Je me suis amusé à vous copier trois articles sur le maternalisme. L'idéal de notre société n'est plus la mère, c'est la maman (et le «papa», maman-bis). Je ricane chaque fois que je vois un «papa» porter son gnard sur le ventre, pour compenser le fait de n'avoir pu être enceinte. Evidemment, je trouve cela grotesque.
Les femmes ont les hommes qu'elles méritent, puisque ce sont elles, comme mères et comme femmes, qui les font. On en connaît les conséquences pour notre société : suicide démographique, naufrage éducatif, anarchie à l'intérieur, faiblesse à l'extérieur.
Bien sûr, tout cela a un rapport évident avec la société de consommation : vous ne convaincrez pas un homme qui pense que l'action consiste à parvenir le premier en haut de l'Everest ou à casser la gueule de tous ses petits copains dans la cour de récré que le shopping est un acte passionnant. Pour transformer votre homme en «consomm'acteur» (expression ridicule de pubeurs mais qui dit bien notre époque), il faut d'abord l'avoir escouillé.
On a organisé une réserve d'hommes virils, cette espèce en voie de disparition. On appelle cela l'armée de métier. Mais sa féminisation prouve qu'elle est aussi en danger. On n'imagine pas des femmes aux Thermopyles, ou chargeant bayonnette au canon au cri de «Vive l'Empereur !», ou au bois des Caures (9/10 de pertes en une matinée). La féminisation de l'armée française montre qu'elle n'est déjà plus faite pour la guerre. Ce n'est pas un hasard si les rares unités d'élite encore guerrières sont très peu féminisées.
On peut trouver une explication à cette maternalisation : en notre époque de bombe atomique, l'agressivité virile est devenue trop dangereuse.
Cependant, l'être humain étant ce qu'il est, il y aura toujours des hommes virils, africains, chinois ou européens retrouvant leurs racines, pour partir à la conquête de ceux qui ne le sont pas. C'est pourquoi notre société est condamnée.
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Mais où est passée la virilité ?
Par Patrice De Méritens pour le Figaro Magazine- le 15/10/2011
«Après le triomphe de la virilité au XIXe siècle, une crise s'est peu à peu manifestée, laquelle se prolonge de nos jours», observe l'historien Alain Corbin qui publie Les Héros de l'histoire de France expliqués à mon fils et dirige la publication de Histoire de la virilité . «Mais ce délitement n'est pas venu de soi-même, ce fut une volonté idéologique pour imposer une dévirilisation doublée de féminisation», lui répond Eric Zemmour , auteur du Premier Sexe .
Eric Zemmour est journaliste au Figaro, chroniqueur et écrivain.
Sans l'effacement, pour ne pas dire la mort de la virilité, auriez-vous eu l'idée d'en écrire l'histoire?
Alain Corbin - Il était temps effectivement de faire le point. Ce qui m'a intéressé, c'est la profondeur historique doublée de cette ambiguïté qui fait que la virilité est un accomplissement reconnu à travers les âges en même temps qu'un fardeau. Ceux qui ont laissé des journaux intimes, des agendas, de l'écriture de soi durant le XIXe siècle ont toujours eu des interrogations dans ce domaine. L'inquiétude est consubstantielle à la sexualité. Après le triomphe de la virilité au XIXe siècle, une crise s'est peu à peu manifestée, laquelle se prolonge de nos jours...
Eric Zemmour - Être à la hauteur du plaisir des femmes, se comparer aux autres, ne pas connaître de défaillance d'érection, tel est le fardeau existentiel de la virilité depuis toujours, qui explique l'angoisse des hommes. Mais il y a un deuxième fardeau: la mort, pour protéger la femme et les enfants. C'est là que le passage du XIXe au XXe siècle est passionnant: au corps dressé, splendidement vêtu, des batailles napoléoniennes et à la fierté de trouver la mort, s'oppose le corps couché de 1914, l'humiliation des hommes aplatis comme des rats dans la boue des tranchées. La crise de la virilité vient notamment de cet épisode historique. Le fardeau devient trop lourd. L'homme y renonce. Dès lors, tout s'enchaîne: les victoires féministes, l'idéologie de 1968 puis post-soixante-huitarde, avec les jeunes générations éduquées dans la persuasion que la virilité est le mal absolu - sans mauvais jeu de mots.
