L'homme est un noeud de liens. Liens dans le temps, vers le passé et vers l'avenir ; liens dans l'espace.
Certains liens sont hérités et généralement irrévocables (patrie, famille, culture, ...). D'autres sont transmis (paternité, maternité, ...). D'autres encore sont choisis, certains irrévocables (mariage, ...), d'autres choisis et révocables (liens contractuels).
Notre société, à la suite d'une évolution commencée à la Renaissance, considère aujourd'hui que les seuls liens admissibles sont de type contractuel : choisis et révocables. Elle traite donc tous les liens comme s'ils étaient de ce type, jusqu'au ridicule. Inutile que j'insiste, l'actualité est pleine d'exemples.
Je ne peux que citer Philippe Bénéton :
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Qui es-tu ? À cette question, un homme d'autrefois n'avait guère de peine à répondre: je suis François M, fils de Jacques M et de Suzanne D, époux de Jeanne D, père de deux enfants, natif de Normandie, citoyen français, de religion catholique (ou protestante, ou juive)…
Mais que doit répondre un homme d'aujourd'hui s'il se conforme à l'esprit du temps ? Qui je suis, mais je suis Moi, un être qui se fait tout seul et ne doit rien à personne... Mais quel est ce Moi insaisissable ? Où s'accrocher quand les rôles traditionnels (de fils, de père, de mari...) ont perdu leur force ? À quoi se dévouer, se donner quand tout se vaut ? Qu'est-ce qui mérite d'être respecté quand la grossièreté et la vulgarité dégoulinent sur les écrans ? Que faut-il opposer aux fanatiques de l'Islam qui dénoncent cet Occident qui n'est que débauche et faiblesse, qui exhibe des corps en rut et ne voit rien qui mérite de risquer sa vie ?
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Mais ce comportement d'enfant dans le fantasme de la toute-puissance et de l'auto-engendrement rend les hommes malheureux. Pas malheureux style « Je vais prendre une deuxième part de clafoutis et ça ira mieux », malheureux style « Je vais m'abrutir avec tout ce que je peux, télévision, radio, réseaux sociaux, petites pilules, etc. Ma vie est vide ? Hé bien, je vais la remplir de grands riens et de petits riens ... et je serai encore plus malheureux mais je n'aurai pas le temps de m'en apercevoir ». Le divertissement pascalien puissance dix.
Pour une raison fort simple : ne prendre que les liens révocables est une amputation. A la fin, l'homme meurt : les liens irrévocables (patrie, culture, famille, ...) sont ceux qui lui survivent. Si même ces liens sont révocables, il n'est plus qu'une bulle de savon, il est né de rien et ne laisse rien derrière lui.
C'est un grand désordre dans la nature humaine.
Rétablir l'ordre ramène la joie.
L'ordre, ce sont des choses simples, qui passent souvent par la loi tellement nos moeurs ont perdu la tête : ne pas choisir n'importe quel prénom pour ses enfants, assumer ses responsabilités, filiales (ne pas se débarrasser de mémé), matrimoniales (ne pas divorcer sur un coup de tête), parentales (ne pas laisser ses enfants à eux-mêmes), locales mais aussi nationales. Parler une langue correcte (ce qui ne veut pas pas dire châtiée !), ne pas manger n'importe quoi n'importe quand (il y a de plus en plus d'humains touchés par une maladie qui s'apparente au foie gras des canards !) ...
Les exemples sont légion.
Mais il y a aussi l'ordre collectif qui naît des liens assumés : la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur, la justice, le respect ...
Là où il y a un désordre, il y a un ordre à rétablir.
Comprenez moi bien, je ne parle pas de l'ordre superficiel des sociétés totalitaires. Je parle de cette ordre profond qui fait que chaque homme est à sa place, avec ses droits et ses devoirs (et pas seulement ses droits).
J'aime bien cette citation de Pierre-Jakez Heliaz :
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La politesse paysanne qui fut la mienne consiste à donner à chacun son dû et à lui réclamer le nôtre. Aimer les gens à leur place exacte dans les familles et les petites sociétés rurales, ce n’est pas un jeu mais une justice. Il ne s’agit pas de rendre les rapports humains plus faciles mais de les maintenir ou de les établir comme ils doivent être. (…) Quand chacun se conduit comme il faut, il y a honneur. Quand une faute est faite, il y a honte. Des deux côtés.
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Ainsi, on retombe sur ce bon vieux Péguy :
« L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive la liberté, le désordre la servitude ».
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