L’affluence contre l’influence
L’internet est le terrain d’exercice favori, pour ne pas dire unique, des « médias alternatifs ». Ces plateformes touchent quelquefois des audiences très vastes, qui se comptent en millions. Mais la question se pose de plus en plus: qu’est-ce que ça change? L’affluence est-elle une preuve d’influence?
Si l’opposition virtuelle dérangeait réellement, il y a longtemps qu’elle serait bloquée. Les «alternatifs» utilisent des services d’hébergement et des solutions techniques fournis par le système même qu’ils combattent. Ils ont recours pour leur diffusion aux réseaux sociaux institués (Facebook et Tweeter) et dépendent de leur visibilité dans les moteurs de recherche qu’ils accusent eux-mêmes de triche. Sans parler du langage et du mode de pensée, qui se simplifient parfois de manière mimétique jusqu’à donner ce qu’Ingrid Riocreux appelle — chez les journalistes du «mainstream» — une «pensée-émoticône». On s’accommode de la forme brève et de la riposte circonstantielle là où il serait vital de prendre du recul. On mesure son impact en termes de «clics» et de «likes», sans même vérifier si ces suffrages sont le fait d’humains ou de robots. Lorsqu’on emprunte les armes de l’adversaire, l’adversaire a déjà la partie à moitié gagnée.
De notre côté, nous nous sommes toujours adossés à ce qui distingue, précisément, la civilisation de l’indifférenciation technologique qui nous guette: la langue, les livres, la culture et le cœur. Et par-dessus tout, le courage de dire. Le courage, cette vertu qui, comme l’observait C. S. Lewis, est l’aune à laquelle on mesure toutes les autres vertus.
Pour notre diffusion, il aura bien fallu compter sur les mécanismes de l’internet, mais nous nous sommes surtout fiés au bon vieux bouche à oreille. Nous n’avons jamais cherché l’affluence ni valorisé notre travail en chiffres de visites ou d’abonnements. En revanche, nous avons essayé (et parfois réussi) à façonner une influence en proposant des vues affirmées mais pas forcément partisanes, des éclairages décentrés par rapport aux réflexes communs de l’information et des arguments fondés sur un bon sens éprouvé plutôt que sur des positions préétablies et donc prévisibles.
C’est ainsi que, dernièrement, la question de la formation des imams à l’université de Genève est devenue un sujet de discussion à grande échelle, en Suisse romande, après que l’Antipresse eut soulevé des questions de fond («S oumission à la genevoise », n° 92). Des débats s’en sont suivis à la radio comme à la télévision de service public.
L’Antipresse ne parle pas fort, mais elle est écoutée.
LA FIN DE LA PRESCRIPTION
45 ans après les faits, en tout cas ceux qu’elle allègue, une femme vient de déposer plainte contre le cinéaste Roman Polanski: une plainte pour viol. Elle l’a fait en Suisse, mais c’est le New York Times qui a publié l’information. Les juges suisses ont dit qu’ils allaient ouvrir une enquête.
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Dans un entretien au Figaro paru en début d’année, l’avocat de Polanski, Me Hervé Temime, disait à propos de son client: « J’affirme qu’aucun homme au monde ne fait l’objet d’un mandat d’arrêt quarante ans après les faits dans une situation comparable ». Mais justement Polanski en fait l’objet ! Or, on vient de le dire, une nouvelle plainte vient d’être déposée contre lui: cette fois-ci non plus quarante ans, mais bien quarante-cinq ans après les faits. A une autre époque, on aurait dit que les faits étaient prescrits. Mais ce n’est plus si sûr aujourd’hui. Tout cela est devenu très flou. La police suisse, en tout cas, a enregistré la plainte.
Ce qui incite à la réflexion. En France, la justice vient de réactiver une très ancienne affaire, l’affaire Grégory: affaire remontant, elle, à 32 ans en arrière. A l’époque, l’enquête n’avait débouché sur rien. Et donc, aujourd’hui, on la relance. Un certain nombre de personnes ont été placées en garde à vue. On les cuisine sur leur emploi du temps en ces années-là: que faisiez-vous tel jour, à telle heure, à tel endroit ? Et le lendemain ? 32 ans après les faits. Tout cela semble absurde, et d’une certaine manière l’est: c’est absurde. On pense au Procès de Kafka. Et en même temps non, car tout cela est répercuté dans les médias. Et donc les gens se disent : l’État a le bras long, il fait ce qu’il lui plaît. C’est évidemment ça, le message. L’État peut tout se permettre, il n’y a plus aucune limite. Voudrait-on intimider les gens, pour ne pas dire les terroriser, on ne s’y prendrait pas autrement.
LA POIRE D’ANGOISSE par Slobodan Despot
Les mots qu’on ne prononce pas: ÉGORGÉ
Les deux jeunes femmes de Marseille ont été, nous dit la télé, «tuées à l’arme blanche». Cela fait plus propre, plus clinique que de dire «égorgées». Pudeur spontanée des médias audiovisuels? Peut-être. L’Observatoire du journalisme a un autre avis, fondé sur des indiscrétions d’«insiders».
Cela date de l’an dernier déjà, lorsque le père Hamel fut égorgé par des islamistes dans sa propre église:
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