Vous trouverez ci-dessous un article d'Eric Zemmour dans le Figaro. J'ai mis mes commentaires entre crochets et c'est moi qui souligne.
Je me méfie beaucoup de ces grandes fresques globalisantes qui, à force d'être générales sont indémontrables et, donc, peuvent raconter tout et son contraire, c'est-à-dire n'importe quoi.
Cependant, dans le monde très confus où nous vivons, il est nécessaire d'avoir une image englobante pour ensuite déchiffrer les détails. Le mouvement doit aussi se faire en sens inverse : des détails au général. C'est dans ces allers-retours que se trouve la compréhension du monde.
Je pense que la confusion dont je parle est volontairement entretenue par les puissants, qu'elle est un moyen de gouvernement. Les progrès de la psychologie moderne ont permis, tant en entreprise qu'en politique, de vastes manipulations des foules dont on ne se rend même plus compte.
Les techniques de management contemporaines ont pour but de faire culpabiliser l'employé pour qu'il se mette la pression lui-même. Il n'y a plus de chefs, il n'y a que des « managers », à l'écoute, compréhensifs, qui n'engueulent jamais, qui fixent juste des « objectifs » et si ceux-ci ne sont pas atteints, puisque le chef est si gentil, cela ne peut être que de la faute de l'employé. On est en pleine confusion des rôles : le chef n'est pas une mère et le subordonné n'est pas un enfant. Je caricature dans un but pédagogique, mais à peine.
Dernier exemple en date : la direction de France Télévisions est contestée par les journalistes pour avoir préparé une émission trop complaisante pour François Hollande. Que fait Delphine Ernotte, le PDG ? Elle propose aux journalistes « d'échanger » ! Ils critiquent la direction, elle leur propose de venir prendre le thé. Technique bien connue pour désamorcer un conflit sans le résoudre. Une manipulation.
En politique, la manipulation n'est pas individuelle mais collective, cependant le principe est le même : on brouille les rôles, on pervertit les mots et intrumentalise les images. C'est ainsi que le président se comporte en mère-poule ou qu'on n'hésite pas à dire le pays victime de « l'ultra-libéralisme » alors qu'on est à 57 % du PIB de dépenses publiques et cent mille autres exemples.
L'article de Zemmour n'est d'ailleurs pas exempt de ces confusions.
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Son ennemi, c’est la finance
Un redoutable réquisitoire contre la puissance de la finance. Sous les auspices de Machiavel et de Carl Schmitt. Loin des rodomontades électoralistes
ERIC ZEMMOUR
L’ART DE LA GUERRE FINANCIÈRE. Jean-François Gayraud. Odile Jacob. 163p., 21,90 €.
Les guerres ne sont pas seulement militaires. Elles peuvent être aussi idéologiques, démographiques, technologiques, commerciales. On croit qu’elles ne tuent pas, mais elles détruisent, saccagent, ruinent. Et la plus terrible guerre qui nous est livrée aujourd’hui est financière. Telle est la thèse défendue avec véhémence et rigueur dans ce petit (par la taille ) livre de Jean-François Gayraud.
L’auteur en est venu à s’intéresser à la finance par la lutte policière contre les mafias, trafics en tout genre, blanchiments d’argent de la drogue, etc. Le lien est déjà tout un programme. Et en soi un acte d’accusation contre le système bancaire mondial, devenu, de notoriété publique, le serviteur zélé de cet argent noir qu’il blanchit à travers ses paradis fiscaux. Tout cela fait régulièrement la une des gazettes. D’ailleurs, rien de ce que nous dit notre auteur n’est inédit. Pas de révélations ni d’investigations.
Ses analyses sur le désordre monétaire provoqué par la décision de Nixon de rompre la convertibilité entre le dollar et l’or le 15 août 1971 ; la dérégulation libérale des années 1980 [première erreur d'analyse : la dérégulation des années 80 a pour particularité d'être mondialiste, alors que son coté libéral n'est pas une particularité (il y a eu d'autres réformes libérales avant elle), visant explicitement à abolir les frontières.]; le sauvetage des banques lors de la crise des subprimes de 2008 [on n'a pas sauvé les banques, on a sauvé les banquiers : une forfaiture]; le moralisme dogmatique des Allemands à l’égard des Grecs, alors qu’eux-mêmes n’ont jamais payé leurs dettes, que ce soit après la Première ou la Seconde Guerre mondiale ; les apories de la théorie libérale, sa fuite en avant dans la mathématisation et la complexification ; ou encore la puissance de ses relais médiatiques, dominés désormais par les puissances financières, et surtout le « maillage serré de hauts fonctionnaires, politiciens et lobbyistes échangeant informations et postes » qui, à Washington, à Bruxelles ou même à Paris, garantissent la prééminence de la Banque [description ce que j'appelle le Système, auquel on peut ajouter une forte dimension idéologique] : tout cela a déjà été écrit cent fois. De même pour l’alliance victorieuse depuis quarante ans des libéraux et libertaires, de Cohn-Bendit et de la Finance internationale, décortiquée pour notre plus grand bonheur par l’Américain Christopher Lasch ou le Français Jean-Claude Michéa, à qui Gayraud emprunte même l’usage troublant, mais charmant, des longs codicilles.
