Pourquoi personne ne raffole du Rafale
Eric Zemmour a raison : dans certains pays, notamment chez des clients traditionnels de la France, pas de commissions, pas de contrats. Ceux qui ont réussi à persuader les députés français de jouer les bons élèves et de voter l'interdiction des commissions ont filé une sacrée vérole à la France.
Comprenez bien l'enjeu. Il ne s'agit pas de faire plaisir à tel ou tel industriel. C'est une vision étriquée du problème.
La France n'a plus les moyens de financer son industrie d'armements. Sans exportations, cette industrie meurt. Si elle meurt, nous achetons américain (c'est déjà en cours pour les missiles antichars par exemple). Si nous achetons américain, l'armée française (et donc la France) perd le peu d'indépendance qui lui reste, car, qui contrôle l'armement contrôle la doctrine d'emploi, et, au final, les décisions. Parlez en aux autres pays européens qui sont prisonniers de l'OTAN.
Nous payons fort cher l'incompétence de nos politiciens. Lorsqu'une loi similaire a été proposée au Royaume-Uni, Tony Blair en personne en a empêché l'adoption.
Il existe à mon sens (cette opinion n'engage que moi) une autre raison à la mévente du Rafale à l'export : les Américains ont décidé qu'il ne s'exporterait pas. En effet, ils éliminent ainsi définitivement un véritable concurrent, car si le Rafale ne s'exporte pas, Dassault est fini en tant qu'avionneur de combat.
C'est pourquoi, chaque fois que le Rafale a la moindre chance, les Américains mettent le paquet pour le contrer, n'hésitant pas à vendre à perte (à perte, sur le court terme).
Face à cette offensive de bulldozer, les Français n'ont pas été intelligents : à force de délayages budgétaires, le Rafale a perdu son avance. Là encore, nous payons très cher l'incompétence et la vision court terme de nos politiciens. Impéritie favorisée par une vision court-termiste des industriels qui se sont organisés pour piquer tout de suite beaucoup d'argent à l'Etat français sans voir plus loin que le bout de leur nez.
Il y a aussi un atavisme français, malgré les beaux discours, à se tirer dans les pattes : l'avionneur aimerait bien manger sur le budget du missilier,le motoriste sur le budget de l'électronicien, etc. Sans compter deux articles dévastateurs : un général français qui descend en flammes le Rafale pour régler ses comptes en interne. Inutile de vous dire que les concurrents ont su diffuser l'article en question. Et un journaliste du Figaro, propriété de Dassault, qui révèle les achats de matériel israélien par Emiratis, principaux prospects du Rafale. Vu l'enjeu, ses comportements irresponsables méritent douze balles dans la peau.
Enfin, je sais bien qu'un haut fonctionnaire français est un pur génie qui sait tout faire et que les notions de compétence et d'expérience sont de basses considérations réservées aux manants, aux inférieurs. Mais, tout de même, quand on transforme du jour au lendemain, un préfet de police, Claude Guéant, en coordinateur des ventes d'armes, il ne faut pas s'étonner qu'il fasse (et dise) d'énormes conneries, c'est humain (merde, j'ai encore oublié que tous les locataires de nos palais étaient des surhommes).
Quand on est petit et faible, on a moins le droit aux erreurs. Or, nous les avons accumulées.
Bref, avec tous ces boulets aux pieds, l'étonnant serait que le Rafale s'exportât. Mais un miracle est toujours possible : pour autant qu'on peut le savoir, c'est un excellent avion.
J'ai connu un type dans le temps qui se vantait d'être le plus romantique et le plus galant des hommes de notre entourage. Ce comportement irréprochable, c'était sa "marque de fabrique", disait-il, sa french touch.
RépondreSupprimerJe ne l'ai jamais vu accompagné.
De mémoire, il n'y a que dans Les Barbouzes que la France arrive à ses fins sans débourser un seul centime.
Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il faut passer l'éponge sur les magouilles qui régissent les relations entre politiques et complexe militaro-industriel, mais je trouve quand même bien dommage que nous ayons les mains liées dès le début des négociations.
Si l'intérêt national est de vendre des armes, des pointus et des trains et que le risque en est maîtrisé, laissons les appels d'offre se dérouler de façon naturelle et non de manière pipée dès le départ, puisque les négociateurs savent que la France part avec le handicap de la droiture érigée en tant que dogme.
Le système judiciaire et la presse que le monde nous envie joueront a posteriori leur rôle, comme ils l'ont souvent fait sous la Vième; ça me paraît par ailleurs plus sain, dans la mesure où je préfère que l'infraction soit commise avant l'éventuelle condamnation plutôt que de tout interdire d'emblée.
Appels d'offre d'autant plus pipés que les gars d'en face savent à l'avance que le seul moyen pour la France de les remporter est de diminuer la valeur faciale de ses produits, quand d'autres pourraient maintenir une valeur faciale plus élevée mais garantir des à-côtés.
RépondreSupprimerEt puis, tout les autres acheteurs potentiels observent tout ça de près...