Biographie d'Arletty, centrée sur l'Occupation. Le titre est une allusion à « Si mon coeur est français, mon cul est international ». L'auteur a eu accès à des archives fraîchement ouvertes.
Ce livre a terni mon image d'Arletty.
Jusque dans les années 90, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, le théâtre du Ranelagh passait les Enfants du Paradis toutes les semaines. Garance est inoubliable.
Quant à Arletty en chair et en os, malgré le téléfilm Une passion coupable, j'en étais resté à l'idée d'une actrice ne s'intéressant pas à la politique, passée à travers la guerre comme dans un rêve, et à quelques pirouettes gouailleuses « Si vous ne vouliez pas que je couche avec des Allemands, 'fallait pas les laisser entrer ».
Mais, quand on s'y intéresse de plus près, on s'aperçoit qu'elle aurait pu dire, comme Jean Genet et pour les mêmes raisons, les blonds mâles teutons et les orgies, « L'Occupation fut une longue jouissance ».
Amie de Josée Laval (fille unique et chérie de Pierre) depuis 1936, elle n'avait pas besoin de recourir au marché noir pour se procurer foie gras, saumon, caviar, champagne. Elle s'en fout plein la lampe alors que les Français crèvent la dalle. La description des fêtes finit par indisposer.
De plus, je la soupçonne de ne pas avoir été si ignorante de la politique qu'elle le laisse entendre. Elle vivait au contact du milieu politique, au sommet de celui-ci. Elle se vante de n'avoir jamais voté et d'être « anar » mais elle a gardé des amitiés chez des gens dont les convictions n'étaient pas exactement anarchistes. Et quelques réflexions par ci par là, comme celle-ci dans les années 80 à propos de De Gaulle « il ne faut pas confondre homme grand et grand homme », donnent à penser qu'elle n'avait pas vraiment remis en question ces opinions antérieures.
Certes, elle n'a pas fait le fameux voyage de la Continental à Berlin, contrairement à Suzy Delair et à Danielle Darrieux, toujours vivantes (à croire que ce voyage fut bénéfique pour la santé).
Ces histoires provoquent un malaise. C'est tout de même long quatre ans pour ne s'apercevoir de rien.
Il ne s'agit pas pour moi de porter un jugement rétrospectif, qui serait ridicule, mais d'expliquer. Je pense d'ailleurs que le public a porté son jugement en son temps, puisqu'Arletty n'a jamais retrouvé sa popularité d'avant 1945, même s'il n'y pas que des raisons politiques à cette désaffection.
Enfin, les amateurs de symboles s'attarderont sur le fait qu'elle a souffert de cécité dans les dernières décennies de sa vie. Punie comme Oedipe ?
Pourtant, Arletty a une qualité qu'il faut prendre en compte, même si elle n'est pas à la hauteur des drames humains que je viens d'évoquer : elle reste d'une classe exceptionnelle en toutes circonstances.
Elle signe « Biche »les lettres à son amant qu'elle surnomme « Faune ». C'est plus classieux que« Ta louloutte » et « Ton gros Riton qui t'aime».
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