Dans ces 8 minutes entre Eric Zemmour et Nicolas Domenach, tout est dit de l'enjeu :
Les gilets jaunes savent désormais comment on va tenter de les couillonner : on va faire un grand battage médiatique autour de ce formidable outil que sera le RIP (Référendum d'Initiative Populaire) et on se félicitera bruyamment à quel point on est démocrate, mais on le plombera par des petites lignes compliquées et illisibles, pas du tout démocratiques, comme dans les contrats d'assurance.
« Oui, le peuple ! Mais il ne faudrait jamais voir sa gueule »
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Nul mieux que Jules Renard, par ce jugement dans son Journal le 8 juin 1904 alors qu'il contemple le peuple de Paris se promenant aux Buttes-Chaumont, n'a exprimé l'ambivalence du regard porté sur les catégories populaires en France. Tout ce qui compte dans le pays prétend leur montrer une sollicitude sans exemple. Mais si les vœux des «bons pauvres» ne correspondent pas à l'idée qu'on s'en fait de loin, les voilà dépeints comme des croquants qu'il faut tenir en respect. Serait-il impossible de résister au réflexe soit d'idéaliser le « populo » en lui prêtant toutes les vertus, soit de le traîner plus bas que terre en l'accusant de tous les vices ?
[…]
Parmi nos contemporains, un professeur de droit à Harvard iconoclaste, Roberto Unger […] reproche à ses pairs leur « inconfort vis-à-vis de la démocratie », leur apologie des « restrictions imposées à la règle majoritaire, plutôt qu'au pouvoir des minorités dominantes» et « l'opposition à toutes les réformes institutionnelles, particulièrement à celles visant à accroître le niveau d'engagement politique populaire, en tant qu'elles menaceraient un régime de droits ».
En somme, conclut Roberto Unger, volontiers caustique, les professeurs de droit partagent « un idéal de démocratie délibérative d'autant plus acceptable que son style se rapproche d'une conversation polie entre gentlemen dans un salon du XVIIIe siècle ». Mais voilà que les « gilets jaunes » ont fait irruption dans le salon.
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La suite est écrite.
Macron va proposer un RIP aux modalités subtilement inacceptables, en présentant ça comme une avancée démocratique extraordinaire et espérant qu'une partie des Français n'y verra que du feu. L'extrême-gauche sera, comme d'habitude, un allié objectif de la bourgeoisie, grâce à ses excès sur le référendum révocatoire.
Deux voies possibles de révision :
1) le congrès. C'est le mieux à long terme pour la lutte contre l'oligarchie car on peut alors continuer à jouer « eux contre nous ».
2) le référendum. C'est plus rusé, ça donne l'onction démocratique. Macron pourra alors compter sur des imbéciles (je sais, j'en ai autour de moi) qui préféreront un RIP inutile ou inutilisable à pas de RIP du tout. On retrouvera derrière Macron le bloc oligarchique de 2005 : politique, médias, notables, notoires, sachants ... En 2005, ça n'avait pas marché. Nous verrons.
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