Bon, c'est du Tavernier, c'est-à-dire Ken Loach à la française, du gauchiste de caricature : les riches et les blancs sont toujours méchants, les pauvres et les noirs toujours gentils. Le tueur est bien sûr un infâme sadique. Tavernier n'est pas le grand spécialiste de la finesse.
De plus, le film est un peu lent.
Ces critiques étant faites, je trouve que l'ensemble du film plutôt plaisant. L'ambiance de la Louisiane et Tommy Lee Jones y sont pour beaucoup.
L'idée qui donne son originalité au film vient du livre qui a servi de base : les deux alcooliques plus ou moins repentis ont des visions d'un général sudiste philosophe les conseillant.
Ceci donne au film une touche décalée qui détend l'atmosphère.
Petite note historique : le choix du général, John Bell Hood, m'étonne. Contrairement à ce qu'on voit dans le film, il était jeune, la trentaine. Il était connu pour son courage, mais à mesure qu'il s'est élevé dans la hiérarchie, il a montré ses limites et confirmé le principe de Peter, il n'était pas un stratège.
Certains lui attribuent une part décisive dans la défaite des armées sudistes, à cause de ses initiatives téméraires et désastreuses. D'autres le défendent, mais il semble qu'il n'ait pas eu cette qualité indispensable aux bons généraux d'après Napoléon : la chance.
Témoignage (que j'ai posté à l'origine sur Figaro.fr). Cordialement.
RépondreSupprimerJ'ai lu un premier roman de cet écrivain à la fois atypique et si profondément américain un peu par hasard, mais suis tombé très vite amoureux de son style et de ses personnages. Il réussit cet exploit de rendre au fil des pages des atmosphères où se mêlent la nature (la grande) et celle des hommes, leur affrontements permanents, le poids de l'histoire, là encore la grande et la petite et une touche un peu surannée et suave, un peu come ce paradis perdu qui hante ses héros. Le surnaturel n'est jamais bien loin, tant l'ancrage viscéral de ses personnages au vivant en appelle la contrepartie. Et puis, la Nouvelle Orléans n'est jamais bien loin... Remarquable.
Tous ses romans ne suivent pas les tribulations de Dave Robicheaux, mais celui qu'a choisi Bertrand Tavernier "In the Electric Mist with the Confederate Dead" (littéralement: Dans la Brume Electrique avec les Morts Confédérés), est certainement un de ses tout meilleurs.
Pour avoir parcouru et aimé ce grand sud et ses habitants comme je crois n'avoir jamais aimé, je suis reconnaissant à cet écrivain, qui marqué par la vie a retrouvé là (et au Colorado) ce supplément d'âme qui menaçait de le quitter, et a bien voulu nous faire partager cette résurrection.
Dans le grand sud, la terre et les hommes sont pauvres. Qu'il s'agisse des Red Necks considérés par le reste des Américains comme les absolus cul-terreux (le nom vient de ce qu'ils furent les seuls blancs à avoir le cou rouge d'être exposé au soleil en cultivant eux-mêmes leurs champs), des Cajuns méprisés eux aussi, vivant reclus dans les marais pour rester libres, auquel l'état fédéral a retiré par la force la simple liberté de parler leur langue (ce qui pourtant allait contre la constitution puisque celle-ci ne prévoyait pas l'existence d'une langue nationale ou fédérale), des Noirs dont on connait le sort, des Indiens qui s'ils ont la chance d'être reconnus comme tribu, vivotent dans de misérables casinos de bord de route où se retrouvent les perdus de la Terre, et tous gardent à l'esprit l'envoutante Nouvelle Orléans qui loin des villes industrielles (Baton Rouge par exemple) et de la misère quotidienne. Et au milieu de ces mondes l'envoutante Nouvelle Orléans et les mirages...
Une simple anecdote, que je dois de raconter, pour rendre justice à ces hommes et femmes remarquables de simplicité et de retenue.
Remontant un jour sur une route de campagne depuis Baton Rouge, je m'arrête à un de ces Casinos qui ne sont guère plus qu'un relais routier avec quatre ou cinq machines à sous, je mets quelques pièces dans une machine pour me détendre de la route. Les machines étaient alignées le long d'un des murs du couloir assez étroit allant des pompes à essence au snack. Au bout de quelques minutes, je sens une présence derrière moi et je vois avec effarement une file de gens, shérif en tête, son chapeau entre les mains, allant du snack à ma place.
"Excusez nous de vous déranger, mais nous avons su que vous montiez par ici, et il est très rare que nous voyions des Français par ici, alors on est venu vous payer nos respects".
Imaginez ma tête. Un tel discours venant d'un shérif, au regard emprunt d'une gentillesse et d'une nostalgie comme on n'en imagine que dans les romans dont on se dit que l'auteur force le trait de ses personnages.
Suit le défilé de toutes ces gens m'expliquant leurs "predicaments" (je ne sais comment traduire ce terme correctement), pour finir sur un indien (un des membres de la tribu propriétaire du casino) qui me dit en substance (je ne me rappelle plus les termes exacts):
"... mais nous tous ici, ne sommes pas tant à plaindre que les Cajuns. Ils ne sont ni noirs ni métisses ni indiens ni même blancs pour les blancs. Ils sont orphelins. Pensez à eux quand vous rentrerez chez vous."
Je dois dire que j'ai pleuré, et que j'en pleure encore chaque fois qu'il m'est donné de raconter cette histoire, tant elle m'a ému.
Voilà, j'espère n'avoir lassé aucun de vous, mais je me devais de transmettre cette rencontre, car le bien et l'honneur ne devraient jamais rester sans reconnaissance.
L'hommage du sheriff est très beau, mais trop tardif. Comme vous le rappelez, les Cajuns n'ont pas eu le droit de parler leur langue, comme tous les Français du Canada auxquels on intimait l'ordre de Speak White. Seuls les Québécois ont résisté, et encore, ils parlent un franglais qui ne subsiste guère que grâce à la traduction littérale...
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