Un aspect de Nicolas Sarkozy me frappe et me terrifie : c'est un déraciné.
Il n'a pas de racines familiales. Une vraie famille, avec un père et une mère qui restent ensemble longtemps (à cause des gosses ou non), il ne sait pas ce que c'est, ni comme fils ni comme père.
Il n'a pas de racines sentimentales. Il voltige et papillonne.
Il n'a pas de racines culturelles. Sa déclaration fracassante sur La Princesse de Clèves, que lui ont reproché à l'excès les Tartuffes de gauche qui n'ont pas peu contribué à ce que de moins en moins de Français soient capables de lire ce roman, est révélatrice.
Il n'a pas de racines patriotiques. Certains Français d'origine immigrée s'attachent passionnément et charnellement à leur nouveau pays, ça n'est pas le cas de notre Président. Ca ne me semble pas un hasard qu'il se marie à une Espagnole puis à une Italienne, mais un signe parmi d'autres. On connaît la phrase qu'il aurait dite à Philippe de Villiers : «La France, ses paysages, ça te fait vibrer. Moi, ça me laisse froid.» Je ne sais si elle est vraie, mais qu'elle soit vraisemblable est déjà inquiétant.
En temps ordinaires, avoir un Président apatride serait déjà incongru. En situation de crise, c'est terrifiant.
Pas d'accord. Ce n'est pas de sa faute si son père était quelque peu absent. La "Princesse de Clèves" l'ennuie. Bon, il n'est pas le seul. En déduire qu'il n'"a pas de racines culturelles", ça n'est pas lancer le bouchon un peu loin, non ? La littérature l'emmerde, c'est le seul ? C'est un Français de Paris, et certains parmi les Français de Paris (et même d'autres villes) se morfondent devant les paysages de notre beau pays. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Il "papillonne". Pas Giscard, pas Mitterrand, pas Chirac, bien sûr, austères époux confits dans les sobres joies matrimoniales. J'ajoute qu'il ne boit pas une goutte d'alcool. Bon, c'est anti-français si on veut. Mais chacun fait comme il l'entend, non ? Il ne sort pas d'une grande école, contrairement à quatre sur cinq de ses prédécesseurs. Il ne rentre pas dans la catégorie canonique, même pour ce qui est de la rhétorique, celle de ses cinq prédécesseurs, qu'on peut trouver un peu compassée. Pour faire bonne mesure, c'est le plus petit des six présidents de la Vème, et il y a 10000 sites internet qui trouvent moyen de lui reprocher.
RépondreSupprimerSarkozy n'est en rien un "Président apatride", flottant, mouvant, amorphe.
PS - Raymond Barre, né à la Réunion, était marié à une Hongroise.
Je pense que vous faites erreur : ces traits dispersés chez les autres sont rassemblés chez Nicolas Sarkozy.
RépondreSupprimerJe pense, justement qu'il est un «"Président apatride", flottant, mouvant, amorphe.»
Il faut arrêter un peu avec la Princesse de Clèves. La critique de Sarkozy était parfaitement justifiée et on trahit sa signification.
RépondreSupprimerSarkozy a critiqué le contenu des concours de la fonction publique. Il n'a critiqué ni la Princesse de Clèves, ni la littérature, ni la culture.
Le contenu de ces concours est à la fois totalement inadapté à la fonction et stupidement sélectif, puisqu'il y a bien trop de candidats.
Alors on le fait à la paresseuse, en gardant le concours qu'on aurait pu avoir il y a cinquante ans, parce que ça flatte une pognée de hauts fonctionnaires et des millions de Français, qui s'estiment beaucoup plus intelligents que George Bush sous prétexte que leurs récureurs de chiottes fonctionnarisés ont eu la Princesse de Clèves au concours.
Que Dieu nous préserve des cultivés et des intelligents.
Franck Boizard : J'ai bien saisi que votre analyse, qui a le mérite très clair de ne pas se contenter de "je ne peux pas encadrer ce type", mais cherche à comprendre, met l'accent sur l'association de traits dispersés vers les autres. Mais je persiste à penser que Sarkozy fait l'objet d'attaques excessives. Jusqu'ici il n'a pas beaucoup convaincu, mais un excès de critiques (Chirac, Mitterrand, n'ont pas été, je crois de grands présidents non plus) peut avoir comme conséquence une tendance à biaiser l'analyse en accumulant tous les traits jugés défavorables, en fonction de la tendance "qui veut noyer son chien l'accuse de la rage" (je peux l'observer chez moi aussi, c'est un processus mental banal).
RépondreSupprimerLe caractère "apatride" de Sarkozy, en particulier, ne me paraît pas du tout évident. En revanche, pour d'autres hommes politiques qu'on ne voit pas du tout comme apatrides, on pourrait faire l'analyse qu'ils ont recherché activement une dissolution de la France dans une Europe à "déficit démocratique" (on ne l'a avoué qu'après le vote négatif des Français contre la "constitution" européenne), et à marches forcées, et en méprisant le peuple : on a observé la même attitude dans d'autres pays. Van Rompuy nous dit actuellement que si l'euro éclate, l'Europe éclate. Ça n'est pas plausible, mais je crois qu'il croit cela sincèrement.
Robert Marchenoir : Vous avez raison. Sarkozy, si je me souviens bien, a déclaré que la PdC l'ennuyait, mais le fond de sa critique était ce que vous dites. Votre analyse sur les concours n'est pas fausse. Certains concours sont inadaptés, parce que l'obsession de la "culture générale", conçue de manière inadaptée, aboutit à des excès. C'est très intéressant de regarder historiquement la formation, les modes de recrutement, etc. Autrefois on assurait péremptoirement que, faute d'avoir ânonné le latin, il était impensable d'exercer tel et tel métier. Frédéric Bastiat a écrit des pages bien senties là-dessus : il remarquait à quel point ces études latines tendait (à cette époque) à faire admirer des comportements peu recommandables. Maintenant, le latin, c'est fini, mais d'autres erreurs de jugement persistent.
RépondreSupprimerPour ce qui est du caractère excessivement sélectif de ces concours, c'est un effet mécanique d'inadaptation offre / demande difficile à corriger. Ce qui est embêtant, c'est que des concours prévus pour le niveau n attirent maintenant des candidats de niveau n + 1, n + 2, parfois pas tellement motivés pour la fonction (et éventuellement aigris), et qui éliminent des candidats honorables mais sous-diplômés par rapport à eux, qui auraient rempli les fonctions de façon plus professionnelle. Mais il n'y a pas que des effets négatifs. Dans certains secteurs de la fonction publique, les jeunes recrutés sont parfois plus futés que les anciens, et subissent plus difficilement les ordres parfois absurdes de leurs chefs. A moins que ce comportement soit plus lié à une différence générationnelle qu'à une élévation du niveau d'instruction.
Dans le même ordre d'idées, certains, par exemple aux Etats-Unis, se posent sérieusement la question de savoir si on a pas dépassé l'optimum raisonnable et si la course aux études n'aboutit pas à une "bulle académique" (universitaire). Dans "The Academic Bubble", de Scott Locklin, je lis cette opinion : "Excessive university education is a status bauble [babiole], as certainly as a Prius, Third World vacation or a Whole Foods shopping expedition. It is a phenomenon of people grasping after social status, rather than economic status. Until the idea of someone having a masters degree in public policy or women's studies becomes ridiculous, this preposterous charade will continue.".
La Princesse de Clèves, encore. Je trouve un article dans Libération, "La Princesse de Clèves au Kärcher", 21 novembre 2006, par l'"écrivain et enseignante" Christine Lapostolle (elle est professeure d'histoire de l'art à l'Ecole des Beaux-Arts de Quimper). Au passage, la rhétorique amalgamante kärchérisante fonctionne à plein (le titre est peut-être de Libération plutôt que de Mme Apostolle). En googlant, on trouve facilement : "L'Afrique au Kärcher", "Retraites : Sarkozy veut nettoyer au Kärcher les contestataires", "Du karcher à la burqa : pourquoi Sarkozy est un danger pour la France", "Nettoyage au Karcher au sein du gouvernement Sarkozy".
