Dans ces deux articles d'Atlantico, vous trouverez mon analyse habituelle :
1) Les enseignants font leur propre malheur.
2) La fuite vers le privé devrait être un signal d'alerte. Mais, comme l'Education Nazionale est verrouillée idéologiquement, aucune réalité ne pénètre sa cuirasse de certitudes.
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Les syndicats enseignants sont responsables de la paupérisation des professeurs
Grève des professeurs ce mardi pour protester notamment contre les suppressions de postes au sein de l'Éducation nationale. L'occasion pour le Président de l'UNI, Olivier Vial, de remettre en cause le rôle joué par les syndicats d'enseignants.
Dans un monde qui évolue de plus en plus vite, il est rassurant de savoir que certaines choses n'évolueront jamais, à l'image des syndicats de l'Éducation nationale. Depuis des décénies, leurs mots d'ordres restent les mêmes : plus de postes et défense du sacro-saint statut de la fonction publique.
Ce n'est pourtant pas cela qui permettra d'améliorer notre système scolaire ou le sort des enseignants. La dernière enquête de l'OCDE a d'ailleurs rappelé que l’amélioration des résultats des élèves n’est pas corrélée à la seule hausse des moyens et encore moins à celle du nombre de postes. Si la France dépense beaucoup plus pour ses lycéens (12 087 USD en 2008) que la Finlande (7 461 USD) [1], et qu'elle dispose également d'un taux d'encadrement beaucoup plus élevé [2], les résultats de ses élèves n'en sont pas meilleurs pour autant - et ils sont parfois pires.
Des syndicats responsables de la paupérisations du métier d'enseignant ?
De façon cynique, on comprend bien où se situe l'intérêt des syndicats dont le pouvoir est directement proportionnel au poids relatif du corps enseignant dans le reste de la société. En faisant ce calcul, ils ont toujours exigé des créations de postes plutôt que des hausses de salaires, entrainant ainsi une relative paupérisation du monde enseignant. La politique menée depuis un an pour revaloriser les débuts de carrière et permettre aux enseignants de se partager 1,5 milliard d'euros grâce aux heures supplémentaires s'est faite quasiment contre eux. Le pouvoir d'achat des enseignants n'était pas la priorité syndicale.
Cette paupérisation est, en partie, responsable de la crise des vocations qui touche l'éducation et nuit à la qualité future du recrutement des enseignants et donc à la qualité de l'enseignement. "Un candidat au CAPES de lettres modernes a ainsi deux fois plus de chance aujourd'hui qu'il y a dix ans de décrocher un titre de certifié […] En 1999, le rapport présents/postes offerts était de l'ordre de 17,5 %. En 2005, il est passé à 37,17 %. Entre temps la moyenne du dernier admissible est passée de 8/20 à 6,25/20."[3] En 2010, les premiers résultats d'admissibilité des Capes externes ont confirmé cette tendance. Dans certaines disciplines, le nombre d'admissibles fut même inférieur au nombre de postes ouverts [4].
Prendre en compte le mérite des enseignants
Le second mot d'orde des syndicats n'est pas moins cynique. En s'opposant à toute prise en compte du mérite des enseignants pour leur évolution de carrière ou leur rémunération, au prétexte de défendre le statut de la fonction publique, les syndicats font des enseignants "leurs obligés". Qu'il soit exemplaire ou "tire au flanc", un professeur sera traité quasiment de la même façon. Dès lors, son salut et surtout ses espoirs de hausse de son pouvoir d'achat ne viendront que d'une action collective et syndicale aboutissant, par exemple, à une évolution de la grille d'indice. Dans son dernier essai, Chantal Delsol dénonce cet état d'esprit. " le mépris du mérite individuel, une fois le concours réussi, mépris qui a pour cause l'égalitarisme, engendre des mentalités bien particulières. Comme rien ne peut, dans le cadre du travail, se conquérir par soi-même, par son propre effort ou résultat [..] Nous entrons dans le monde de la supplication et, à l'extrême, de la révolte."[5] Un monde ou les syndicats sont rois.
En soutenant aujourd'hui les mots d'ordres syndicaux, les enseignants grévistes continuent à tisser les liens avec lesquels les syndicats les entravent. Il est temps, pour eux, de couper ces liens pour s'affranchir de la tutelle des syndicats.
[1] La dépense moyenne pour un lycéen dans les pays de l'OCDE est de 9396 USD
[2] Le taux d'encadrement qui correspond au nombre d'élève par enseignant s'élève à 9,5 en France, pour 16,2 en Finlande et 13,6 pour la moyenne OCDE.
[3] Claire Mazeron, Autopsie du Mamouth, éditions Jean Claude Gawsewitch, 2010
[4] En éducation musicale, 120 postes ont été ouverts, mais il n'y a eu que 114 candidats admissibles aux épreuves orales ; de même en lettres classiques, seulement 103 candidats ont réussi la première partie du concours pour 185 postes ouverts.
