Lévy se fait Bedos
La défaite des idéologues est la bonne nouvelle de 2011
Par Ivan Rioufol
Mis à jour le 22/12/2011 à 21:13 Le Figaro
En arrière toute! Les progressistes, ces idéologues qui ont dominé la vie politique ces trente dernières années, finissent 2011 sur les genoux [Rioufol prend ses rêves pour la réalité : les progressistes ont perdu tout magistère moral, pas le pouvoir. La récente affaire Lugan vient encore de la prouver]. Ils sortent éreintés par l'entêtement des réalités et les réticences des Français à suivre plus avant leurs lubies. Cette bonne nouvelle (elles se font rares) annonce une année 2012 sous le signe du rétropédalage et de la fin du «bougisme»: une claque pour les agités du relativisme, de la table rase et de l'homme nouveau. Il est amusant d'observer, ces jours-ci, les prises de distance avec la candidate écologiste Eva Joly, qui récite encore le credo du politiquement correct quand elle critique le sentiment national, la patrie ou ses commémorations tout en défendant un monde plat et ouvert à tous. Le PS tenait il y a peu ce langage. Mais il vire sa cuti.
Terminées les odes au citoyen du monde et tutti quanti. Les socialistes se convertissent en catastrophe au patriotisme économique, au roman national, à la baguette et au béret du populo. C'est du moins ce qu'ils disent pour tenter de renouer avec un électorat qui, affolé par la gauche prolophobe, file vers Marine Le Pen. Mais la volte-face improvisée se heurte aux vieux réflexes universalistes qui défendent, en même temps, le fédéralisme européen et le droit de vote des étrangers. L'indécision de François Hollande, incapable d'être limpide sur les grands sujets, illustre la difficulté qu'il éprouve à répondre à une société en mutation.
Toutefois les socialistes ne sont pas les seuls à ne plus maîtriser sur la durée un projet politique. Même à droite, les discours accrochent mal tant l'immédiat est devenu imprévisible et échappe au volontarisme. Non seulement Nicolas Sarkozy ne pourra «sauver le monde», mais la zone euro peut exploser demain. Ceux qui, sous les sarcasmes, mettaient en garde contre «la France qui tombe» (Nicolas Baverez) avaient raison: le pays est confronté à la récession, à la rigueur, à la dégradation de son crédit; sans parler du communautarisme et de la montée des tensions identitaires. Plus question de rêver.
Pas étonnant, dans cette grande désillusion, de lire dans le rapport de l'institut Médiascopie que le pays est à bout de nerfs. Cela fait longtemps que cette colère est évoquée ici. Mais il est vain de voir un répugnant «populisme» dans la satisfaction qu'ont eue les Français, selon l'enquête, à l'entrée en vigueur en 2011 de la loi contre la burqa ou à l'interdiction des prières dans les rues. C'est ce même qualificatif dont usent les syndicats des agents de sécurité, bloqueurs d'aéroports, pour contester le projet d'instituer un service minimum dans le transport aérien. Si le populisme est de vouloir résister aux abus de droits des minorités et d'aller à contre-courant d'une pensée dominante qui additionne les échecs, alors il est urgent de rejoindre cette réactivité.
La grande lessive
Le rejet d'un monde politique jugé inefficace et isolé est un risque qui se profile pour 2012, si les grandes formations ne parviennent pas à retrouver la confiance des citoyens oubliés. Le plus grand parti est celui des mécontents et des abstentionnistes. Marine Le Pen et François Bayrou vont exploiter, frontalement pour l'une et par sous-entendus pour l'autre, les revendications éruptives des anti-système. Ceux-là réfutent autant le centrisme incolore que la droite et la gauche. C'est la France du «non» à la Constitution européenne, cette majorité méprisée, qu'il faut reconquérir, comme Henri Guaino, conseiller auprès du chef de l'État, en fait ces jours-ci l'analyse pour la droite. Julien Dray partage cette évidence quand il demande au PS de «parler au peuple». Reste que cet électorat raisonnable, qui a vu juste quand il a rejeté en 2005 une Union européenne construite de bric et de broc, n'est plus disposé à gober n'importe quoi.
Plus que jamais, les politiques sont condamnés à être modestes et exemplaires, tant les Français sont excédés. La tolérance pour les hâbleurs et les roublards atteint ses limites quand il revient aux citoyens de supporter les erreurs de leurs dirigeants. La condamnation de Jacques Chirac à deux ans de prison avec sursis dans l'affaire des emplois fictifs de Paris dépasse ce seul dossier pour symboliser la descente obligée du pouvoir dans l'arène pour y répondre de ses actes. Ceci explique qu'Arnaud Montebourg presse le PS, parangon de vertu affichée, de «faire le ménage» dans les fédérations corrompues des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais. La grande lessive fera partie, autre bonne nouvelle, des caractéristiques de 2012.
Slogans débilitants
Un univers de carton-pâte s'écroule. Les slogans débilitants sur l'indépassable modèle social, la merveilleuse immigration, le fraternel islam, l'exemplaire intégration laissent voir des réalités plus complexes. À ceux qui jurent des succès de la mixité et de la sécularisation de la diversité, la démographe Michèle Tribalat répond (revue Commentaire) que, majoritairement, «les musulmans se marient avec des musulmans», et confirme une «réislamisation» des jeunes générations. Quant au discours automatique réfutant le choc des cultures à l'aune du printemps arabe et de son aspiration démocratique, il se heurte, partout au Maghreb, aux victoires des «islamistes modérés» et des Frères musulmans ayant la charia pour référence. Au Caire, c'est l'Institut d'Égypte, fondé par les Français en 1798 et qui abritait près de 200 000 livres rares, qui vient d'être incendié…
Le génocide oublié
Autre chose: avant de vouloir sanctionner inutilement la négation des génocides, notamment celui de la Turquie contre les Arméniens, la France ferait mieux de reconnaître le génocide vendéen de 1793 (voir mon blog). L'historien Reynald Secher en apporte les preuves (Vendée, du génocide au mémoricide, Éditions du Cerf). Le silence autour de ce livre est troublant [mais pas surprenant].
Joyeux Noël et bonne année!
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