Dans Le Figaro :
Le Mediator, symbole des alertes ignorées.
L' année 2010 se clôt sur le drame sanitaire du Mediator, médicament dangereux, maintenu trente-trois ans sur le marché malgré les alertes ignorées par les experts et les autorités compétentes. Ces démissions en chaîne pourraient avoir causé près de 2000 décès. Or cette issue, rendue possible par la dissimulation d'une réalité, peut être comparée aux processus d'endormissement qui ont conduit aux désastres sociaux, éducatifs, culturels, produits par trente ans de politiques indifférentes aux résultats et aux mises en garde. Le syndrome du Mediator symbolise les défaillances de ceux qui avaient mission de protéger les gens.
Le rejet des élites, fil rouge de cette année, est le fruit de ces comportements. Durant des décennies, la France silencieuse a été l'objet de l'indifférence des puissants et de leurs conseillers. Ces jours-ci, les pouvoirs publics reprochent à Météo-France d'avoir sous-estimé les chutes de neige. Mais la gauche et la droite n'ont jamais tenu compte des avis des annonciateurs d'orages qui s'alarmaient d'une mondialisation non maîtrisée. Les bouleversements économiques et identitaires se soldent par les faillites de l'État providence et de la société multiculturelle. Or ces déclins étaient prévisibles.
Un procès en incompétence s'est ouvert, au sein du peuple, contre ses représentants et leurs partis. L'erreur pour 2011 serait d'y répondre par le mépris. Car ce populisme qui s'installe a des raisons de se plaindre du déclassement de la France, de la paupérisation de la classe moyenne, des tensions identitaires, du décrochage de l'Éducation nationale qui fait fuir les enseignants, du recul du sentiment d'appartenance chez de nouveaux compatriotes, etc. L'UMP et le PS doivent répondre à ces sujets, s'ils veulent faire barrage au FN.
La perte de confiance oblige les politiques à revenir vers les citoyens, à redécouvrir l'humilité de la démocratie, à abandonner les dogmes saugrenus. Mais ont-ils saisi l'enjeu? «La réalité est qu'il n'y a pas assez d'immigrés», assure le politologue libéral Dominique Reynié (Le Monde 19-20 décembre) en dépit du fiasco de l'intégration. Pour leur part, Christian Jacob et Jean-François Copé, responsables de la majorité, ont trouvé opportun, lundi, de s'opposer aux élus UMP qui voulaient une loi menaçant de prison les députés fraudeurs sur la réalité de leur patrimoine. Le syndrome du Mediator n'a pas fini ses ravages…
Accepter la réalité
Marine Le Pen va exploiter ce divorce, au nom des Français oubliés. Même si son parti n'est guère sérieux dans ses visions économiques à l'emporte-pièce, la vie quotidienne reste son meilleur allié. Il ne se passe plus de jour sans qu'un fait illustre la déculturation des déshérités, le viol de la laïcité par de nouveaux intégrismes, le glissement vers le grand banditisme de certaines cités. À Grenoble, lundi soir, une famille de La Villeneuve a été séquestrée et dévalisée à son domicile par des jeunes encagoulés qui ont jeté le sapin de Noël à terre. Ces habitants expliquent vouloir quitter désormais, à leur tour, ce quartier jadis modèle, qui se ghettoïse par l'insécurité et la terreur qui y règnent.
Ces évidences sont niées par le discours conformiste, qui cite Marseille en exemple de «vivre ensemble» alors que la ville se déchire. Mais il devient absurde de persister dans ces fables, au prétexte de ne pas vouloir faire le jeu du FN. Les politiques, qui aimeraient ne voir dans ces désordres que des causes sociales pouvant se corriger par des prestations du même nom, sont contraints de se frotter aux élémentaires exercices de lucidité sur la difficulté que rencontre la France à se faire respecter, chez elle, de peuples étrangers à sa culture. Quand une enquête CSA assure que l'origine ethnique est le principal critère de discrimination au travail, elle passe sous silence le handicap essentiel que constitue, pour la «diversité», la méconnaissance ou le refus des codes sociaux.
Assises sur l'islamisation
Ce syndrome du Mediator, adepte de la tête dans le sable, peut être mortel pour les politiques. Sauront-ils, par exemple, corriger leur abandon face aux minorités ethnico-religieuses qui entendent négocier en permanence leurs relations avec la nation? «S'il n'y a pas un sursaut, nous allons vers une catastrophe et nous entrons dans une ère de barbarie», estimait plus généralement l'académicienne et helléniste, Jacqueline de Romilly, morte samedi à 97 ans. Mais il n'est déjà plus possible de s'inquiéter, comme elle le faisait, de «l'avenir de notre civilisation», sans être soupçonné, par la pensée automatique, de visées réactionnaires, extrémistes, racistes, xénophobes, islamophobes.
Ainsi, la quasi-totalité des médias a qualifié d'extrême droite les Assises sur l'islamisation, qui se sont déroulées samedi à Paris sous protection policière. Pourtant, rien n'était plus hétéroclite que cette assemblée de citoyens unis par le même souci de préserver la République laïque, une et indivisible, des incursions de l'islam politique. «Je rêve du jour où la France exportera sa laïcité au lieu de laisser les fondamentalistes importer leur salafisme, leur khomeynisme, leur évangélisme outre-Atlantique», écrit l'écrivain franco-iranienne Fariba Hachtroudi (Le Monde de vendredi). C'est à ce recul que se prêtent les belles âmes qui, y compris à l'UMP, diabolisent ceux qui sonnent le tocsin.
Soumission
Quand Libération, mercredi, défend les prières dans les rues, l'électorat de gauche peut s'estimer trahi par cette soumission à un culte. Une élimination du PS dès le premier tour [je n'y crois pas, mais sait-on jamais ?] de 2012 pourrait être le prix de cette capitulation si elle devait se confirmer.
Joyeux Noël et bonne année !
Bonsoir,
RépondreSupprimerMerci d'avoir relayé l'intégralité du texte d'Ivan Rioufol. Il est terrifiant de justesse et augure mal de l'avenir de ce pays.
Si l'état français était une compagnie aérienne, les analyses effectuées au vu des multiples incidents recensés dans ce pays (problèmes liés à la neige, multiples scandales révélés régulièrement, fiasco de l'équipe de France au Mondial d'Afrique du sud, etc... tous les secteurs sont touchés à des degrés divers) conduiraient à l'implacable conclusion que cette compagnie est en bien mauvais état et qu'elle souffre d'un grave problème de management et de gestion. Il y a péril en la demeure. Je souhaiterai partager votre optimisme quant au sursaut inhérent aux vieux peuples mais je vous avoue avoir du mal quand je regarde l'état de notre société. Quand l'élite dirigeante d'un pays brille plus par son aptitude à la concussion et à la prévarication qu'à la conduite effective d'un pays qui fut grand, le naufrage est la chose la plus prévisible. Pourtant, en cette période de voeux, je formule quand même celui que les années à venir voient enfin ce sursaut que Rioufol évoque afin que nous puissions laisser à nos enfants un héritage dont ils pourront être fiers.