J'ai acheté ce livre sur un malentendu : le titre m'a attiré. C'est ensuite que j'ai découvert l'histoire de défenseur après-guerre du fascisme et du nazisme de Maurice Bardèche.
J'avais donc une certaine appréhension en attendant la livraison : allais-je tomber sur un de ces illuminés à croix gammée ?
Heureusement, pas du tout.
Tout d'abord, ce livre est écrit dans un style comme on n'en fait plus, syntaxe limpide, vocabulaire rigoureux, c'est fort agréable. Evidemment, pas un anglicisme ne traine. Et les noms propres sont aussi très rares, pour vous dire que l'auteur ne se perd pas dans les détails circonstanciels.
Le fond du propos est une analyse de notre monde individualiste sans individualités, suivant l'expression de Dalrymple. Il démonte le mécanisme par lequel on impose aux hommes une conscience collective, les empêchant de développer une conscience individuelle. On réduit l'homme à sa seule dimension économique. Des passages rappellent le Saint-Exupéry de Citadelle. Il analyse bien les émotions de masse obligatoires (pour un livre écrit en 1969, certaines phrases sont frappantes de prescience des années 2000).
Son monde idéal est composé de deux idéaux entrelacés :
> Sparte, la liberté collective et les valeurs viriles l'emportent sur l'individu, permettant, ce n'est qu'un paradoxe apparent, aux hommes de développer leur personnalité. Le danger qui menace Sparte est l'assèchement.
> Les sudistes. Respect des hiérarchies et des rapports naturels. Comme d'autres, il voit la cause de nos maux dans le fait que les Grands ont délaissé leurs lourds devoirs pour ne plus jouir que de leurs immenses privilèges. Il écrit par ailleurs sur la nécessité de l'humour, ce qui m'a beaucoup touché (il n'est pas anodin que nous vivions dans un monde où l'humour est éradiqué méthodiquement). Le danger qui menace les sudistes est la nonchalance.
Que propose Bardèche pour se rapprocher de son monde idéal ?
Le protectionnisme. Là où il est intelligent, c'est qu'il ne vante pas le protectionnisme pour d'hypothétiques vertus économiques mais comme moyen de sortir l'homme de sa réduction à l'état de consommateur-producteur indifférencié. Il veut sortir l'homme de ce qu'il appelle le fleuve vendre-vendre-vendre qui nous entraine sans cesse (je pense que acheter-acheter-acheter serait plus juste). Il est pour la sévère limitation, voire l'interdiction, de la publicité (je ne peux que l'approuver sur ce point). Si le protectionnisme provoquait des pénuries obligeant les gens à montrer des vertus spartiates, il ne s'en plaindrait pas.
La participation pour recréer des intérêts communs entre le bas et le haut de la société.
Et surtout, un parti politique préoccupé d'élitisme, qui viserait à recruter et former les meilleurs, indépendamment de leur nombre. Ce parti aurait un rôle d'incubation des idées et de couveuse à talents mais n'aurait pas pour but la prise du pouvoir par le parti.
Les solutions de Bardèche me laissent perplexe. En revanche, son analyse me séduit.
Il y a aussi le plaisir d'imaginer un bien-pensant lisant ces pages : on visualise sa moue horrifiée digne d'une gouine à qui on dit qu'elle sent la bite.
Demain, je vous scannerai (funeste anglicisme) quelques passages.
Addendum : chose promise ...
Extraits de Sparte et les sudistes
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