Un divorce français
Par Nicolas Barre
Le divorce entre François Hollande et ceux qui dirigent les fleurons de notre force de frappe économique est inquiétant et inédit dans une grande économie occidentale. Le limiter aux soucis fiscaux de quelques-uns serait une profonde erreur d'analyse. Car au moment où émergent des pays-continents comme la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Indonésie ou d'autres, tous animés d'une stratégie de rattrapage de l'Occident, tous portés par une vision économique de long terme, la France doit retrouver une ambition collective partagée par son élite économique et politique.
Or il n'en est rien. Au contraire, la défiance est à son comble entre deux mondes dont les intérêts devraient pourtant être plus que jamais alignés. Le climat est au divorce, au dénigrement de la réussite, à la dénonciation des élites économiques. Il faudra bien davantage qu'un dîner un peu convenu entre le président de la République et les plus grands patrons français pour rétablir la confiance, et surtout faire émerger une vision commune des positions que nous devons défendre dans la mondialisation. Sans quoi, c'est la France qui « tombera de la falaise » et décrochera du groupe des pays avancés.
Dans cette guerre économique où nos avantages comparatifs sont de moins en moins nombreux, nous avons besoin de tout le monde pour relever le défi d'un modèle qui s'écroule. « L'affaire Depardieu » illustre bien l'immense gâchis dont nous sommes parfois capables. Voilà un homme qui a fait davantage pour le rayonnement du pays que tous les ministres de la Culture réunis depuis vingt ans. A Los Angeles, Shanghai, Tokyo ou Moscou, tout le monde connaît son nom. Qui connaît celui de ceux qui nous dirigent ? Le gamin turbulent de Chateauroux ne doit ce qu'il est qu'à son immense talent. En ce sens, il devrait être un modèle. Or il est devenu le symbole de ce que nous ne savons plus faire : attirer ou retenir les talents.
Ce qui caractérise notre époque, c'est l'extraordinaire mobilité des talents et du capital. C'est aussi la concurrence que se livrent des économies mûres pour les attirer, puisqu'elles disposent de peu d'autres leviers pour maintenir leur rang. Au minimum, nous devrions donc chercher à offrir les mêmes conditions, notamment fiscales, que nos voisins. Les Etats-Unis ont fait une priorité nationale de détecter et de faire venir chez eux les meilleurs. Nous sommes en train de devenir les spécialistes mondiaux du contraire. Tous les hauts dirigeants d'entreprises en témoignent : faire venir un grand patron de la recherche, un directeur financier hors pair ou un génie du design est devenu impossible. La France se coupe du marché mondial des cerveaux au moment où celui-ci explose. Nous le paierons en années de déclin.
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