Cet article me dérange car il répond sur un mode émotionnel à des gens qui oeuvrent à ce qu'en tout, l'émotion remplace la réflexion :
La dignité de mon père
Néanmoins, il faut ce qu'il faut.
Le suicide pour convenances personnelles (si je puis dire. En tout cas, je place le suicide de protestation politique un peu à part), le suicide assisté et l'euthanasie me choquent profondément.
J'y vois une forme de blasphème et cela suffit à me les rendre détestables. Je crois d'ailleurs que le blasphème est, quand on a gratté toutes les couches d'arguments plus ou moins spécieux et controuvés, le but recherché.
En tout cas, je doute que le débat qui s'engage sur l'euthanasie réponde à un réel problème pratique. Je devine qu'on est dans le même cas que le «mariage pour tous» : on monte en épingle des pseudo-problèmes, alors que les lois existantes conviennent, pour imposer une loi idéologique censée combler un «vide juridique» inventé de toutes pièces pour les besoins de la manoeuvre.
Et comme d'habitude, les idéologues me retireront le droit de juger, au nom de «tu n'as pas vécu cette situation» (alors qu'eux donnent tous les jours leurs avis sur des situations dont ils sont à mille lieues). Mais Dalrypmle a écrit un article définitif sur le non-judgementalism (voir The rush from judgement).
Puisque je lis Chesterton :
Le suicide n'est pas seulement un péché, il est le péché. C'est le mal ultime, absolu, le refus de s'intéresser à l'existence ; le refus de prêter serment de fidélité à la vie. L'homme qui tue un homme tue un autre homme. L'homme qui se tue lui-même, tue tous les hommes, il efface de lui le monde. Son acte, en tant que symbole, est pire qu'un viol ou un attentat à la dynamite. Il détruit tout les édifices ; il insulte toutes les femmes. Le voleur se contente de diamants. Pas le suicidé : c'est là son crime. On ne peut le soudoyer, même en lui offrant les pierres étincelantes de la Cité céleste. Le voleur rend hommage aux choses qu'il dérobe, sinon à leur propriétaire. Mais le suicidé insulte tout ce qui est sur la terre en ne le volant pas. Il profane chaque fleur en refusant de vivre pour elle. Il n'est pas une minuscule créature dans le cosmos pour qui sa mort n'est pas un ricanement. Quand un homme se pend à un arbre, les feuilles devraient tomber de colère et les oiseaux s'envoler de fureur, car chacun d'eux a reçu un affront personnel. Certes il peut y avoir des excuses émotionnelles et tragiques à cet acte. Il y en a pour le viol, et presque toujours la dynamite. Mais si nous en venons à une claire notion, à une signification intelligente des choses, nous trouverons une vérité beaucoup plus rationnelle et philosophique dans la coutume d'enterrer à la croisée des chemins et dans la pratique d'enfoncer un épieu dans le cadavre que dans les distributeurs de M. Archer. Il y a donc un sens dans la coutume d'inhumer à part les suicidés. Leur crime est différent des autres : il rend impossibles même les crimes.
Vers la même époque, je lus une sottise solennelle et désinvolte écrite par un libre penseur ; il prétendait qu'un suicidé n'est autre qu'un martyr. Cet évident mensonge m'a permis de clarifier le problème. Un suicidé est manifestement l'opposé d'un martyr. Le martyr est un homme qui tient tellement à une chose en dehors de lui-même qu'il en oublie sa propre vie. Un suicidé est un homme qui se soucie tellement peu de ce qui est en dehors de lui qu'il veut voir la fin de tout. L'un veut que quelque chose commence ; l'autre veut que tout finisse. En d'autres termes, le martyr est noble, justement parce qu'il confesse ce dernier lien avec la vie. Renoncerait-il au monde, haïrait-il toute l'humanité, il place son coeur en dehors de lui-même. Il meurt afin que vive quelque chose. Le suicidé est ignoble parce qu'il n'a pas cette attache avec ce qui est ; il n'est qu'un destructeur ; spirituellement, il détruit l'univers. Puis je me rappelai l'épieu, la croisée des chemins et ce fait singulier que le Christianisme a montré une sévérité féroce à l'égard du suicide. Car le Christianisme a vivement encouragé le martyre.
Chesterton, Orthodoxie.
J'ajoute, pour ne pas être dupe des mots de l'ennemi, que l'expression «mourir dans le dignité» est vide de sens. La mort est la mort, point. L'agonie dans la dignité, c'est autre chose.
Mais, plutôt que de parler de mourir dans la dignité, pourquoi ne pas vivre dans la dignité, jusqu'au dernier souffle ? Entouré des siens, par exemple. Car, derrière toutes ces envolées lyriques sur la mort digne, il y a souvent que c'est chiant et couteux de s'occuper de pépé ou de mémé. Et je ne parle pas en l'air : j'ai des exemples dans les deux sens, dignes et indignes (et là, ces mots ont une signification), de l'attitude des proches.
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