Alain Corbin - J'introduirai des éléments d'historicité dans vos propos, aussi bien en ce qui concerne l'angoisse de l'érection que l'attitude face à la mort. Dans l'écriture de soi autant que dans le roman, le fiasco - c'est-à-dire la panne sexuelle - est resté longtemps objet de moquerie et d'autodérision sans être considéré comme un véritable drame. Evidemment, au XVIIe siècle, en cas de carence permanente, cela pouvait amener l'individu à comparaître devant le tribunal de l'impuissance et à le faire condamner pour avoir attenté à l'institution du mariage et avoir dupé son épouse, s'il n'était pas capable de l'honorer. Mais ce sont là des cas extrêmes. Ce n'est qu'à partir du début du XIXe siècle, reportons-nous à Astolphe de Custine ou à Stendhal, qu'avec la montée d'un certain romantisme le fiasco répété est devenu un destin tragique: le destin de celui qui se persuadait d'être impuissant au point de ne plus même tenter d'«affronter» le coït.
Eric Zemmour - Le XVIIIe siècle prend en effet tout avec distance, ironie, et surtout avec cette langue magnifique qui fait que les pannes de Valmont lui-même ne peuvent avoir été que brillantes - au moins ont-elles été vécues avec esprit. Le XIXe siècle est plus grave, qui observe que de la passion surgit le fiasco. Dans De l'amour, Stendhal décrit cette contradiction chez l'homme entre l'amour et le désir, qui meurtrit tant les femmes. Lorsqu'il y a trop d'amour, le désir s'évanouit : «Plus on aime, moins on fout», observait plaisamment Alfred Delvau. C'est une constante masculine.
Alain Corbin - Deuxième point: la mort. Les cliniciens français du XIXe siècle sont persuadés qu'au moment de l'éjaculation, l'homme abrège sa vie. Il y a donc un rapport immédiat et fort entre Eros et Thanatos. Et la femme est dangereuse qui, par ses excès, peut tuer son partenaire, telle une mante religieuse. Reste l'angoisse suscitée par la capacité ou non de regarder la mort en face. Le défi, tel est le mot clef. La conscience d'un manque éventuel de virilité s'opère alors autour de cette double interrogation: suis-je à la hauteur dans le défi comme dans la guerre? L'expression comme la vocation de la virilité est d'assurer sa domination sur l'ennemi ou sur le colonisé: le bizutage du bleu appartient à la «technologie des endurcissements», pour reprendre une formule de Michel Foucault ; de même que les apprentissages du code de virilité comme, par exemple, la résistance au froid. Michelet s'est fort bien décrit dans sa jeunesse, écrasant ses engelures dans son pensionnat...`
Eric Zemmour - Dans cette même perspective, Stendhal affirme sans sourciller que ceux qui étaient morts durant la retraite de Russie n'étaient que des faibles qui avaient renoncé à vivre.
Alain Corbin - Plus s'approfondit le dimorphisme sexuel, plus l'homme est destiné à la mêlée sociale. C'est pourquoi, revenant à son foyer, il doit être accueilli, dorloté, d'où l'importance de la sphère privée, à laquelle répond en miroir l'extrême proli fération des lieux typiquement masculins de l'entre-soi au XIXe siècle: pensionnats, casernes, salles de garde, bordels, cercles. Jusque dans les salons des soirées mondaines où, à l'écart des femmes, on se retire au fumoir. L'alliance du tabac et de la politique n'est pas qu'une habitude, c'est une culture. Toutes choses qui se sont délitées depuis.
Eric Zemmour - Elles ne se sont pas délitées d'elles-mêmes. En vérité, on a détruit tous les entre-soi pour imposer aux hommes la mixité obligatoire, laquelle a détruit l'acquisition de la culture virile. Ce fut une volonté délibérée, idéologique, pour imposer une dévirilisation doublée d'une féminisation, un projet politique porté par les progressistes, les féministes, autant de personnes ou de groupes d'intérêts décidés à abattre ce qu'ils nommaient le «stupide XIXe siècle». L'entreprise a parfaitement réussi.
Alain Corbin - Vous portez ici un jugement de valeur dont je me garderai.
