La Chine sauve l’euro…
Qui était censé nous protéger de la Chine…
Publié le 27 octobre 2011 à 14:00 dans Causeur
David Desgouilles est attaché d'administration
Vous souvenez-vous du film Le Pont de la rivière Kwaï ? Il était une fois un colonel, Nicholson. Le Colonel Nicholson était le plus gradé d’un camp de prisonniers et, pour occuper ses hommes et leur permettre de rester dignes, il se laissa convaincre de construire un pont sur la rivière Kwaï. Il en était très fier, de son pont. Mais ce dernier était dangereux, d’un point de vue stratégique pour ses compatriotes anglais et lorsque qu’ils vinrent le détruire, Nicholson tenta de s’interposer. Le pont était devenu le but en soi (1).
En acceptant que la Chine vienne aider financièrement au sauvetage de l’euro, les dirigeants européens semblent donc bien atteints du syndrome du Colonel Nicholson. L’euro, notre pont de la rivière Kwaï moderne, était présenté comme l’instrument de puissance permettant de peser face aux autres géants, au premier rang desquels la Chine. Combien de fois nous a t-on asséné : « avec ses petits bras et ses petits francs, comment ferait la France ? ». Escroquerie désormais prouvée aux yeux de tous. La Chine est tellement heureuse de l’existence de l’euro, et notamment de la sous-évaluation du yuan par rapport à lui, qu’elle vient, sans hésiter, à son secours.
Nicolas Sarkozy, qui doit s’entretenir avec le président Hu-Jin-Tao aujourd’hui au téléphone, aura à répondre, avec tous ses « partenaires », de haute-trahison. Noëlle Lenoir, ancienne ministre des affaires européennes de Jacques Chirac, et qui ne passe pas pour une souverainiste échevelée, écrivait ce matin sur twitter : « Fonds chinois pour l’Europe. Le début de la colonisation de l’Europe par la Chine a-t-il commencé ? Et la fin de son indépendance politique. » Comment peser dans une négociation commerciale, désormais ? Comment protester du fait que la monnaie chinoise soit inconvertible et sous-évaluée ?
Envolées, les possibilités de protection aux frontières européennes, la démondialisation de Montebourg, le juste-échange du PS, et la fameuse taxe carbone aux frontières européennes, que le Président souhaitait lui-même mettre en place. Imaginer que le PC chinois apporte son aide sans contrepartie tient davantage de l’esprit de Oui-Oui chauffeur de taxi que de la haute géopolitique. Cette trahison est double : non seulement les dirigeants européens actuels se lient eux-mêmes les mains, mais ils lient par avance celles de leurs successeurs.
Eux n’ont pas l’excuse du Colonel Nicholson. Eux ne travaillent pas dans un camp de prisonniers. C’est en toute liberté qu’ils ont choisi de sacrifier la liberté de leurs peuples au sauvetage de leur pont de la rivière Kwaï.
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(1) Je dois cette image et cette formule à Philippe Séguin qui l’employa à propos de Pierre Bérégovoy et son obsession de l’accrochage du franc au mark, qui n’était d’ailleurs que la préfiguration de la monnaie unique.
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