Début septembre 1914, la situation est dramatique.
Les Français reculent depuis trois semaines. Les Allemands sont à quarante kilomètres de Paris. De sérieuses raisons (dont la pertinence apparaîtra lors des terribles années 1915 et 1916) font douter de la capacité du généralissime Joffre à se montrer à la hauteur des événements. Joffre est un troisième choix, pour des motifs (comme plus tard Gamelin) politicards et salonards.
Un général, un vieux colonial (cela n'était pas encore une insulte), Joseph Gallieni, se hisse à la mesure de la bataille en cours et met l'imagination au pouvoir. Il est gouverneur militaire de Paris. Alors que le gouvernement se replie courageusement vers Bordeaux, il galvanise les énergies et organise la défense, c'est pourquoi on lui attribuera à juste titre la paternité des fameux taxis de la Marne.
Sur ce, le gouvernement envoie deux ministres, Marcel Sembat et Aristide Briand, moins poltrons que leurs collègues, en mission d'inspection secrète à Paris. La raison du secret ? Ils ont peur de se faire étriper par les Parisiens. La raison de la mission ? Officiellement, des questions d'intendance. Officieusement, il s'agit de vérifier que la popularité de Gallieni ne lui donne pas d'envies de s'emparer du pouvoir.
Vous voyez comme déjà à l'époque les préoccupations de nos politicards étaient élevées, désintéressées, altruistes, patriotiques. On ne s'étonnera donc pas que, vingt-six ans plus tard, Edouard Herriot fût obsédé, au milieu du naufrage national, par le sauvetage de sa bonne ville de Lyon, qui lui fournissait ses électeurs, et son pouvoir.
Gallieni, pas dupe, traite l'affaire par l'humour en public et par un mépris cinglant dans ses carnets.
Pierre Servent raconte cette anecdote dans Le complexe de l'autruche.
Croyez que nos politiciens sont meilleurs que ceux de 1914 ? A voir la bulle d'irréalité dans laquelle a flotté la primaire socialiste et les basses querelles de la droite, je me demande s'ils ne sont pas pires.
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