Les carnets 1939-1945 de Maurice Garçon, célèbre avocat, viennent d'être publiés.
Ils sont intéressants : n'ayant pas été retouchés, ils témoignent bruts de fonderie de leur époque vue par un misanthrope bien informé et très introduit dans les milieux dirigeants.
Garçon est décapant.
Ses pages sur les magistrats sont au vitriol : un magistrat condamnerait sa mère (son meilleur ami, n'en parlons même pas) si cela pouvait faire avancer sa carrière. Il écrit cela en 1939, il n'a donc pas encore vu les magistrats en action à double détente : collabos jusqu'en 1944, ultra résistants après.
Pendant la drôle de guerre, il raconte pas mal de conneries, en proie à l'incertitude et aux rumeurs. Il le reconnaît par la suite.
Il y va de son humour féroce. Par exemple, il fait mine de réfléchir pour savoir s'il tomberait sous le coup de la loi condamnant la propagation de fausses nouvelles au cas où il descendrait crier dans la rue «Daladier est un con !».
En 1939, il est pétainiste.
Le début juillet 1940 est un déclic.
Les événements de Mers-El-Kebir lui ouvrent les yeux. Il comprend que Pétain ne cherche pas à finasser avec les Allemands mais qu'il veut vraiment collaborer, sans quoi il se serait débrouillé pour que la flotte française rejoigne les Anglais «contre ses ordres», pour flouer les Teutons.
Il fait alors une analyse gaullienne de la situation bien qu'il n'ait que vaguement entendu parler de De Gaulle et n'écoute, à ce moment, que les radios françaises et allemandes.
On voit là son esprit original : chez l'homme ordinaire, Mer-El-Kébir a provoqué des sentiments anglophobes et un durcissement du pétainisme.
Même si son interprétation de Mers-El-Kebir me paraît tirée par les cheveux, ses conclusions sont justes. Le point marquant est qu'il arrive à ces idées au fin fond de la province où il est réfugié et sans être, dans cette période, mieux informé que la moyenne.
Ce que Garçon a pu faire, d'autres l'ont fait. Mais si peu nombreux ...
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