2 articles sur les thèmes qui formeront probablement l'année 2019.
A l'international.
L'économie internationale redevient ce que l'idéologie mondialiste dissimulait derrière son bla-bla : un rapport de forces.
Trump déploie le potentiel révolutionnaire qui est le sien et que j'ai analysé depuis le début de sa campagne électorale (merci Scott Adams, Emmanuel Todd, Christophe Guilluy et compagnie).
Je m'en réjouis puisque cela change l'ordre d'un monde que j'estime profondément injuste pour la France et pour le peuple français (et pour toutes les nations et pour tous les peuples, en général).
Mais je ne me fais aucune illusion. Les révolutions indolores sont aussi rares que les poissons volants. Il y aura des morts, qui ne se relèveront pas à la fin (on n'est pas à Hollywood), et des gens jetés à la rue. Il se pourrait que j'en fasse partie : aucun décret divin ne me protège des soubresauts de l'histoire.
Pourquoi une crise économique américaine en 2019 pourrait signifier la fin du néolibéralisme
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L'administration Trump ne cesse de souffler le chaud et le
froid en matière commerciale. Tantôt elle menace ses partenaires commerciaux d'une
hausse unilatérale de droits de douane, tantôt elle annonce la conclusion d'un accord ou
d'une trêve, lorsqu'elle parvient à obtenir quelques concessions chez la partie adverse.
La stratégie commerciale américaine est en réalité loin d'être erratique. Depuis qu'il est
au pouvoir, Donald Trump applique une politique déterminée qui consiste à négocier en
position de force avec la Chine et l'Union européenne à tour de rôle. Cette stratégie
fonctionne dans la mesure où ni les autorités européennes ni la Chine ne parviennent
pour l'instant à lire clairement les objectifs américains de long terme qui semblent varier
en fonction des circonstances.
[…]
Le mythe d'une économie mondiale qui serait organisée autour de règles décidées en
commun a vécu. La gestion contemporaine de l'économie en revient à un ordre mondial
originel, bien éloigné de celui anticipé par George Bush senior en 1990. Ainsi, le nouvel
ordre mondial qui émerge n'est pas celui de la règle mais celui d'un ordre fondé sur la
logique des rapports de force, qui pousse chaque pays à mettre ses armes économiques
au service de ses seuls intérêts. Ce passage d'une gestion par la règle à une gestion par la
force suppose le retour du pouvoir politique et de sa capacité à agir de manière
discrétionnaire.
Voilà qui permet de mieux comprendre les tensions actuelles entre Donal Trump et la
Fed. En effet, derrière le conflit relatif au niveau des taux d'intérêt se trouve une
question bien plus fondamentale : une banque centrale doit-elle être indépendante du
pouvoir politique ? Lorsque vendredi 21 décembre, Bloomberg annonce que le président
américain a demandé à ses conseillers s'il était possible de démettre Powell de ses
fonctions, la presse américaine et la plupart des économistes ont crié à l'hérésie.
Interrogé par le Washington Post, le Sénateur démocrate Mark Warner, membre de la
Commission bancaire sénatoriale, a parfaitement résumé le sentiment général: « Ce que
le Président ne comprend pas, c'est que la politique monétaire doit être séparée de la
politique. Toute mesure prise pour démanteler l'indépendance de la Fed serait non
seulement inappropriée, mais menacerait les institutions qui protègent notre État de
droit. »
[…]
Mais dans un monde où les règles s'affaiblissent et où les rapports de force deviennent
prédominants, ne serait-ce pas Trump qui aurait raison ? La doctrine selon laquelle la
banque centrale doit être strictement indépendante du pouvoir politique repose sur
l'idée qu'il faut à tout prix éviter l'interférence du politique sur l'économie. C'est une
doctrine d'obédience libérale qui consiste à mettre la politique monétaire sur une sorte
de pilotage automatique confié à un comité d'experts chargés de créer un cadre
favorable à l'épanouissement des marchés.
