Un avion est coincé entre deux vitesses :
> la vitesse de décrochage, en dessous de laquelle la portance crée par les ailes s'effondre.
> la vitesse maximale, dont la limite peut être due à différents facteurs : résistance structurelle, contrôlabilité ...
Il se trouve que lorsqu'on gagne en altitude :
> l'air se raréfie : pour une situation donnée, l'air est moins dense, porte moins et la vitesse de décrochage augmente.
> l'air refroidit. Or, la vitesse du son évolue en racine carrée de la température : plus l'air est froid, plus la vitesse du son est faible. Autrement dit, à une vitesse air donnée, un avion est plus proche de la vitesse du son à haute altitude. Or, le passage en transsonique d'un avion inadapté (c'est-à-dire tous les avions sauf les chasseurs et le Concorde)rend cet avion incontrôlable.
Munis de ces notions, vous comprenez facilement ce qu'est le «coffin corner». C'est quand un avion (au hasard un avion très long courrier reliant Rio à Paris) évolue à si haute altitude (au hasard pour économiser le carburant) que la vitesse de décrochage ayant augmenté, la vitesse transsonique ayant diminué, la marge qui sépare la vitesse minimale de la vitesse maximale est réduite à quelques dizaines de kts.
Cette situation ne pose pas de problème sur les avions modernes et se produit des centaines de fois par jour. Mais que se passe-t-il alors lorsque, suivant les mots des communiqués officiels, «les indications de vitesse sont incohérentes» ?
Vous réalisez que le fait que le directeur du BEA ait ajouté oralement (il n'aurait pas osé l'écrire) que cette incohérence de vitesses n'était pas si grave est un mensonge volontaire et signale les prémisses d'une tentative d'enfumage, qui devrait se développer dans les semaines qui viennent, que les premières hypothèses sur le foudroiement permettaient déjà de soupçonner.
A posteriori, on sait que, avec les infos que le BEA et Air France avaient dès mardi matin (1), l'hypothèse du foudroiement n'était pas la plus probable, contrairement à ce qui a été dit à la presse. Autrement dit, cette enquête a commencé par un gros mensonge.
D'une manière ou d'une autre, Airbus et Air France seront mis en cause. Le jeu pour eux est de retarder au maximum, car plus le temps passe, plus les preuves se perdent, les experts se contredisent et les medias se désintéressent, ce qui facilite les petits arrangements entre amis.
C'est cynique mais c'est la vie : que pèsent 228 morts, qui de toute façon ne reviendront pas, face à des dizaines de milliers d'emplois partout en Europe ?
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(1) : les messages automatiques de maintenance transmis par l'avion, les désormais fameux ACARS, sont aussi lisibles pour un spécialiste que les TAF et les METAR pour les pilotes du dimanche. Pour dire les choses clairement, c'est une question de secondes, non d'heures. Le temps que ça fasse le tour dans la hiérarchie (dans ce cas les portables chauffent vite), c'est probablement d'une heure ou deux avant que ça soit le branle-bas de combat (un informateur m'a dit vingt minutes/ une demi-heure, gardons une heure ou deux pour ne pas être méchant). Et qu'on ne me dise pas que personne n'a réagi (de toute façon, je sais que ça n'est pas vrai) et qu'on s'est aperçu qu'il y avait un problème quand l'avion ne s'est pas montré à Roissy : quand en l'espace de cinq minutes, un avion au milieu de l'Atlantique signale que ces systèmes tombent en panne les uns après les autres puis une dépressurisation, même le stagiaire de garde le plus débile, sous-diplomé et endormi, a une montée d'adrénaline.
Alors quand la première conférence de presse est arrivée, il n'est pas possible que les gens qui réfléchissaient déjà au problème depuis quelques heures prissent encore au sérieux l'hypothèse du foudroiement. D'ailleurs, moi qui ne suis pas pilote de ligne, cette idée de foudroiement m'a paru douteuse dès l'énoncé. Le foudroiement, ça ressemble plus à une trouvaille de «communicants» pour journalistes cons comme la lune qu'à une idée d'experts.
très intéressant er instructif
RépondreSupprimerSi j'ai bien compris les messages ACARS qu'on a bien voulu nous montrer, avec les 3 ADIRU off line plus l'ISIS offline ils n'avaient aucune chance.
RépondreSupprimerSi j'ai bien compris encore, l'horizon de secours n'est plus un horizon piloté par un gyro interne, mais par un gyro laser de l'ISIS.
Donc ils n'avaient plus de référence attitude, de nuit dans de la turbulence sévère et avec une marge de 15 noeuds entre les Mach et Stall buffets, et le PA déconnecté du fait des ADIRU off line! A lire les time stamps ils ont bataillé 4 mn avant de perdre la machine. Espérons que la commission d'enquête fasse la lumière, mais il y avait trop peu d'américains à bord ...
que penser des posts sur
RépondreSupprimerhttp://flightlevel390.blogspot.com/
?
Le problème est le suivant. On ne peu se fier à une enquête aéronautique que si :
RépondreSupprimer> un avion américain s'écrase avec beaucoup d'Européens à bord
> un avion européen s'écrase avec beaucoup d'Américains à bord (ce qui n'était pas le cas d'AF447)
Dans tous les autres cas, il y a une bonne chance qu'on se fasse enfumer.
Il est possible que l'accident d'AF447 n'ait que des causes naturelles, mais pour l'instant, ce n'est pas le plus probable, peut-être de nouveaux éléments ...
En attendant, tout le jeu du BEA va être de défendre Airbus en expliquant qu'un accident du à des causes naturelles aurait donné la suite de messages de maintenance reçus.
N'oubliez pas l'enjeu pour Airbus : tous les A330, voire presque tous les Airbus (ceux qui partagent la même conception et les mêmes Pitots), pourraient être interdits de vol par une autorité un peu tatillonne si la mise en cause ADIRU/ Pitot se précisait.
C'est impensable. Vous imaginez donc aisément que le BEA va tout faire pour que cette mise en cause ne se précise pa pour laisser le temps à l'avionneur de régler le problème sur plusieurs mois.
Vous trouverez sur Euro Cockpit un rapport d'incident Air Caraïbes qui a de fortes similitudes avec AF447 (je ne dis pas qu'il s'est passé la même chose).
RépondreSupprimerOn remarquera que les pilotes s'en sortis en ignorant volontairement certaines instructions de la procédure suite à leur analyse de la situation.
AF447 avait trois pilotes : un assez expérimenté et deux jeunots. Vu l'heure de l'accident, il est probable que les deux jeunots étaient aux commandes et que le commandant de bord prenait son tour de repos. D'où la question, les deux jeunots, vu la formation très procédurière et peu aéronautique que reçoivent les jeunes pilotes, auraient-ils ignoré volontairement la procédure dans les mêmes circonstances qu'Air Caraïbes ?
Que d'élucubrations!
RépondreSupprimerSi certaines notions existent bien, elles sont interprétées de manières très approximatives, et les procès d'intentions et jugements d'avance sont indécents.
Un pilote qui attends d'en savoir plus pour se faire une opinion.
Vous seriez plus crédible si vous expliquiez vos objections.
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