Non, l’originalité et l’audace de l’ouvrage sont dans sa perspective. Avec force citations de Machiavel, de Carl Schmitt et de Julien Freund [quand je vous disait qu'il est à la mode], notre auteur sort cette querelle de l’économie où elle se languit et s’obscurcit pour la poser sur le seul terrain où tout s’éclaire : le politique. C’est toute l’habileté du capitalisme financier, et de son idéologie libérale, que d’avoir fait croire qu’on n’était pas sur le terrain idéologique, mais uniquement dans le prosaïsme des faits : « Rien n’est plus politique que ce projet de dépolitisation : en acquérant une position de centralité dans la société grâce au libéralisme, l’économie devient un phénomène politique. »
Et historique. L’auteur coupe l’histoire de l’Europe en deux périodes : un avant, où le Politique dirige la Finance, quitte à punir et emprisonner ses banquiers, comme Louis XIV avec Fouquet ou Napoléon avec Ouvrard ; et un après, à partir de Louis-Philippe, et surtout depuis les années 70 du XXe siècle, où les financiers dominent les États et les asservissent. Il aurait pu ajouter d’ailleurs que ce n’est pas un hasard si la Haute Banque, à l’époque basée tout entière dans la City à Londres, a financé sans limites les guerres de l’Angleterre contre les deux plus puissants monarques de notre histoire, jusqu’à leur faire rendre gorge. Depuis lors, notre pays se le tient pour dit et ne mène que des simulacres de guerres contre la finance. « Ce ne sont plus les puissances politiques qui contrôlent les marchés, mais les marchés qui disciplinent les États… De maître, l’État est devenu esclave. »
Les grands féodaux sont de retour. Et ils ont l’habileté d’opérer au nom de la liberté. Gayraud pose sans ambages les termes de cet « affrontement du libéralisme (droit et marché rois) et de la démocratie (souverainetés nationales et populaires) ». Les anciens alliés de la Révolution française sont devenus ennemis irréductibles. Marx l’avait vu précocement ; mais les horreurs du communisme ont délégitimé son diagnostic. Dès lors, le libéralisme a remplacé cette autre religion séculière qu’était le communisme. Ce jugement fera hurler les libéraux, les droits-de-l’hommistes et tous ceux, ils sont légion, qui confondent la République avec le libéralisme et privilégient la liberté de l’individu plutôt que celle de la nation.
Mais il donnera raison à la révolte « illibérale » qui gronde dans l’est de l’Europe, du côté de Poutine, d’Orban ou encore des Polonais. Ceux-ci contestent à la fois la domination du droit et du marché, la religion des droits de l’homme et du sans-frontiérisme. Notre auteur n’en parle pas. Il préfère n’évoquer que le cas du peuple islandais, qui s’est révolté victorieusement contre le diktat des banques et des organisations financières internationales. Comme s’il craignait quand même les foudres du politiquement correct. L’alliance qu’il dénonce, entre droit et marché, fonde la religion nouvelle [il n'y a nul doute que cela soit une religion : elle a ses dogmes, ses tabous, ses péchés et ses pénitences, ses prêtres et sa police de la pensée]. Mais derrière cette alliance, il y a les pays d’Europe de l’Ouest, l’Allemagne, la France, mais surtout leur parrain, les États-Unis. Et leur formidable armada militaire. C’est le point aveugle du raisonnement de notre auteur. Si la finance peut asservir les États, c’est parce qu’elle bénéficie du soutien de la force militaire américaine, qui terrifie les plus farouches [c'est la partie de l'article que je conteste le plus : je pense que faire du militaire l'instrument d'influence des USA chez nous une erreur. C'est bien l'armée, le débarquement de 1944 puis l'OTAN qui ont permis d'imposer Disney, Coca-Cola, Mac Do et tout un monde de références américaines. Je suis révolté qu'un immigré donne des prénoms arabes à ses enfants français, mais je suis tout aussi atterré qu'un Français de souche donne des prénoms hérités de séries américaines à ses enfants, dont on peut de plus en plus se se demander ce qu'ils ont de spécifiquement français. La culture commune qui fait de nous une société vivante est faite de ces mille petites choses, c'est pourquoi, en les perdant, nous glissons vers une juxtaposition d'individus qui ne font plus une société
Il n'en demeure pas moins qu'une fois l'influence américaine installée par la force des armes, elle se perpétue par d'autres moyens plus subtils, comme le programme Young leaders.
Bien sûr, si les USA se retiraient de l'OTAN, comme ils envisagent régulièrement de le faire, y renonçant toujours et comme Donald Trump, leur influence diminuerait].
Notre ennemi ne serait donc pas la finance, mais les États-Unis d’Amérique, ou plutôt l’alliance redoutable entre Wall Street et la Maison-Blanche, avec des États-Unis devenus ploutocratie - où la classe politique est corrompue par ceux qui payent ses campagnes électorales - et une puissance militaire incomparable au service des intérêts de la finance [ploutocratie que Trump dit vouloir combattre. Il est donc cohérent avec sa politique isolationniste]. Notre grand allié, notre protecteur, notre libérateur ! C’est la conclusion à laquelle étaient déjà arrivés deux de nos plus grands présidents, de Gaulle et Mitterrand [Mitterrand, grand président ! Des fois, il débloque sérieux, le Zemmour]. Et c’est ce qui expliquerait la soumission de nos politiques devant les exigences de la finance. Gayraud a compris l’essentiel : « L’Europe sous la domination de Wall Street n’est souveraine qu’en apparence… Les États-Unis, puissance impériale par excellence, mènent à leurs alliés des guerres économiques et financières, et à leurs ennemis situés hors de leur espace de civilisation des guerres militaires. » Les guerres militaires à l’extérieur servant d’abord à terrifier les alliés de l’intérieur qui seraient tentés de se rebeller [Là, je trouve que c'est tiré par les cheveux].
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