Eric Zemmour - Pour autant, ce sont vos ouvrages qui me nourrissent! Et vous ne niez pas la violence de l'antithèse entre le XIXe et le XXe siècle. Dans un ouvrage consacré à l'érotisme durant la Seconde Guerre mondiale, Patrick Buisson montre très bien comment l'humiliation des soldats vaincus se transfère immédiatement sur un abaissement civil et sexuel: les Françaises se mettent à coucher avec les Allemands. C'est la France horizontale...
Alain Corbin - Ce qui n'a nullement empêché les prisonniers français de prendre une revanche sexuelle dans les fermes allemandes !
Eric Zemmour - Parce que les Allemandes y étaient seules! Mais chez nous, même les prostituées se refusaient à nos soldats, parce qu'ils étaient sans le sou. Avec le Reichsmark, les Allemands avaient fait grimper les prix, créant de l'inflation dans le marché de la prostitution. L'humiliation virile, dans la suite logique de la guerre, s'est d'ailleurs propagée à l'Allemagne. Une Allemande anonyme raconte dans son Journal comment, lors de la chute de Berlin en 1945, les Soviétiques ont violé systématiquement les femmes de 15 à 60 ans, en rétorsion des exactions sexuelles commises par la Wehrmacht en 1942. Elle explique comment elles ont été abandonnées par ceux qui devaient les protéger et assure que, dès lors, plus rien ne sera comme avant. Avec ses guerres meurtrières, ses corps couchés et non plus dressés, ses défaites successives prolongées avec la lutte des anciennes colonies pour leur indépendance, le XXe siècle est globalement celui de l'humiliation du mâle occidental. Entre les deux guerres, il y eut bien un projet de réaction face à ce renoncement, mais ce ne fut qu'une viri lité purement démonstrative, quasi parodique: celle du fascisme et du communisme.
Alain Corbin - Les preuves de virilité ont alors existé: songeons à celle qu'ont manifesté les soldats alliés et allemands au cours de terrible combats. Vous minimisez...
Eric Zemmour - Non ! Je n'évoque pas ici les combats, mais les parades et postures de l'entre-deux guerres, repérant seulement que la crise a entraîné en réaction une virilité exacerbée. Au reste, les affrontements entre bandes de supporters auxquels on assiste dans notre société actuelle sont révélateurs de la pérennité de cette recherche. La compétition s'exprime par la violence - compétition ethnique, parfois, quand il s'agit d'enfants de l'immigration contre des «Blancs». Elle ressuscite en tout cas l'entre-soi qui existait à profusion au XIXe siècle.
Alain Corbin - Cet entre-soi, je l'ai observé comme professeur à la fin des années 60 : j'enseignais à cinquante-deux garçons en blouse grise en terminale dans un lycée et, parallèlement, devant une quarantaine de blouses roses dans un lycée de filles. Pour autant montait depuis déjà plusieurs années la crise de l'autorité. Durant la guerre d'Algérie, alors que j'étais homme de troupe, j'ai vu les troufions refuser d'obéir à la hiérarchie et se réjouir, après le putsch d'Alger, que de Gaulle ait cassé un certain nombre d'officiers généraux. C'était de la part de ces jeunes soldats un refus d'autorité bien plus dangereux que celui qui s'est manifesté sept ans plus tard sur le boulevard Saint-Michel. Ils ont alors marqué leur hostilité à l'encontre des engagés, des militaires de carrière, estimant leur monde obsolète.
Que vous inspire la théorie du genre, qui fait actuellement polémique en matière d'éducation?
Alain Corbin - J'adhère totalement aux travaux sur l'histoire des femmes telle qu'elle est pratiquée, notamment, par Michelle Perrot : en permanence s'opère l'inculcation d'un code qui a pour but de définir à chaque période des rôles à la fois masculin et féminin. C'est indéniable. Si l'on analyse la phrase: «On ne naît pas femme, on le devient», il est clair que Simone de Beauvoir se réfère à l'inculcation des rôles et des conduites, et du sentiment d'identité lié au sexe. Phénomène venu des Etats-Unis aux alentours des années 1970-1980, la théorie du genre veut appliquer au passé des concepts aboutissant à une dissociation du sexe et du genre. A ce propos, comme en bien d'autres domaines, je crains l'anachronisme psychologique. Pour prendre un autre exemple: le mot sexualité n'existait pas en France en 1830-1840, vouloir s'en servir en critique histo rique, avec tout ce que la psychologie et la psychanalyse y ont introduit, serait erroné.
