Le mal remontait à loin et tenait à la décadence du milieu parlementaire. André Tardieu, observant que les considérations matérielles pesaient fortement sur des députés sans fortune, cherchant un salut social dans l'élection, avait déploré que le métier remplaçât le mandat parlementaire.
La démocratisation de la vie politique explique le changement de mentalité et de comportement. La plupart des parlementaires en 1940 ne se retirent pas sur leurs terres, comme le firent les légitimistes après la révolution de 1830 et nombre d'officiers se refusant au sacrilège de l'inventaire des biens ecclésiastiques, simplement parce qu'ils n'en possèdent pas ou tiennent trop à leurs prébendes.
Le député du nord Henri Becquart dépeint sans indulgence ses pairs : «On avait l'impression qu'ils sacrifiaient d'un coeur léger la moitié de la France, pourvu qu'ils fussent assurés de garder, dans l'autre moitié, leur conscription, leurs indemnités, leur titre et la possibilité de ces paroles où, en parlant, souvent avant d'avoir pensé, ils se donnaient l'illusion de l'action.» Pierre Laval connaît les égoïstes préoccupations de ses pairs qui le suivent parce qu'il donne l'impression de comprendre leurs inquiétudes inavouables sur leur situation personnelle.
L'indemnité parlementaire ? Elle sera maintenue. Leurs retraites ? L'Etat les prendra en charge : «Plus d'un a gobé avidement l'hameçon», constate Jules Jeanneney. La questure a reçu l'ordre de leur verser deux mois d'avance, plus les indemnités extraordinaires. Chez ces hommes avides et inquiets, les mirifiques promesses de Laval et de ses amis laminent les scrupules, étouffent les consciences.
[...]
Faut-il attendre d'un Parlement sans leader un sursaut de dignité ? Les politiciens ont en général la prudence de suivre l'opinion plutôt que de la précéder. Ils sont certains que leurs électeurs n'auraient pas compris un refus de confiance au maréchal Pétain, entrainant une crise politique et laissant la France, en de telles circonstances, sans gouvernement. L'habitude de fuir les responsabilités en les déléguant au gouvernement état prise depuis des années.
Nouvelle Histoire de Vichy, Michèle Cointet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire