mercredi, juin 02, 2010

École : pourquoi pas un élève par professeur ?

Natacha Polony écrit d'une manière mesurée ce que j'aurais dit sur un ton nettement plus agressif.

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École : pourquoi pas un élève par professeur ?


Par Natacha Polony
01/06/2010 | Mise à jour : 20:26
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Par Natacha Polony, journaliste en charge de l’éducation

Symboliquement, l'effet est désastreux. Le document du ministère de l'Éducation nationale à destination des recteurs ne pouvait que provoquer l'ire de tous les acteurs de l'école dans une période où l'échec criant du système ne peut plus être nié. Selon ce document, les recteurs, dans chaque académie, doivent organiser le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite en privilégiant quelques pistes jugées adaptées à chaque réalité locale et ne devant pas «nuire à la qualité de la formation dispensée aux élèves».

Réaction indignée des syndicats d'enseignants et des fédérations de parents d'élèves, qui y voient un renoncement à la volonté d'améliorer, au contraire, la formation. «La question des moyens n'est pas la réponse aux problèmes de l'Éducation nationale aujourd'hui», s'est défendu hier le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, dans les couloirs de l'Assemblée. Et d'expliquer : «J'ai choisi une méthode qui consiste à ne pas décider de manière autoritaire depuis le ministère mais à travailler académie par académie, école par école, à partir des besoins locaux.»

Mais quelles sont les pistes évoquées ? La non-scolarisation des enfants de 2 ans est un choix politique ancien puisqu'on est passé en quinze ans de 35 % à 15 % d'enfants de moins de 3 ans scolarisés. Mais, alors que l'académie de Créteil, où la scolarisation précoce pourrait être utile, a un des taux les plus faibles, celle de Lille scolarise 42 % des enfants de 2 à 3 ans. L'appel à des non-titulaires pour assurer les remplacements, une des autres pistes évoquées, est pratiqué de fait dans de nombreuses académies.

La véritable nouveauté consiste en l'idée d'augmenter le nombre d'élèves par classe. Depuis les années 1980, la politique constante des ministères, à la demande des syndicats et des fédérations de parents, fut au contraire une baisse de ce taux. Baisse marginale, puisque cette politique coûte une fortune en postes de professeurs. Avec aujourd'hui environ 22 élèves par classe dans le primaire et 24 élèves par classe au collège, la France se situe parmi les pays comptant les classes les plus nombreuses, le lycée faisant, du fait des nombreuses options, chuter les statistiques avec neuf élèves par professeur en moyenne.

Pour autant, les statistiques montrent que la baisse du nombre d'élèves par classe n'a pas d'effet significatif sur leur niveau. Pourquoi une telle crispation sur le sujet ? Ceux qui fouillent leur mémoire se souviendront, il y a quarante ans, de classes de quarante-cinq élèves où l'on entendait une mouche voler.

Mais c'est que justement on ne veut plus entendre les mouches voler dans les classes, et que, de fait, on ne les y entend plus. Les pédagogies à partir d'ateliers, de petits groupes… impliquent un niveau sonore parfois intenable. Et des jeunes qui n'ont jamais appris à rester silencieux et concentrés.

Au collège, la présence dans les classes d'élèves en très grande difficulté, agités parce que perdus, complique largement les choses. À ces données structurelles, qui expliquent les protestations des enseignants, s'ajoute une dimension plus générale, presque civilisationnelle : la demande pressante des parents que l'on prenne en compte l'individualité de leur enfant. Le modèle proposé à l'école depuis trente ans semble être celui du précepteur : un élève par professeur. Mais cela coûte cher et explique en grande partie le doublement du budget de l'Éducation nationale depuis 1980.

D'autant qu'on uniformise pour ne fâcher personne. Or des lycéens bien formés en amont, encadrés, et habitués à se concentrer, peuvent suivre un cours de mathématiques ou de français à quarante, voire davantage, dans un établissement qui s'y prête et sans que l'enseignement en pâtisse. Et cela permettrait, dans les endroits difficiles, d'opérer une baisse significative qui, là, serait efficace. Mais un tel choix nécessite de s'intéresser aux méthodes d'enseignement autant qu'aux symboles

6 commentaires:

  1. ... et en plus elle est belle ...

