Comme Thibaut Pinot, la France a la lose (François Martin)
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A tous les coups, le parcours 2019, se terminant par trois jours dantesques dans les Alpes, avait été dessiné pour donner sa chance à un Français, Thibaut Pinot, seul capable, d’après les spécialistes, de tirer son épingle du jeu dans une configuration où les Colombiens, par ailleurs, sont les rois. De là à penser que ce parcours avait fait, 100 ans du Maillot Jaune aidant, l’objet d’un deal entre le pouvoir politique, les organisateurs du Tour et les médias, il n’y a qu’un pas que l’on peut aisément franchir. De nombreux indices viennent conforter cette version…
Thibaut Pinot, l’Elu de la Macronie !
Tout se passe au début comme prévu : Thibaut Pinot fait l’objet d’une incroyable couverture de la presse (France 2 le « chouchoute », les commentateurs l’encensent, la chaîne réalise même, pendant le Tour, un film sur Pinot : on le suit, au jour le jour, sur son vélo, et aussi dans l’intimité du bus, de sa chambre, de sa salle de massage et de ses repas), mais aussi des politiques (deux ministres viendront spécialement lui souhaiter bonne chance durant le parcours, Roxana Maracineanu et Muriel Pénicaud). Avant même d’avoir gagné, et alors qu’il a abandonné 3 fois sur 6 participations, il est déjà la star… L’Elu.
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Jusque-là, rien de bien original ni de si malhonnête, chaque pays du monde ayant évidemment une propension, lorsqu’il organise un événement sportif, à tenter de favoriser, sans l’avouer, mais parfois de façon éhontée, ses propres nationaux.
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Mais les choses ne se passent pas comme prévu : le factotum Alaphilippe ne se plie pas au scénario écrit d’avance par ses « autorités de tutelle » (la politique et la presse). Crime parmi les crimes, il a du caractère, il est malin, et il aime gagner. Il adore le public qui le lui rend bien, et le vénère pour son panache : c’est la « Jujumania ». Il ne se contente pas de servir de rampe de lancement. Il prend le maillot Jaune, il se bat comme un beau diable pour le garder et le reconquérir lorsqu’il le perd. Pire encore, pendant la 10ème étape, de Saint-Flour à Albi, son équipe organise un traquenard, un « coup de bordure », consistant à accélérer brutalement pour faire perdre au peloton le bénéfice de la protection contre le vent. Les Colombiens et Geraint Thomas ne se laissent pas prendre, mais quelques autres, dont Pinot et son équipe, se font avoir comme des bleus. Au final, « l’Elu » perd 1mn 40 sur les meilleurs, et l’essentiel de ses chances de se placer avant le « plat de résistance » particulièrement roboratif des Alpes. Alaphilippe en remet encore une couche, en gagnant avec un brio incroyable, devant Thomas, le contre-la-montre de Pau, lors de la 13ème étape. Il accroît ainsi son petit « matelas » qu’il tentera de défendre ensuite comme un forcené. En somme, il fait ce que Pinot devait faire.
En France, on n’aime pas les gagneurs
Et c’est là que les choses deviennent passionnantes. Bien sûr, les événements ne se sont pas passés comme les « parrains », politiques, presse et organisateurs, le voulaient. Le « chouchou » est un peu… dans les choux ! Mais ils ont, devant, un véritable gagneur, qui vient de mettre une « pile » au dernier vainqueur dans son exercice favori. Il est en jaune depuis 10 jours. Bien que ce soit plus un coureur de « classiques » que de grands tours, et bien que son équipe ne soit pas la meilleure, il reste très bon sur le vélo. Il est solide en montagne, il sait bien ce qu’il veut, il a la tête froide, il a un tempérament de feu, il se bat, il s’accroche à son maillot, il ne pense qu’à gagner, et le public l’adore. Que veut-on de plus ? Dans n’importe quel pays, à défaut d’abandonner le « loser » à son sort, au moins, on prendrait fait et cause pour le « winner ». On le soutiendrait, on gonflerait la « Jujumania », on se demanderait « Peut-il gagner ? Va-t-il gagner ? ». On feuilletonnerait sur ses chances. Mais en France, on n’aime pas les gagneurs, ceux qui montrent trop d’indépendance et de caractère. Surtout celui-là, à qui l’on reproche le « coup de Jarnac » de la bordure, alors que c’est un grand classique. On lui en veut d’avoir brisé le beau rêve de la presse, ça se sent en filigrane dans tous les commentaires.