Eric Zemmour - Qu'il y ait acquisition culturelle des rôles est une évidence; c'est ainsi que Pascal a dit qu'il craignait que la nature elle-même ne soit qu'une somme d'habitudes, et que l'habitude ne soit qu'une seconde nature. L'imbrication entre l'inné et l'acquis est d'une parfaite banalité, or la nouveauté avec le genre (si j'ai bien compris, car il paraît que sa papesse américaine conteste désormais sa propre théorie) est qu'il nie le biologique en vue d'éradiquer tout rapport entre masculin et virilité.
Alain Corbin - Attention, nuance entre virilité et masculinité! Car ce dernier mot, employé au XVIIIe siècle pour un usage essentiellement grammatical (le masculin et le féminin), n'apparaît largement répandu dans son acception actuelle qu'au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La masculinité n'a jamais correspondu à la virilité, laquelle est vertu de grandeur, de maîtrise de soi, de force, d'honneur, de consentement au sacrifice. D'un combattant peu hardi à sortir de la tranchée, on n'aurait jamais dit durant la Grande Guerre qu'il manquait de masculinité, mais de virilité. Au reste, tout spectateur de télévision le sent. «Quelle virilité dans le contact!», entend-on souvent dans les commentaires de matchs de rugby. On n'imagine guère ledit contact qualifié de «masculin »...
Eric Zemmour - L'émergence du terme même de «masculinité » à l'issue du XIXe siècle et son développement au début du XXe est symptomatique de la crise. J'y reviens donc: on l'emploie désormais pour détacher le masculin de la virilité.
Alain Corbin - Je me garderai de tout jugement de valeur, pour me limiter aux éléments essentiels qui ont déterminé cette crise: l'effondrement de la culture de la victoire, la disparition de nombreux lieux de l'entre-soi masculin, ainsi que la psychologie et la psychanalyse qui ont fouaillé dans le domaine de la sexologie, remettant en cause des choses qui allaient précédemment de soi.
Eric Zemmour - Au «savoir mourir pour la patrie», devenu obsolète, au colonialisme conspué, au présentéisme qui a refoulé le grand récit national, à la psychologie et à la psychanalyse, j'ajouterai le travail qui s'accomplit désormais dans notre société avec moins de force et de plus en plus de machines. Enfin, cet élément : le capitalisme moderne veut des consommateurs, d'où la dévirilisation programmée des hommes qui ne consommaient pas assez. Aujourd'hui, le mâle féminisé et piloté par la publicité use de produits de beauté.
Alain Corbin - À propos de consommation, j'observerai une atteinte à l'ordre biologique. Les phtalates, bisphénols et autres produits n'ont pas abouti qu'à la diminution du nombre de sperma tozoïdes chez les poissons, mais aussi chez les hommes. C'est une atteinte sourde...
Quel peut être l'avenir de notre société par rapport aux valeurs viriles revendiquées, par exemple, par l'islam?
Eric Zemmour - Il est vrai que dans Mélancolie française, mon dernier chapitre était assez... mélancolique sur les possibilités de conflits. Si l'entre-soi des banlieues se fait en réaction d'une société féminisée, pour ce qui est de la famille, certains jeunes musulmans tyrannisent et terrorisent leurs sœurs, adoptant des comportements que n'avaient pas forcément leurs pères. Question d'identité, donc. Or, justement, il ne faut pas négliger le fait que l'islam soit aussi en crise à cause de cette modernité...
Alain Corbin - Quant à moi, j'estime que les historiens ne doivent jamais se mêler de prospective, pour la simple raison que les sociétés ont toujours le regard fixé sur les dernières menaces, ce qui les rend aveugles aux menaces qui ne se sont pas encore révélées.
Eric Zemmour - Reste que, dans ce domaine, Stendhal a exactement annoncé notre époque en constatant que nombre de ses contemporains prenaient l'affaissement de leur âme pour de l'humanisme et de la tolérance. Diagnostiquer cela il y a deux siècles, c'était admirable de lucidité.
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«Les mères font des fils, les femmes font des hommes»
Par Pascale Senk pour Le Figaro - le 09/10/2011
Maryse Vaillant, psychologue clinicienne, a publié Les Hommes, L'amour, la Fidélité et plus récemment, Être mère, mission impossible? (Ed. Albin Michel).
