J'ai écrit, sous un billet précédent, que les athées (1) n'étaient, spirituellement, rien.
Et ce n'est pas sans importance. Il leur manque une dimension. Il arrive que des athées, par le biais d'une vision poétique du monde, aient tout de même une vie spirituelle. D'ailleurs, tout homme a vocation à vivre une vie spirituelle, mais tous ne répondent pas à cette vocation, les plus endurcis la fuient avec constance.
Je pense que nous touchons là au coeur de nos problèmes contemporains.
La question est simple : la vie en société est-elle possible quand une majorité de la population est sans pratique religieuse ?
Ma réponse est négative.
Rémi Brague explique que le souci de l'avenir n'est pas considéré dans les sociétés sans religion (bien sûr, les individus ont toujours le souci de leur avenir mais il n'y a plus de souci de l'avenir collectif).
Pour Roger Scruton, la religion pose un écran pour nous protéger de certaines idées, autrement dit, énonce des tabous. Ces tabous sont nécessaires à la vie en société. Par exemple, les tabous de l'inceste, de l'eugénisme ou de la marchandisation des corps.
Quand ces deux dimensions sociales issues de la religion, souci de l'avenir et tabous protecteurs, viennent à manquer, les liens sociaux se dissolvent et la société sombre dans l'anarchie. C'est à cela que nous assistons dans la France de 2014.
Certains, sentant ce manque religieux, essaient de reconstituer des religions de pacotille (l'écologie, par exemple). Le résultat est pitoyable. La citation (d'ailleurs apocryphe) de Chesterton est plus que jamais vraie : «quand on ne croit plus à rien, on est prêt à croire n'importe quoi».
C'est aussi en raison de ce manque que les colonisateurs musulmans ont leur chance: la guerre anti-catholique de la «raie publique» leur a ouvert un espace de conquête.
La religion de l'Europe est, à mes yeux, le catholicisme. Ce qui n'est pas catholique n'est pas européen (proposition radicale et polémique). Depuis la Réforme (2), le catholicisme a pris un gros coup sur la cafetière.
Néanmoins, la spécialité de l'Eglise est la résurrection et elle ne se remet, d'âge en âge, de ses crises que par les Saints. A chaque époque périlleuse, quelques Saints, trois ou quatre, guère plus, renouvellent la doctrine et la pratique. J'aime citer, parce que l'exemple est éclatant, Saint Dominique, Saint François d'Assise et Saint Thomas d'Aquin. En moins de cent ans, ces trois-là ont renouvelé l'Eglise catholique de fond en comble.
Je crois qu'il en sera, encore une fois, ainsi.
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(1) : j'entends athée au sens courant mais imprécis de «sans religion». Un bouddhiste est athée mais pas sans religion.
(2) : de manière originale, Chesterton explique la Réforme par l'épidémie de peste noire un bon siècle et demi avant. La baisse du nombre de clercs pointus en théologie et la rupture de la transmission du savoir théologique ont permis, selon lui, la propagation de cette hérésie. A l'époque des Saint Thomas d'Aquin et compagnie, elle aurait été arrêtée avant d'avoir pu prendre de l'élan.
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