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Triomphe de la pensée politique : on monte en haut lieu un beau scénario, et tout le monde doit s’y plier, même si ça ne marche pas. Triomphe de la pensée magique sur la pensée réaliste : on préfère celui qui est le plus sympathique (en réalité, celui qui est malléable), plutôt que celui qui gagne. Celui qui gagne, et qui le prouve, doit perdre, parce qu’il ne fait pas ce que l’on avait décidé pour lui. Obsession morbide pour l’échec : on parie, envers et contre tout, sur les perdants. On sort les mouchoirs, on les encense, alors qu’on méprise nos gagneurs. Le patron de l’équipe Ineos, qui gagne tous les Tours de France depuis 7 ans, sera le seul à dire que Julian Alaphilippe a un grand avenir. Forcément, pour lui, gagner, c’est un critère qui compte.
Ambitieuse comparaison
Risquons-nous à une ambitieuse comparaison. En politique, c’est un peu pareil :
Poutine et Bachar sont les maîtres du Moyen Orient… mais on ne leur parlera pas, parce qu’ils sont méchants. On préférera, comme avec Pinot, contempler notre splendide échec plutôt que de construire l’avenir avec les vainqueurs… Trump sera sans doute réélu à la tête de la première puissance du monde, mais on continuera à le dénigrer, parce qu’il est vulgaire. Nous perdrons encore plus notre influence, mais tant pis… pour lui !
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Nous taxerons nos entreprises et nos consommateurs à cause du réchauffement climatique, même si les principaux pollueurs (USA, Inde, Chine) ne le font pas. Nous devrons « montrer l’exemple », et faire hara-kiri sur notre compétitivité et notre pouvoir d’achat, même si nous ne représentons plus que 0,1% de la pollution mondiale. Triomphe de la bêtise… et promesses de décadence !
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Je ne peux juger l'aspect sportif, mais politiquement, cet article est juste.
La France sous Macron est perdante, même si une caste s'en sort bien, et exactement pour la raison décrite dans l'article : je les connais, ces songe-creux, ces abstracteurs de quintessence, tous ces énarques, polytechniciens, centraliens, qui se construisent un monde idéal dans leur tête. Et si la réalité a le mauvais goût de ne pas s'y plier, c'est parce qu'on n'en pas fait encore assez, de leur idée géniale.
J'en connais des palanquées de ces théoriciens, que les fayots et les imbéciles (cumul possible) qualifient sans vergogne de « brillants », parce qu'ils résolvent dans leur tête des équations à 122 inconnues.
Manque de pot, catastrophe, gaspation, abomination de la désolation, la réalité ne rentre pas dans une équation, même à 122 inconnues. Et comme ils ne savent pas faire autre chose que des équations à 122 inconnues, ils nous emmènent dans le mur (en klaxonnant, car les résolveurs d'équations à 122 inconnues ont une opinion stratosphérique d'eux-mêmes).
On crève vraiment de ces abrutis, qui ne sont même pas intelligents, puisque, tout de même, en politique, en management, la prise en compte des réalités (humaines, par exemple), c'est la base de l'intelligence.
La psycho-rigidité de l'âne savant qui dit « J'ai fait tous les calculs dans ma tête, j'en déduis ma stratégie et je m'y accroche malgré tous les démentis de la réalité » est mortelle. C'est le syndrome Gamelin (un type admiré pour son intelligence, à l'époque. Forcément brillant) : j'ai fait tous mes calculs en fonction de ce que je connaissais, malheureusement, l'ennemi n'a pas joué le jeu et a eu un comportement (faire foncer les chars sans attendre l'infanterie) que je ne connaissais pas.
J'ai trouvé ceci dans le livre de Michel Goya, Sous le feu : si deux adversaires, toutes choses égales par ailleurs, ont 95 % de chances de prendre la bonne décision pour le premier et 50 % pour le second, mais que ce dernier est deux fois plus rapide à prendre une décision, c'est lui qui l'emportera dans 51 % des cas contre 23 % pour le premier.
Pourtant, je méfie du pragmatisme. Dans un excès inverse de la psycho-rigidité, on court le risque de ne pas avoir de ligne directrice et de trop varier.
Bref, la France souffre de ne pas savoir sélectionner ses élites. Elle favorise les exploits scolaires abstraits au détriment des réussites plus concrètes. On sait pourquoi : parce que cette sélection des gros bourrins favorise la reproduction sociale. L'année où il y a le plus de fils d'ouvrier admis à Polytechnique ? 1967. Un an avant les événements qui allaient casser l'école et bloquer l'ascenseur social, je ne peux m'empêcher d'y voir plus qu'une coïncidence.
A force de sélectionner des gros bourrins, nous avons des dirigeants gros bourrins (Macron qui s'acharne sur le concours de Normal Sup), admirés par les gros bourrins qui votent pour eux, et ils font une politique de gros bourrins.
Et le France se plante. Mais il nous reste une consolation : nous avons les meilleurs gros bourrins du monde. Du Monde ! Rendez vous compte. La réussite, c'est pas ça. Par contre, le plantage, chapeau ! Nous sommes les champions du monde du plantage, grâce à nos maxi-gros bourrins. C'est-y pas beau d'être leader mondial dans un domaine ?
Pour ceux que le sport intéresse :
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