Le Bloc-notes d'Ivan Rioufol
Mots clés : islam
Par Ivan Rioufol
17/02/2011 | Mise à jour : 19:19 Réagir
La droite bien élevée osera-t-elle aborder les sujets inconvenants? Si elle veut réduire la fracture civique qui voit le peuple dépité s'éloigner des partis, elle s'oblige à renouer avec une politique qui s'adresse aux gens. Or ceux-là ne parlent pas le politiquement correct. Ils répètent notamment, sondages à l'appui, que l'islam et l'immigration, ces thèmes que les bonnes manières rejettent, sont des problèmes pour une nation quand elle se désintéresse d'elle-même. Le réveil des peuples d'Europe, ces mal embouchés, ne peut plus être ignoré des dirigeants en mal de légitimité. La clef de leur survie les invite à écouter ces nouveaux résistants. Nicolas Sarkozy est-il prêt à suivre ce populisme qu'il méprise?
Une perceptible dynamique rejoint ces malotrus. À preuve: les belles âmes, qui moralisent depuis trente ans, perdent de leur arrogance. Il y a peu, elles n'auraient pas laissé passer la déclaration du président, jeudi soir sur TF1, reconnaissant «l'échec» du multiculturalisme et la question que pose «l'islam et nos compatriotes musulmans». Cette critique, déjà ouverte en Allemagne et en Grande-Bretagne, s'adresse, en effet, aux minorités protégées qui montrent parfois leur refus de s'intégrer à la communauté nationale dont elles ont obtenu la nationalité. Or les parrains «antiracistes» sont restés muets.
Il est vrai que le bilan est lourd, pour ceux-là qui n'ont eu de cesse d'en appeler à la diversité, à la non-discrimination, à l'autoflagellation d'une France raciste et islamophobe. Alors que le multiculturalisme était étranger aux traditions assimilatrices de la nation indivisible, qui a malmené ses propres particularismes provinciaux, il est devenu l'excuse des repliements dans des cités et le tuteur de l'islam politique. Ce dernier défend, pour l'Europe, ce système de cohabitation égalitaire des cultures, qu'il refuse sur les inviolables terres musulmanes. Qui est grugé?
En fait, le Camp du Bien, qui tétanise les politiques depuis trente ans, multiplie les signes de faiblesse. Démenti par les faits, il se raccroche à l'autopersuasion, à la diabolisation et au déni. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon s'autoproclame vainqueur d'un débat contre Marine Le Pen, lundi, après l'avoir comparée à Dracula et assuré qu'il n'y avait de problèmes ni avec l'immigration ni avec l'islam. La gauche raisonne semblablement, en s'abritant derrière les chercheurs en sciences sociales qui persistent à prendre leurs désirs pour les réalités. «La conjoncture politique est hautement favorable à la gauche», écrit l'un d'eux, Michel Wieviorka (Pour la prochaine gauche, Robert Laffont). Qu'en pense le peuple?
Défaite de la pensée
Le terrain est d'autant plus favorable aux débats défendus que la gauche doctrinaire se condamne à en demeurer à l'écart. Y compris quand elle se réclame du populisme comme Mélenchon, entravé par un relativisme absurde qui lui fait mettre en équivalence l'intégrisme islamique, et donc le djihad et sa violence, et l'intégrisme catholique de Saint-Nicolas du Chardonnet. Le PS pressent-il sa faiblesse en restant sourd aux préoccupations indicibles des citoyens? En qualifiant de «relents moisis» les propos de Christian Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée, sur Dominique Strauss-Kahn (il ne serait pas «l'image de la France, l'image de la France rurale, l'image de la France des terroirs et des territoires, celle à laquelle je suis attaché»), les socialistes tentent de disqualifier toute approche affective de la nation, y décelant pétainisme et antisémitisme. Mais ils feraient mieux de traquer ce dernier-là où il existe, singulièrement dans l'extrême gauche qui flatte l'électorat «antisioniste».
Ces intimidations des donneurs de leçon, qui n'ont pas de réponses aux réactions protectrices des gens, sont des diversions. La droite coincée serait bien avisée de comprendre que le vent tourne. Les outrances sporadiques des faux gentils signent la défaite de leur pensée. Cette semaine, le chef de l'État a confirmé vouloir lancer des débats sur le multiculturalisme et l'islam et entrer, cette fois, dans le concret. La logique voudrait, dès lors, qu'il s'interroge notamment sur la pertinence de l'accès automatique à la nationalité (droit du sol) pour ceux qui rejettent la culture française. Mais les jeunes Tunisiens qui submergent actuellement l'île italienne de Lampedusa et qui disent vouloir rejoindre la France forcent aussi à repenser l'immigration de peuplement dans une Europe aboulique. Rétablir les frontières? Il ne peut plus y avoir de questions interdites.
Les Frères musulmans, ces agneaux
Il est d'ailleurs permis de s'étonner de ces Tunisiens qui fuient leur pays pourtant délivré d'un despote. Cette contradiction n'est cependant pas suffisante pour douter de l'aspiration de la rue arabe à la démocratie: il y a une sincérité parmi ces foules qui réclament la liberté. Cet appétit est incontestable chez les Iraniens qui tentent, après leur échec de l'été 2009, de repartir à l'assaut de la dictature islamique. Qu'un islam modernisé sorte de ces événements serait une formidable nouvelle. Encore faut-il ne pas se laisser abuser par ces commentateurs qui soutiennent que l'islamisme et les Frères musulmans seraient déjà devenus des agneaux prêts à abandonner la charia pour la démocratie. Devant la grande synagogue de Tunis, des radicaux ont scandé: «Allez les Juifs, l'armée de Mohammed est de retour.» C'est cet islam politique agressif qui, en Europe, est rejeté par les peuples, et non, bien sûr, les musulmans qui pratiquent leur foi dans l'intimité. Cela va sans dire, et apparemment mieux en le disant.
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