RépondreSupprimerEn tout cas, voici ce que ça donne sous la plume de Mme Lapostolle : "Alors aujourd'hui, remettre en question l'intérêt d'enseigner Shakespeare ou la Princesse de Clèves à la jeunesse française, c'est-à-dire maghrébine, turque, portugaise, thaïlandaise, est un parti pris dégueulasse. C'est une offense pour l'humain, un renoncement grave." "Dégueulasse". "Offense pour l'humain". Voilà une enseignante qui manie le français avec un sens aigu de la nuance.
Mais il se trouve que l'article commençait ainsi : "Monsieur Sarkozy prétend qu'il n'y a aucun intérêt à faire lire la Princesse de Clèves à l'école. Ce sont du moins des propos que lui prête la bande dessinée la Face karchée de Sarkozy : «Meeting de Lyon. 23 février 2006. La princesse de Clèves ! Voilà ce que donne l'Education nationale pour épreuve d'examen ! Etonnez-vous que ça aille si mal. Si c'est ce qu'on enseigne à nos enfants.» Ces propos, peut-être déformés (1), sont plausibles.".
La rédaction de Libération, a honnêtement inséré une note en bas de page [je soupçonne aussi que c'est elle qui a ajouté "peut-être déformés" dans le corps de l'article], et la voici : "Ces propos ont d'abord été rapportés par le gaulliste souverainiste Paul-Marie Coûteaux dans la Lettre de la souveraineté. Selon le discours publié par l'UMP, Sarkozy aurait plutôt déclaré : "L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur la Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de la Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle». (Ndlr)".
C'est très intéressant de voir comment ça fonctionne si on veut avoir la peau de Sarkozy par tous les moyens. On cite ses propos d'après une BD polémique (!). Ses propos sont censés concerner des examens portant sur ce qu'on enseigne "à nos enfants". Il semblerait toutefois que Sarkozy avait parlé d'un concours de la fonction publique, et que ça ne concerne pas les enfants. Peu importe, cette "écrivain et enseignant" ne s'embarrasse pas de scrupules.
Curmudgeon :
RépondreSupprimerLa bulle acédémique : oui, très important. Personne n'en parle pour l'instant. Mais c'est flagrant. Insister pour que "x % d'une classe d'âge" ait tel diplôme est idiot.
Après, il faut importer des immigrés pour "construire la France" (en fait, ils la détruisent), et on produit des générations d'aigris qui "ont le diplôme", mais qui sont trop insignifiants pour décrocher l'un des rares postes à la hauteur de leur parchemin.
A Robert Marchenoir : Il y a un problème supplémentaire concernant l'enseignement. Une partie des bénéfices de l'enseignement n'est pas la formation qu'il donne, mais les effets de "signal" : si je sors du cursus X, ça laisse supposer que je suis plus malin, plus travailleur que la moyenne, que j'ai pris de bonnes habitudes, et ainsi de suite. Certains, comme l'économiste américain Bryan Caplan, qui écrit sur le blog econlog, va jusqu'à penser que l'effet signal est prépondérant. Une entreprise embauchera les anciens étudiants de la formation Z en se disant qu'elle connaît les caractéristiques du produit, et qu'elles sont constantes. J'ajouterai que, d emême que la formation peut être mauvaise, cet effet signal peut être plus ou moins illusoire. Et que, dans certains cas, la réputation fondée sur l'excellence selon le critère A fait croire, par généralisation abusive, que le produit est aussi excellent selon le critère B, alors qu'il ne l'est pas.
RépondreSupprimer@ Robert
RépondreSupprimerTordons le cou à une idée recue: idiot parce que pas de gauche !
Savez vous que George W Bush a été le plus diplomé de l'ensemble de tous les présidents des USA ?
La droite a renoncé à la culture pour se consacrer aux affaires (dans tous les sens du terme). Ca donne Sarkozy : un ignare bobo et bling-bling.
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