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  2. Tant qu'on fera plus cas des élèves en difficulté ou perturbateurs que des autres, les conditions d'enseignement seront mauvaises, à 20 par classe comme à 30.
    Le principe d'égalite qui veut compenser les faiblesses de certains entraîne un nivellement général. Les élèves sages et concentrés doivent s'adapter au désordre provoqué par une minorité. L'attention des profs est focalisée sur les difficultés d'intégration et sur le manque d'éducation au détriment de ceux qui se taisent et attendent.
    Qu'est-ce que cet "accompagnement individuel" défendu unanimement par le corps enseignant? C'est une nouvelle mode ou l'obsession de l'égalité qui mène forceps?
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    "Un élève de plus par classe = 10000 classes supprimées". Celui qui a pondu ça est un imbécile, digne de l'affirmative action, ça suppose que les élèves peuvent être déplacés en fonction des quotas. Diviser une moyenne de choux par une addition de carottes sans même tenir compte de leur répartition dans le but de supprimer des classes faut quand même le faire. Quitte à réduire le nombre de cours autant restaurer un minimum de sélection.

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  3. Entierement d'accord avec Titus.

    L'egalite est effectivement un concept fallacieux. Il suffit de regarder autour de soi.

    Le seul moyen de faire semblant de l'appliquer est de niveller. On pousse donc des eleves mediorcres a se coltiner des matieres qui ne leur serviront a rien (Alors que ces personnes devraient deja etre dans la pratique.) et d'excellents eleves a se complaire dans la mediocrite.

    Et donc en matiere d'education on devrait pratiquer l'elitisme. (Ce qui ne veut pas dire que nous eradiquons l'egalite des citoyens avant que je ne me fasse taper sur les doigts.)

    Et donc la question est la suivante, si deux "idiots" comme moi et Titus sont capables de structurer un raisonnement semblable et qui tienne la route, comment se fait il que nos politiques et leur armée de conseillers fassent l'inverse?

    J'ai bien ma petite idée.

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  4. Oh, l'explication est simplissime et connue de tous : la puissance des idées.

    Des idéologues motivés se sont faits un devoir de diffuser leurs idées anti-autoritaires en matière d'instruction (mais pas seulement). Pour diverses raisons, ils ont rencontré une opposition très faible, bien aidés par l'indifférence de ceux qui ne croyaient pas dans le pouvoir des idées et qui estimaient inutile de se battre.

    Pour renverser la situation maintenant, il faudrait une contre-offensive. Si les idées de ceux qui croient dans les bienfaits de l'autorité en matière d'instruction sont bien plus solides que celles des anti-autoritaires, en revanche, les traditionalistes n'ont pas ce corpus doctrinaire sur l'infiltration et sur la propagande qui a servi de guide aux anti-autoritaires.

    Autrement dit, les traditionalistes ont de meilleures idées, mais ils sont dépourvus de l'arsenal intellectuel leur permettant de les répandre.

    Bien sûr, les traditionalistes ont une alliée de poids : la réalité. Mais il ne faut pas trop compter dessus : il y a mille moyens de la mettre sur la touche.

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  5. Si nous en sommes là c'est aussi parce que pendant 30 ans la droite ne s'est pas sentie concernée par la question scolaire. Pas assez prestigieux ? pas assez payé ? peu importe. Le fait est que les gourous de l'iufm et les inspecteurs qui les suivent n'ont eu aucun mal à prendre le pouvoir puisqu'il n'ont pas eu d'opposants.

    Si tous ces champions du dogmatisme avaient eu des opposants, sil les enseignants de droite ou ceux de gauche qui ne sont pas dogmatiques avaient été soutenus les pros de l'égalitarisme n'auraient pas pris le contrôle de l'Education Nationale.

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  6. Evidemment on a longtemps considéré à droite que l'Ecole était un sujet secondaire. Pour moi la droite est tout aussi coupable. Elle a laissé faire par ignorance et désintérêt. Pourtant des enseignants qui ont tiré la sonnette d'alarme il y en a eu dès 1984 mais personne ne les a écouté. Maintenant on est foutus.

    Mais la droite ne peut pas s'exonérer de sa part de responsabilité. Homicide par négligence.

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