Les imbéciles économiques à la Zemmour ou à la Dupont-Aignan nous font en ce moment un coup de nostalgie colbertiste. Ah, la manufacture des Gobelins. Ah, la verrerie de Saint-Gobain (qui est devenue une moderne multinationale, voyez comme le colbertisme était visionnaire).
Parlons-en du temps béni du colbertisme.
C'était le temps où les Provinces-Unies, dix fois moins peuplées que la France, mais adonnées à un capitalisme privé déchainé et à un commerce débridé, pouvaient se poser en rival crédible. Ah vraiment, elle est belle la réussite du colbertisme.
Le pays en est resté ruiné, il a fallu le vil affairisme (que méprisent tant nos prudes nationalistes) de la Régence pour rétablir un peu les comptes.
S'il est arrivé que la France fût la puissance dominante en Europe, ce n'est pas à cause d'une politique économique judicieuse qui lui aurait donné les moyens de la puissance. C'est grâce à sa démographie qui en faisait la Chine de l'Europe. Il n'y a pas une gloire immense à rivaliser avec des pays deux à dix fois moins peuplés que vous. La supériorité démographique enfuie après les guerres napoléoniennes et après l'union allemande, la France est rentrée dans le rang.
Les chantres du colbertisme nous font aussi régulièrement un «trip» Trente Glorieuses et économie dirigée. Les Trente Glorieuses, cette époque de rattrapage, en partie financée par les Américains ? On peut d'ailleurs longuement débattre de savoir si cette époque était réellement moins libérale que la nôtre (puisque c'est le point qui tracasse nos étatistes : démontrer que l'économie «dirigée» (1) est préférable à l'économie libérale).
Ah, et enfin, l'apothéose : le pompidolisme. Le TGV, Airbus, les centrales nucléaires ... Une telle réussite que nous en vivons encore quarante ans après. C'est dire si l'économie française est créative : elle n'a rien crée de marquant en quarante ans (à part Meetic). Quelle réussite, l'économie dirigée !
Examinons les périodes d'expansion de l'économie française.
Le Troisième Empire ? Un fin d'artifice économique. Manque de pot, c'est une ère libérale. Mais on peut me rétorquer que c'était aussi une époque de rattrapage.
Alors, pas de période où la France ne fut, économiquement, ni à la traine ni en rattrapage ?
Oh si. Il y en a une.
Elle nous a laissé des noms comme Blériot, Michelin, Renault, Citroen. Tous des noms d'entrepreneurs, et pas de hauts fonctionnaires, vous remarquerez. Au début du siècle dernier, après une longue stagnation, l'économie redémarre sous l'impulsion d'entrepreneurs audacieux. Et la France n'est pas à la traine dans les industries naissantes, automobile, aviation, mais plutôt à la pointe.
Mais il faut avoir l'esprit particulièrement mal tourné, comme moi, pour voir une relation entre cette prospérité inédite et le je-m'en-foutisme de l'Etat de l'époque en matière économique. Pas de «ministère du redressement productif», pas d'«emplois d'avenir» ...
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(1) : les mauvaises langues feront une analogie entre l'«économie dirigée» et la «bataille conduite», qui était la doctrine de l'armée française en 1940, avec le succès que l'on sait.
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