurs ? « cet homme a choisi cette façon et voilà ».)
Sieur Wagner, vous avez à priori oublié le court mais important passage (alors même que vous le citez) où je dit que "je n'en suis pas convaincu", ce n'est donc pas mon point de vue, c'est juste que ce point de vue bénéficie d'une certaine logique que j'ai déjà expliquée.
RépondreSupprimerIl vient un moment où s'efforcer de poursuivre une discussion rationnelle, tenter de partager son savoir avec autrui aussi honnêtement que possible, se transforme en une activité futile, voire dégradante pour celui qui a l'obligeance de s'y prêter.
RépondreSupprimerBartlett, Bob,
RépondreSupprimerNe faites pas vos martyrs ! :-)
Certes, il y a des commentateurs que vous avez repérés qui n'ont pas compris où cette histoire de Don Juan me grattait, mais il y en a d'autres qui ont très bien vu.