Je pense que le rapport du BEA est biaisé, qu'il sous-estime sciemment les responsabilités, dans l'ordre, d'Airbus, d'Air France, de Thales, et des organismes européens et français de supervision.
J'en ai déjà parlé ailleurs.
Cependant, ce sont les facteurs humains qui m'intéressent.
Les pilotes ont fait quatre erreurs importantes :
1) rentrer dans un cumulonimbus
2) réagir malencontreusement (ordre à cabrer)
3) ne pas poser une analyse de la situation
4) ne pas communiquer clairement
La décision 1 me semble relever d'un manque de rigueur comme il peut en arriver à tous.
Peut-être un problème de formation, d'expérience et de procédure.
Le problème 2 est un mystère. Un des pilotes s'est crispé à cabrer pendant pratiquement toute la chute (problème de conception Airbus : l'autre pilote ne pouvait pas le savoir. Boeing relie ses manches).
Là où ça devient intéressant c'est qu'il s'agit d'un réflexe élémentaire de pilotage : quand ça décroche, on ne cabre pas.
Rod Machado, qui tient un blog et écrit des articles sur les facteurs humains, compare la méthode actuelle d'enseignement du pilotage professionnel à la méthode de lecture globale. Pas rassurant.
Jadis, quand les gens étaient plus cons que les génies qui nous dirigent en 2012, on procédait méthodiquement du simple vers le complexe.
On apprenait à déchiffrer les lettres, puis les syllabes, ce qui permettait de déchiffrer des mots de plus en plus difficiles.
De même, les pilotes passaient du J3 au Stearman, puis du Stearman au T6, puis du T6 au Beech 18 et enfin aux gros multimoteurs.
Ces méthodes simples, jugées trop peu sophistiquées par nos demi-habiles, qui ne comprennent pas l'intelligence de la simplicité, ont formé des millions de lecteurs et de pilotes.
Maintenant, on apprend à lire directement les mots et les pilotes sont mis en simulateur dans des situations complexes en espérant qu'ils apprendront aussi, par la même occasion, les réflexes de base. Ca coûte moins cher et ça peut rentrer dans les cases d'un formulaire (le "box ticking" des rosbeefs).
Le seul petit hic de ces méthodes super-maxi-intelligentes, c'est qu'elles vont à rebours de ce qu'on sait du cerveau humain : en situation de tension, on régresse. On revient, par réflexe, aux premières choses que l'on a apprises, d'où l'importance des bons et des mauvais plis qu'on prend dans les premières heures de vol.
C'est dans les premières heures qu'on acquiert le sens de l'air (en anglais airmanship). Et si on ne l'a pas acquis à cause de méthodes à la con, c'est foutu. Amis qui ambitionnez de devenir pilotes, commencez sur un train classique simple (J3, Jodel), et c'est moins cher.
Il y a cependant une contradiction : 99 % du temps, les pilotes professionnels modernes sont des gestionnaires de systèmes, ils ne doivent surtout pas se fier à leurs sensations, mais analyser le problème et appliquer les bonnes procédures. Reste le dernier pourcent.
C'est pourquoi il faudrait un mix des deux : gestionnaires de systèmes la semaine, pilotes de vieux coucous le week-end. J'en connais qui le font.
Mais on peut aussi pousser le système au fond de sa logique : y a-t-il encore besoin des pilotes ?
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