Mais dans un monde où l'incertitude domine et où la gestion économique est un
important levier d'action, on ne peut plus gérer la politique monétaire en s'extrayant de
toute considération politique.
[…]
Ce qui est sûr c'est que l'affaiblissement des règles et le retour de la souveraineté
politique sur les marchés impliquent de reconsidérer l'ensemble des vérités établies
auxquelles nous nous sommes habitués. Car c'est une véritable gouvernance
économique illibérale qui est en train d'émerger aux États-Unis, mais également en
Chine et en Russie.
[…]
C'est la raison pour laquelle le prochain retournement économique n'aura rien à voir
avec ceux de 2001 et de 2008. Les principes libéraux qui ont tracé les grandes lignes de
l'économie mondiale au cours des dernières décennies sont en train de voler en éclat. La
politique qui avait été mise à distance de la sphère économique et des marchés au nom
d'une gouvernance d'experts d'inspiration libérale est en train de faire son grand retour.
Aussi, si une crise économique apparaît aux États-Unis en 2019 elle ne manquera pas
d'ouvrir une nouvelle ère dont la gestion marquera le grand retour des politiques
économiques souveraines. C'est une ère à laquelle l'Union européenne, avec son système
institutionnel extrêmement rigide, figé dans l'idéologie des années 80 et 90, n'est
absolument pas préparée.
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En France.
Je continue (plus que jamais) à prendre ceux qui ont voté Macron au second tour pour des crétins bêtes. Je l'ai répété sur tous les tons à mon entourage et j'ai saoulé un certain nombre de personnes (je trouve un plaisir facile à faire chier le monde 😀).
Je regrette moins que jamais mon vote Le Pen du second tour.
Il est des situations où la sagesse n'est pas de temporiser et de choisir le moindre mal, mais de crever l'abcès. Et je crois que nous sommes dans une de ces situations : laisser pourrir rendra l'explosion d'autant plus violente. Il me semble que Charles Gave, qui dit qu'il faut cesser de voter utile et désormais voter intelligent, est sur la même ligne.
Le vote Macron était (et sera, car je n'ai guère de doutes que ceux qui ont voté Macron en 2017 referont la même erreur avec les mêmes arguments en 2022) de la fausse sagesse et de la vraie lâcheté.
Je suis obsédé par le destin des aristocrates d'ancien régime. Ils n'ont cessé de retarder les réformes indispensables (pour nous, c'est dire « Merde ! » aux contraintes européistes), puis ils ont encouragé une révolution qu'ils croyaient pouvoir maîtriser (suis-je dans ce cas ?) pour finalement être éjectés de l'histoire.
Je ne dis pas comme François-René « Levez vous, orages désirés ! ». Je constate juste que les orages qui crèvent précocement sont moins violents que les orages qu'on laisse gonfler et j'en tire les conséquences.
François Bazin : « Macron a ouvert la voie à un nouveau monde qui n'était pas celui qu'il disait »
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Macron a cru qu'il était la solution d'une crise
démocratique dont il n'était en fait que l'expression. On peut même aller plus loin en
avançant l'idée que son élection, passé un moment de sidération, a été l'accélérateur
d'une crise qui vient de loin et qui est appelée à durer. Quelques esprits imaginatifs ont
prétendu que Macron, au lendemain de son triomphe, c'était « l'esprit du monde », un peu
comme Napoléon passant à Iéna sous les fenêtres de Hegel. Pareilles références
mériteraient d'être pour le moins discutées et si j'avais pour ma part à en choisir une, je
me tournerais plutôt vers Victor Cousin, père de l'éclectisme du temps de la Monarchie
de Juillet. Cela étant, on est en droit de se demander, à la lumière de ce qui se passe
aujourd'hui, si le vrai rôle de Macron n'a pas été de nourrir ce que l'on pourrait appeler
« une ruse de la raison populiste ». Pour le dire autrement, ne fallait-il pas qu'il advienne,
qu'il s'impose puis qu'il échoue à ce point pour que le populisme dont il prétendait être
l'ennemi principal puisse désormais se déployer sans complexe ni résistance ?
