A la condition qu'ils n'aient pas été dénaturés, ils sont sans appel.
En tant que Gouverneur Militaire de Paris, Gallieni a exigé du gouvernement d'avoir des troupes pour défendre Paris en avant, en prévision des mouvements de l'ennemi. Contrairement à Joffre, qui n'a jamais rien anticipé, Gallieni a remarquablement prévu les manoeuvres allemandes.
L'ordre de garnir Paris, sur l'insistance de Gallieni, a été le seul donné par le gouvernement au généralissime Joffre pendant toute cette période. Ce simple fait suffit à attribuer à Gallieni la paternité de la première victoire de la Marne (il y en a eu une seconde, hélas oubliée, en juillet 1918).
Ses carnets montrent que Gallieni a très tôt pensé que c'est au moment où les Allemands arriveraient á hauteur de Paris que leur élan commencerait à s'épuiser et qu'ils deviendraient vulnérables.
Il ne faut pas oublier que les Allemands de 1914 ont parcouru à pied quarante kilomètres par jour pendant dix jours, c'est-á-dire qu'ils allaient plus vite que les panzers en 1940 !
Gallieni se préparait donc á la bataille décisive en toute conscience de la situation. Cette clarté de l'analyse lui a permis d'exiger les troupes nécessaires et de saisir l'occasion d'une attaque de flanc dès qu'elle s'est présentée.
Joffre, lui, préparait un rétablissement et une contre-offensive frontale à partir du plateau de Langres une semaine plus tard. Sans doute trop tard, avec des troupes désorganisées et épuisées. De plus, l'idée même d'offensive frontale était erronée : la leçon du premier mois de la guerre était que les Allemands, avec leurs mitrailleuses et leur artillerie, étaient imbattables de face. Leçon confirmée par quatre ans de guerre des tranchées. Joffre était trop épais pour l'avoir déjà compris.
Pour clore la polémique, rappelons que l'ordre fameux "plus un pas en arrière" à été antidaté après coup par Joffre afin de précéder fictivement celui de Gallieni déclenchant la contre-offensive á partir de Paris.
Les histoires de taxis ne sont qu'une anecdote à laquelle les partisans de Joffre ont tenté de réduire Gallieni.
De plus, Gallieni avait bien anticipé la "course à la mer" qui a suivi. Les "gallienistes" ont considéré que Joffre, moins intelligent et donc moins anticipateur, a perdu une journée décisive qui lui aurait permis de tourner les Allemands.
Quelques éléments de contexte.
Joffre était un troisième choix. Gallieni n'avait pas été nommé généralissime en 1911 à cause de son âge. Décision que le ministre Messimy a regretté amèrement pendant les trois ans qu'il a passé dans les tranchées (oui, à l'époque, un ex-ministre ou un parlementaire au front, ça se faisait).
Joffre, comme vingt ans plus tard son chef d'Etat-Major Gamelin, avait été choisi sur son absence de potentiel politique. Toujours ces fameux républicains, qui nous tympanisent de leurs valeurs éculées, mais font passer leur tranquillité partisane avant le salut de la patrie.
Joffre savait tout cela. De plus, Gallieni avait été son supérieur à Madagascar.
Bref, Joffre était atteint du syndrome du second devenant incompétent propulsé à la première place : manque total de vision et d'anticipation, attachement excessif aux marques extérieures du respect, goût du secret, dispersion maniaque dans les détails.
Du fait de l'impéritie du gouvernement, son incompétence sévira pendant presque trois ans, avec les conséquences meurtrières que l'on connait.
Les carnets de Gallieni, devenu ministre de la guerre quelques mois avant sa mort en 1916, sont aussi un violent constat de carence des politiciens de la IIIème république. Souvent revient "Que de palabres !". Évidemment, la république des discoureurs de comices agricoles était peu faite pour mener une guerre.
Comme aujourd'hui, ils croyaient qu' un bon mot ou un joli discours étaient d'honorables substituts à la décision.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire