Par le sang versé est le chef d'oeuvre de Paul Bonnecarrère, même si j'aime beaucoup Qui ose vaincra.
Le titre fait bien entendu allusion à la possibilité pour les légionnaires de devenir français «par le sang versé». A cette époque pas si lointaine, on n'hésitait pas à dire qu'on devenait français «par le sang reçu ou par le sang versé».
Le sous-titre est trompeur : ce livre ne s'intéresse qu'à une partie de la Légion, dans une période restreinte, les débuts de la guerre d'Indochine. Il est centré sur les aventures du légendaire capitaine Matteï.
On y voit que, comme d'habitude, le sang des hommes versé à profusion compense la bêtise, la lâcheté et l'incompétence des généraux (une blague courait dans la troupe : «dans n'importe quelle situation, il y a toujours deux stratégies possibles : la bonne et celle de l'Etat-Major»). Par exemple, lors de cet épisode écoeurant où les légionnaires sont envoyés faire les démineurs belges : avec une masse, ils tapent régulièrement sur les rails d'une voie ferrée piégée par les Viets. 42 morts.
On y croise des personnages, : un ministre de Vichy condamné à mort par contumace, qui s'engage à 52 ans comme sergent et rédige ses rapports en latin, un ancien médecin de la Wehrmacht, un ancien as de la Luftwaffe, un Polonais qui ne dessoule pas, ou encore ce curé qui fait la tournée des popotes avec les prostitués («Vous voulez baiser avant ou après la messe ?») etc. Mais le plus frappant est Mattei : comme les grands artistes ont une période de fécondité exceptionnelle de quelques années , lui fut un grand guerrier pendant la guerre d'Indochine.
A la fin de la tragédie de la RC4, désastre comme il en est peu dans l'histoire de France (j'y reviendrai), Mattei fait bombarder un de ses propres blockhaus (qu'il avait eu l'idée de faire renforcer au préalable) pendant douze heures, empêchant les Viets de s'en approcher et maintenant la RC4 ouverte. Il sauve ainsi ce qui pouvait encore être sauvé.
Un grand livre d'aventure.
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