Le nouveau monde, pour vous, c'est le populisme ?
On peut le craindre [Pourquoi le craindre ? Il faut l'espérer, au contraire]. Macron a liquidé ce qui restait d'un vieux monde qui ne s'en
remettra pas. Il a ouvert la voie à un nouveau qui n'était pas celui qu'il disait. En ce sens,
il n'est peut-être qu'un passeur destiné à être bientôt dévoré par plus barbare que lui.
C'est la seule lecture que vous faites du mouvement des gilets jaunes ?
C'en est en tout cas une lecture possible. Une autre, plus modeste mais pas moins
inquiétante, serait de penser, comme Tocqueville, qu' « un régime n'est jamais aussi
fragile qu'au moment où il commence à se réformer ». Tocqueville, je le rappelle, parlait
là de la situation de la France à la veille de la Révolution …
[…]
Le quinquennat d'un an et demi, par nature, ça n'existe pas et il
ne suffit pas de scander « Macron démission » sur les ronds-points pour que cela se
produise. Ce qui me frappe surtout, si l'on compare la situation du Président à celle de
ses prédécesseurs en butte à des épreuves comparables, c'est d'abord le caractère très
personnel de la détestation dont il est l'objet. Normal, dit-on souvent, à l'ère de
l'hyperprésidence. Sauf que Sarkozy qui la pratiquait plus que quiconque au point
d'électriser l'ensemble du champ public, polarisait à l'extrême contre lui mais aussi avec
lui. Là est la vraie différence avec Macron qui, dans l'adversité, semble incapable de
constituer un bloc politique et électoral suffisamment compact pour résister aux
tempêtes. C'est la lecture en tout cas que je fais des événements de ces six derniers mois
qui vont du début de l'affaire Benalla à la crise des gilets jaunes. Quand l'opinion bouge
désormais, c'est de manière homogène dans une contestation directe ou indirecte du
pouvoir élyséen. Quand ce dernier met un genou à terre, c'est à chaque fois les fidélités
que l'on pensait assurées qui défaillent. Quand il est faible - et Dieu sait s'il l'est
aujourd'hui - Macron me paraît bien seul. Sa disparition de la scène médiatique au
lendemain de Noël me paraît hautement symbolique, même si je ne confonds pas les
plages tropéziennes et la lande irlandaise ou Brigitte avec tante Yvonne.
L'absence d'alternative crédible est-elle, à vos yeux, l'ultime bouée du pouvoir
macronien ?
Telle a été, en 2017, la formule de sa victoire face à Marine Le Pen. Ce peut être en 2019
et ensuite celle de sa survie à ceci près qu'à force de couler à plein bord, le populisme
peut finir un jour par briser les digues qui l'ont jusque-là contenu. Pour le moment, c'est
vrai que la gauche, tous courants confondus, est divisée comme jamais et que son
potentiel électoral, dans les récents sondages, est à un niveau de faiblesse historiquement
inégalé. La droite de gouvernement ne vaut guère mieux et ce qu'a réussi le mieux
Macron, depuis son élection, est de trouver en son sein des alliés de fortune. Hier Juppé
et ses amis après que l'on a fait - déjà ! - des appels du pied à Bertrand. Demain, Sarkozy
et les siens ? Ce n'est pas l'aspect le moins étonnant de l'affaire Benalla que de montrer
par la bande - si on ose dire - combien des poutres travaillent encore dans ces secteurs de
la droite.
Mais pour quoi faire ?
Rien, précisément, si ce n'est durer en attendant l'embellie. Vu la nature des institutions,
on peut imaginer un Président impuissant et indéboulonnable à la fois. Cela dit, je ne
vois pas comment, dans le contexte actuel, une telle situation pourrait ne pas provoquer
à la longue une crise sociale et politique à côté de laquelle celle des « gilets jaunes »
apparaîtra comme de la petite bière.
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