Je croyais que le positivisme avait été éradiqué depuis un siècle du fait des errements du scientisme.
Erreur ! Au pays des ignares, les incultes sont rois.
C'est ainsi que les connards de Google nous promettent que, grâce à la science, la leur bien évidemment, tous les problèmes de l'homme seront résolus.
Balivernes ! Mais balivernes potentiellement criminelles, comme toutes les utopies.
A un niveau plus prosaïque, je ne suis visiblement pas le seul à m'inquiéter cette emprise néfaste du positivisme :
Le travail invisible ou l’économie victime du dogme positiviste
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[…]
Deuxièmement, sur l’origine de la financiarisation. Celle-ci a à mon sens deux origines. La première, très bien expliquée dans l’ouvrage, résulte d’une évolution dans le financement des entreprises, qui en se démocratisant amène des investisseurs rentiers. C’est un point fondamental. La seconde, que l’auteur n’aborde pas, mais qui pour moi est la vraie cause, est ce besoin de mesurer. D’où vient-il ? A mon sens il résulte de l’adoption d’un paradigme positiviste dans les sciences humaines. Si l’on mesure, c’est aussi parce que la pensée managériale, polluée par le positivisme (naïf, comme chacun le sait) des penseurs du management a contaminé les manageurs qui l’ont trouvé bien pratique. Les coupables sont donc au moins autant Platon, Descartes et Auguste Comte et leur orgueil scientiste, que les fonds de pension qui au fond, appliquent leur pensée sans le savoir. La combinaison de la démocratisation et de cet orgueil scientiste est létale, dans l’économie comme ailleurs.
Troisièmement, sur la société libérale. C’est la grande ambiguïté de l’ouvrage. Le libéralisme en est un peu le fantôme, on y revient toujours comme point d’ancrage sans jamais le définir ni se positionner par rapport à lui. Cette obsession destructrice de la mesure est-elle inhérente au système libéral ? Rien n’est moins sûr. Car si la vraie cause de la disparition du travail est le positivisme naïf, alors cette cause est antérieure (au sens logique du terme) à la question du modèle économique et social dominant. J’en veux pour preuve que l’URSS, comme cela est fort justement observé dans le livre, a elle aussi été victime du même syndrome scientiste. Le positivisme naïf a miné l’URSS, comme il mine désormais les sociétés libérales. De manière intéressante, j’observe dans mon livre à venir sur la CIA que cette organisation a été victime du même syndrome (n’observer que ce qui est mesurable), et là encore il ne s’agit pas d’une organisation à but lucratif. Les solutions que Pierre-Yves Gomez esquisse vers la fin du livre vont d’ailleurs dans le sens d’une remise en question épistémologique qui me semble être la seule approche.
Cette question de fond du libéralisme est d’autant plus importante que ce qui est a priori intéressant dans l’innovation, outre sa capacité à améliorer le lot commun, est précisément sa capacité à remettre en question la rente et à miner l’oligarchie actuelle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’oligarchie rentière est la cible principale des attaques des auteurs libéraux (voir par exemple la distinction que font Ayn Rand ou Frédéric Bastiat entre capitalisme entrepreneurial et capitalisme de copinage). L’existence d’une oligarchie est donc une dérive du système libéral, mais elle n’en est pas une propriété intrinsèque car d’autres systèmes dérivent également vers l’oligarchie (là encore l’URSS ou la Chine actuelle sont des exemples typiques). D’où la nécessité de comprendre comment cette dérive survient dans un système libéral. J’arguerais qu’elle le fait lorsque le politique l’emporte sur l’économique, et en particulier en situation de crise, qui affaiblit l’économique et renforce le politique. L’oligarchie se développe également aussi parce qu’il est plus facile de renforcer l’oligarchie (gains immédiats pour certains, pertes diffuses pour tous) que de l’affaiblir (pertes immédiates pour certains, gains diffus pour tous).
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