LE FIGARO. -Vous parlez dans vos écrits de la difficulté d'élever un garçon. Pensez-vous que les mères sont en partie responsables du syndrome du «bon garçon» relevé chez les hommes d'aujourd'hui?
MARYSE VAILLANT. - Oui, en grande partie. Le premier mouvement d'une mère est toujours plus facile vers la fille, sa semblable. Alors qu'avec le garçon, elle est freinée dans son élan par de nombreuses différences comportementales, émotionnelles. Mais cette mère peut aussi s'attacher énormément à la plus visible de ces différences, celle qui se voit physiquement, et de manière inconsciente, transformer son fils en homme de la maison. Or les hommes qui ont été mis en position de puissance phallique au foyer par leur mère deviennent soit falots, soit machos. Dans les deux cas, l'identité masculine est défaillante. Les machos sont des coqs de bruyère qui ne savent que dominer et agresser avec leur virilité ; les falots, ceux qu'on appelle les «gentils garçons» de nos jours, sont des chapons un peu dodus intérieurement. Très tendres, ils inhibent en réalité leurs pulsions et n'osent pas utiliser ni montrer leurs poussées de testostérone.
Qu'est-ce qui dans l'histoire des mères explique une telle évolution?
Jusqu'au début de notre siècle, les femmes ont vu en leurs garçons de beaux coqs de bruyère, à qui elles remettaient tous les pouvoirs, notamment sur leurs sœurs. Ces femmes vénéraient la virilité de leurs fils. Puis, à partir des années 1970, quand la contraception a libéré les jeunes filles de la fatalité de la maternité, les mères ont été fascinées par la féminité de leurs filles, et se sont moins intéressées à leurs fils. Résultat, ça a été le «grand vrac» du côté des garçons. Les mères ont pensé que les pères pourraient s'occuper des fils, or les pères étaient totalement pris par leur travail (aujourd'hui, avec la crise, ils le sont encore plus). Elles n'ont pas initié leurs garçons aux tâches domestiques, les ont élevés sans contraintes mais ne leur ont rien donné à se mettre sous la dent quand leur virilité venait les titiller.
Comment faudrait-il élever un garçon pour que sa masculinité s'épanouisse?
Déjà, il faut être deux pour élever un enfant: quelle que soit la situation, la mère doit laisser de la place au père et même elle doit lui demander de s'occuper de son fils. Aussi, elle évitera de faire de son fils le confident ou le complément affectif qui lui manque dans sa vie amoureuse. Heureusement, les garçons ont toujours une bande de copains. Ceux-ci sont leurs alliés les plus précieux pour le corps à corps avec d'autres hommes dont ils ont tant besoin: la pratique du rugby par exemple est selon moi hautement formatrice en matière de masculinité.
Et comment aimer ces «bons garçons» devenus hommes?
En ne se comportant pas en mère avec eux ! Les mères font des fils, les femmes font des hommes. Celles-ci peuvent ainsi encourager leurs conjoints à réaliser les rêves de leur adolescence par exemple: faire de l'escalade, se remettre au foot… Elles peuvent aussi construire une vraie démocratie avec ces hommes qu'elles doivent reconnaître comme responsables du bien commun qu'est leur couple. Elles éviteront, comme des mères intrusives, de leur demander sans cesse des comptes. Elles comprendront, enfin, que si la virilité est caricaturale, la masculinité est une dimension plus complexe et fragile qu'il n'y paraît trop souvent.
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Les hommes seraient-ils devenus de «bons garçons» ?
Par Pascale Senk pour Le Figaro- le 09/10/2011
Immatures, tendres, compagnons rêvés de femmes affirmées et débordantes d'énergie, les «mâles doux» seraient de plus en plus nombreux.
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«Charmant, tendre, à l'écoute, plein d'humour et de fantaisie…» Quand elle décrit son dernier partenaire amoureux, Sophie ne tarit pas d'éloges. «Cet homme était absolument délicieux.» La jeune femme profita presque une année entière de cet être idéal, jusqu'au jour où, à quelques semaines de leur mariage, il est tout simplement parti, sans prévenir, ni même laisser un mot d'explication. Et n'a jamais plus donné aucune nouvelle. Sophie, deux ans après, en est encore bouleversée. «Qu'il ait mis fin de manière aussi lâche à notre histoire m'a sidérée et atteinte au plus profond de moi, déplore-t-elle. Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ni laissé entrevoir ?»
