mardi, juillet 10, 2012
Tesson : la France est au bord de la rupture sociale
Disons à la décharge de François Hollande qu'il fait ce qu'il sait faire, ce qu'il a toujours fait : discutailler et embrouiller. Décider, trancher, ce n'est pas son truc. Les Français qui l'ont élu ne pouvaient l'ignorer.
On peut même penser qu'ils l'ont élu pour cela : le changement, pour que rien ne change.
Article de Philippe Tesson dans Le Point :
Que va-t-il sortir de cette "grande conférence" qui s'achève ce soir, sinon un constat des profondes divergences qui opposent les partenaires sociaux ? Or on les connaît depuis longtemps. Était-elle donc utile? L'urgence est-elle de rappeler au peuple français, qui l'entend depuis six mois, que François Hollande a une conception du dialogue social différente de son prédécesseur ? L'urgence est-elle d'inscrire dans la Constitution la démocratie sociale ? L'urgence est-elle dans la définition de la méthode, question d'autant plus légitime qu'en matière de méthode le président de la République ne s'est pas gêné pour faire comme tout le monde : il vient de décider unilatéralement et sans complexes de geler les rémunérations des fonctionnaires ? Et puis la méthode, c'est un alibi. On lisait hier dans Le Parisien une interview de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Il disait d'abord : avec le gouvernement précédent, on n'avait qu'un mois pour négocier. Il disait ensuite : on ne peut pas passer notre temps en réunion. Quelle cohérence !
Le gouvernement perd son temps
L'urgence n'est pas dans le formalisme, elle n'est pas dans les apparences, ni dans les symboles, elle est dans l'action propre à réduire le plus rapidement possible les effets de la crise au moyen de mesures progressives et évidemment concertées, selon un calendrier resserré donnant priorité au problème de l'emploi, à la veille d'une rentrée sociale qui s'annonce dramatique. Ce ne sont pas les sept tables rondes tenues hier et aujourd'hui qui feront avancer les solutions. Le gouvernement perd son temps. François Hollande annonce qu'il inscrit son action dans la durée. Dans la longue durée ? Comme le chômage du même nom. Cinq années pour faire la synthèse des positions respectives des partenaires sociaux ?
Il aura du mal. Ces deux journées donnent l'image d'une confusion inextricable. Chacun affirme des positions irrévocables. Et en face, le gouvernement, qui affiche une priorité absolue, la croissance, et propose en même temps des mesures qui vont contre l'objectif. La croissance passe par la compétitivité des entreprises, qui suppose l'abaissement du coût du travail. Le gouvernement en est conscient, mais il est prisonnier de contradictions qui le lui interdisent. La croissance passe par la libéralisation du marché du travail, sa flexibilisation, l'assouplissement des licenciements, autant de réformes qui vont contre la doctrine sociale du pouvoir, qui resserrent encore le piège de l'emploi et qui rencontrent l'opposition radicale des syndicats.
Le retour à la retraite à 60 ans relève de l'inconscience
On ne se réjouit pas des embarras du gouvernement, contrairement aux socialistes, qui se félicitaient trop volontiers et trop méchamment des embarras rencontrés par Nicolas Sarkozy. On comprend et l'on doit accepter que François Hollande fasse appel à la solidarité des privilégiés. Mais tout pacte social doit reposer sur un équilibre honnête visant à l'intérêt national, et dont le pouvoir politique est l'arbitre et le garant. La France est aujourd'hui au bord d'un seuil de rupture sociale. Il appartient au président de la République d'éviter qu'elle ne le franchisse et aux partenaires sociaux de l'y aider. Un effort fiscal considérable des entreprises et des particuliers va être exigé. Il sera vain - ne parlons pas de justice !- si les syndicats, spéculant sur la faiblesse gouvernementale, ne se rangent pas à un minimum de raison. Certaines de leurs revendications sont légitimes. D'autres sont abusives. Que FO et la CGT, par exemple, exigent un retour à la retraite à 60 ans à taux plein relève de l'inconscience.
Le temps des incantations, des synthèses, des surenchères et des blocages est révolu. Celui d'un compromis rapide est venu. Il appartient à François Hollande d'en être l'artisan.
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