[5] Chantal Delsol, La détresse du petit pierre qui ne sait pas lire, éditions Plon, 2011
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L’Éducation nationale devrait se questionner sur la fuite de ses "usagers" vers le privé
Grève des syndicats d'enseignants ce mardi. Fait rare, public et privé défileront sous la même bannière. Reste que les mauvais résultats de l'Éducation nationale publique conduisent de plus en plus de Français à se tourner vers le privé. Explications.
Lorsqu’une entreprise n’offre plus à ses consommateurs des services de qualité, ils la fuient. Dans une économie concurrentielle, cela conduit l’entité en question à se réformer, ou à disparaitre. Lorsqu’elle détient en outre un quasi-monopole, des concurrents apparaissent, pour la contester et lui prendre des parts de marché. Et si les clients sont captifs, il y a fort à parier qu’un marché noir, autour de l’activité monopolisée, se développera, pour compenser ses déficiences. L’Éducation nationale est aujourd’hui dans cette situation : en quasi-monopole, à l’efficience douteuse, elle connait une fuite de ses usagers vers le privé.
La course vers le privé
Dire que les performances de l’Éducation Nationale sont mauvaises, par rapport à nos partenaires européens ou de l’OCDE, ce n’est que répéter une vérité assénée par les rapports PISA de l’OCDE, la Cour des comptes et l’Institut Montaigne.
Ces mauvais résultats expliquent probablement le succès des établissements privés. Chaque année, des familles s’y pressent, certaines essuyant parfois des refus, faute de place. Ainsi, les effectifs du secondaire catholique ne cessent de croitre, notamment dans les académies franciliennes. Ce que les parents recherchent, à en croire un sondage CSA de 2009, c’est la qualité, la prise en charge individualisée, la dimension éducative … à tel point que 56 % des Français souhaiteraient y inscrire leurs enfants. Au total, presque 9 Français sur 10 plébiscitent l’existence d’un secteur privé d’enseignement ! Tous les élèves qui y entrent ne sont d’ailleurs pas chrétiens : l’an dernier, l’enseignement catholique a même publié un guide, « musulmans en école catholiques ». La demande est si forte que, dans certains endroits, des établissements catholiques ou musulmans hors contrat se multiplient [1].
A côté de cela, les sociétés de cours particuliers font fortune – y compris, et c’est nouveau, sur Internet. Leurs effectifs croissent (+25 % chez Acadomia en cette rentrée 2011), pour un marché total qui représente de 1 à 2,2 milliards d’euros selon les estimations – et dont 80 % relèverait du marché noir[2]. Dans le même secteur, il faudrait aussi citer les nombreuses associations qui viennent pallier les défaillances de l’État.
Un mouvement qui s’accélèrera faute de réformes
Des voix dénoncent le désengagement de l’État. Pourtant, le budget de l’Éducation nationale est son premier poste de dépense ! Quand bien même ce ministère manquerait réellement de moyens, la crise de la dette actuelle devrait obliger à trouver les ressources ailleurs dans les dépenses publiques existantes… or personne n’en a le courage. Le socialiste Didier Migaud – qu’on ne soupçonnera pas d’être un « ultra-libéral » vendu au forces capitalistes - l’a dit assez clairement : « la solution aux difficultés du système scolaire ne se trouve pas selon la Cour dans un accroissement des moyens financiers et humains qui lui sont consacrés ».
La réalité est que ce que montrent les études citées plus haut, ce n’est pas que la France ne fait pas assez, c’est qu’elle fait mal. Didier Migaud, toujours, l’a fort bien résumé : « nos difficultés ne viennent donc pas des moyens financiers disponibles, mais bien de l’inadaptation du système éducatif ».
Les libéraux ou les ennemis de « la laïque » se réjouiraient peut être si cette situation n’était pas profondément scandaleuse. Car, en plus d’être inefficace, le système actuel est profondément inégalitaire : évidemment, ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui peuvent fuir vers le privé, ou y faire appel pour des cours de soutien. Le modèle scolaire français, rigide et figé, fabrique des inégalités à la pelle. Par ce qu’elle est incapable de changer pour permettre la réussite de tous, l’Éducation nationale ne permet qu’aux plus favorisés de s’en sortir : elle reproduit des castes d’élites, de génération en génération, loin de l’idéal républicain qu’elle est sensée incarner.
Il y a fort à parier qu’en l’absence de réformes d’ampleur, les parents continueront, par réalisme résigné ou par choix, à fuir un système qui compromet l’avenir de leurs enfants. Le secteur privé a donc de beaux jours devant lui...
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[1] Voir cet article de Nord Eclair sur des écoles primaires catholiques dans le Pas de Calais ou cet article du Parisien sur une école musulmane à Creil.
[2] Les Echos, 19 août 2011 ; AFP, 3 septembre 2001 ; L’Humanité, 5 septembre 2011.
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