Pour le Dr Jean-Paul Mialet, psychiatre et psychothérapeute, qui vient de publier un brillant essai sur les différences entre hommes et femmes, Sex Aequo (Éd. Albin Michel), ce scénario inimaginable n'a rien de surprenant. Lui reçoit chaque jour dans sa consultation un certain nombre de ces hommes qui, après avoir donné le meilleur d'eux-mêmes dans leur couple, s'en échappent dès que possible, et soudainement. Leur caractéristique principale? «Ils ont la fâcheuse tendance depuis toujours à se conformer aux exigences et normes féminines jusqu'au moment où ils lâchent ce personnage, et ce tout à coup.»
Les femmes veulent des compagnons attentifs
On les voit faire les boutiques avec leurs douces, pousser le landau pendant qu'elles essayent des chaussures, se montrer attentifs au moindre de leurs souhaits, car les femmes, c'est vrai, veulent aujourd'hui des compagnons très attentifs. «Mais dans l'intimité, ils n'osent guère exprimer leurs désirs - notamment sexuels - ni parler de leurs problèmes au bureau, poursuit le Dr Jean-Paul Mialet. Alors que la vie professionnelle est devenue effroyablement menaçante et concurrentielle pour eux, ils n'osent pas confier leurs soucis de cet ordre à leurs compagnes, car elles considèrent que c'est déjà une chance d'être un homme professionnellement, quand elles ont des salaires plus bas, etc. Résultat, elles ignorent souvent cet aspect de la vie masculine, continuant juste à vouloir être aidées pour la gestion domestique.»
Serviables, ils se plieraient en quatre pour que leurs compagnes soient satisfaites. Ils ont peur des conflits et veulent avant tout se faire aimer, rejouant là une forme de séduction qu'ils ont développée face à leurs mères. Mais soudain, parce qu'ils ont toujours refoulé leur agressivité, ils se retrouvent parfois à faire le pire: après avoir tout donné à sa compagne vénérée, le bon garçon quitte parfois le navire… pour une autre. «Mais attention, prévient le Dr Jean-Paul Mialet, dès que la nouvelle femme a repris la main, le gentil toutou réapparaît.» Autres échappatoires à leur profil si lissé pendant tant d'années: l'infidélité, l'addiction au jeu ou à l'alcool, le harcèlement envers leurs collègues de bureau…
Des hommes «préadultes»
Aux États-Unis, on les a baptisés les «Mr Nice Guys», suivant la définition qu'en a donnée au début des années 2000 Robert Glover, un psychothérapeute de Seattle, qui a su identifier et théoriser ce syndrome du gentil garçon qui a même inspiré un film avec Jim Carrey (voir son livre Trop gentil pour être heureux. Le syndrome du chic type, traduit de l'anglais par Clémence Ma et publié chez Payot).
Le syndrome du gentil garçon reste d'actualité puisqu'une chercheuse de l'institut Manhattan, Kay Hymowitz, a ouvert une polémique au printemps dernier en publiant Manning up: How the Rise of Women Has Turned Men into Boys («Comment l'élévation des femmes a transformé les hommes en petits garçons»). Pour cette décrypteuse de tendances, le postféminisme a donné naissance à cette nouvelle catégorie d'hommes «préadultes». À force de leur envoyer des messages contradictoires: «le rôle du père est fondamental» et, en même temps, «les pères sont une option»; ou «nous aimons les hommes qui ont confiance en eux» et «nous refusons toute marque d'autoritarisme», les femmes auraient accentué la crise identitaire d'un mâle incertain.
Pour le Dr Jean-Paul Mialet, il est bien question de répartition des pouvoirs entre les deux sexes: «un couple est un équilibre de pouvoirs tempéré par le respect de l'autre et par le besoin de préserver le lien. Mais certains, par défaut de construction, sont incapables de défendre leur territoire. Cela se rencontre aussi bien chez la femme que chez l'homme. La crainte de perdre son conjoint, quand il y a une fragilité abandonnique, place dans un état de dépendance qui justifie toutes les concessions. Trop de concessions rendent la situation irrespirable et dès qu'une ouverture (souvent illusoire) se présente, on lâche!» Autrefois, il n'y avait qu'à suivre le mode d'emploi pour fixer les rôles. Aujourd'hui, chacun doit oser porter haut ses désirs sans agresser l'autre. Les «bons garçons» sauront-ils muer?
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