Je publie cet article du Monde pour deux raisons. La première est que je l'ai trouvé drôle.
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Sortir du bio !
A la suite de la catastrophe de Basse-Saxe, créons, sur le modèle admirable de Sortir du nucléaire, une association intitulée : "Sortir du bio". Les raisons d'y adhérer, amis écologistes, sont fortes et nombreuses.
Tout d'abord, le bio tue. La fameuse bactérie ECEH, sortie des serres de Gärtnerof a déjà fait plus de trente victimes. Cette catastrophe est d'autant plus significative – et inquiétante – qu'elle survient en Allemagne. L'Allemagne est l'un des pays les plus prudents du monde (qui prévoit jusqu'au cas d'un tsunami en Bavière), connu pour sa propreté méticuleuse, et le pays où les Verts sont le plus étroitement associés au pouvoir.
La vérité est que le bio foule aux pieds le principe de précaution : personne ne peut démontrer que les produits bio sont toujours et en tous lieux absolument sans danger pour l'homme et, ce qui est plus grave encore, pour la nature. A Gärnerof, ils sont fabriqués dans des serres chauffées au gaz ou au charbon qui rejettent de grandes quantités de CO2, notre ennemi no1. Il faut donc les interdire en France, comme on vient d'interdire l'exploitation des gaz de schiste.
Ensuite, le bio coûte cher. Toutes les études le montrent, les produits bio sont vendus à un prix environ 30 % plus élevé que les produits agricoles ordinaires. Leur achat signe et signale l'appartenance aux couches supérieures de la société. De plus, ces produits sont souvent fabriqués et vendus par des groupes capitalistes qui réalisent des profits et paient des dividendes injustifiés. Le bio s'appuie ainsi sur les structures de classe, et les renforce. Il est proprement réactionnaire. C'est une autre bonne raison de le mettre hors-la-loi.
Troisièmement, le bio affame les peuples déshérités. Les denrées bio produites et consommées en Europe se substituent souvent à des denrées agricoles importées d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie. Plus les bourgeois européens consomment de produits bio, moins les paysans pauvres du tiers-monde produisent et vendent. L'achat de produits bio casse donc leur maigre gagne-pain, les enfonce dans la misère. Il creuse encore le fossé causé par le FMI et l'impérialisme américain entre peuples du Nord et peuples du Sud. Tous ceux qui s'indignent avec Stephane Hessel de ce fossé et qui militent pour le combler voudront avec nous sortir du bio.
Rejoignez notre association. Si vous venez assez nombreux, je pourrai me salarier en tant que président, me présenter à une primaire écologiste, me porter candidat à l'élection présidentielle, et faire ainsi enfin sortir la France, puis l'Europe, du bio – en même temps que du nucléaire.
Rémy Prud'homme, professeur des universités
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La deuxième raison pour laquelle j'ai publié cet article est que son ironie permet de critiquer à la fois l'association Sortir du nucléaire, qu'il parodie, et les sectateurs du bio. Or, 90 % des commentateurs du Monde ont ignoré, malgré un premier paragraphe explicite, cette dimension parodique. Pas vous, cher lecteur, n'est-ce pas ?
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