Nicolas Sarkozy et le mariage pour tous : le discrédit de la parole politique
Il y a un an,devant les militants de Sens Commun, un mouvement issu de la Manif pour tous et affilié à l'UMP, l'ancien président de la République se déclarait favorable à l'abrogation de la loi Taubira. Aujourd'hui, il écrit dans son livre: «Il ne sera pas question de démarier les mariés et de revenir en arrière. J'avais pensé à l'époque que les ambiguïtés de la loi Taubira sur certains points imposeraient une nouvelle rédaction. A la réflexion, je crois que le remède serait pire que le mal...». Que cela vous inspire-t-il ?
Louis Manaranche : La parole politique est cruciale. Elle est, même quand elle se veut réaliste et sans concessions démagogiques, une promesse. Elle l'est par essence: il s'agit toujours de susciter l'adhésion en proposant une projection dans l'avenir. Cette promesse a une dimension toute particulière. Elle réactive à intervalles réguliers le peuple comme acteur de sa destinée. En cela, le discrédit à l'égard d'une parole politique est d'une gravité que l'on ne se figure pas toujours très clairement. La parole prononcée à la va vite, la concession lâchée à une communauté, l'aveu que l'on a parlé avant de réfléchir, la tergiversation fondée sur l'analyse scrupuleuse des seuls sondages... sont autant de facettes du même mal. On ne croit plus à la parole politique, ou alors au troisième degré. Non seulement les électeurs que le sens civique parvient à mobiliser encore votent-ils alors sans allant, par routine, mais la fracture qui ronge la société française, qui la délite, qui éloigne la perspective d'une reconstruction commune, s'accroît inéluctablement.
Lorsque l'on se dédit en deux phrases sur la réécriture d'une loi dont on a dit avec insistance le mal que l'on en pensait, on contribue puissamment au discrédit de la parole politique. On déçoit ceux pour qui la promesse passée semblait enfin coïncider avec une vision de la société qui les mettait en marche. Mais on fait pire. On jette le discrédit sur tout ce que l'on pourra dire dans une campagne. Et l'on porte un nouveau coup, par anticipation, à la fonction présidentielle.
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